La dilatation des bronches refait surface comme en témoignent les nombreuses communications qui lui étaient dédiées lors du récent Congrès français de pneumologie. Potentiellement invalidante, elle pourrait bénéficier des progrès réalisés dans la mucoviscidose (MVD) mais sa prise en charge est loin d’être bien codifiée.
Thème phare du récent Congrès français de pneumologie de langue française (CPLF, Marseille 27-29 janvier), la dilatation des bronches (DDB) – ou bronchectasies – suscite depuis peu un regain d’intérêt au sein de la communauté médicale. « Cette pathologie avait un peu sombré dans l’oubli derrière des pathologies plus “porteuses” pour ne plus constituer qu’une mention dans le chapitre des toux chroniques, reconnaît Dr Marlène Murris-Espin (hôpital Larrey, Toulouse). Mais l’expertise acquise dans la prise en charge de la mucoviscidose a donné un nouvel essor aux pathologies suppuratives bronchiques, d’autant qu’il s’agit d’affections plus fréquentes qu’on ne le pense et dont les répercussions peuvent être majeures ».
Si la prévalence exacte de la DDB reste mal connue, des études, menées aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, suggèrent qu’elle pourrait s’échelonner de 100 à 500 pour 100 000 habitants, les chiffres variant selon qu’on y inclut ou non les bronchectasies accompagnant certaines pathologies, comme la BPCO, où elles sont présentes dans 30 à 50 % des cas. « Si on ne retient que les bronchectasies accompagnées de toux et d’une bronchorrhée sans notion de tabagisme, la prévalence tournerait autour de 200/100 000, indique le Dr Murris-Espin. Ce n’est donc plus une maladie rare ! »
Des bronchectasies de moins en moins idiopathiques
La DDB correspond à des troubles du drainage bronchique associés à des anomalies morphologiques à type de distension bronchique, avec augmentation de la sécrétion de mucus, diminution de la clairance muco-ciliaire qui favorise la colonisation microbienne et l’inflammation neutrophile, apparition d’un syndrome ventilatoire obstructif puis restrictif. Les bronchectasies, un peu comme la fibrose pulmonaire, peuvent être à la fois un symptôme qui se situe aux confins de diverses pathologies auxquelles elles peuvent être associées sans en constituer l’élément central ou une maladie à part entière lorsqu’elle est responsable d’une symptomatologie importante et invalidante, par la bronchorrhée en particulier.
Dans les études les plus anciennes, 30 à 53 % des DDB étaient dites idiopathiques, mais ce pourcentage diminue fortement dans les enquêtes récentes, la recherche des causes étant aujourd’hui plus poussée. Ces étiologies sont diverses : antécédents d’infections sévères (tuberculose, pneumonie, coqueluche, mycobactérie atypique) et d’infections récidivantes dans la petite enfance, aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA), asthme, BPCO, déficits en immunoglobulines ou en alpha 1-antitrypsine, pathologies auto-immunes avec association à la polyarthrite rhumatoïde ou aux MICI, maladies génétiques comme la mucoviscidose (7 % des DDB), connectivites, etc.
Une symptomatologie parfois trompeuse
Le diagnostic repose sur un scanner thoracique à haute résolution. La difficulté est de poser l’indication de celui-ci devant une symptomatologie banale voire trompeuse. Elle se manifeste par une toux chronique productive (90 %), une dyspnée (60 %), des hémoptysies, des douleurs thoraciques (19 %) liées à la rétention des sécrétions. Mais il faut aussi y penser devant une asthénie chronique qu’on sous-estime alors qu’elle est présente dans pratiquement 3/4 des cas, des infections pulmonaires fréquentes et traînantes, une rhino-sinusite (70 %), une dénutrition ou une infertilité qui doit faire évoquer la mucoviscidose. Les EFR mettent en évidence un syndrome mixte restrictif et obstructif avec, souvent, une hyper-réactivité bronchique. « Il est inacceptable de voir errer avec un diagnostic de bronchite chronique des personnes qui ne sont exposées ni au tabagisme ni à une pollution importante et qui toussent et expectorent depuis 20 ans. Le médecin traitant ne doit pas hésiter à prescrire un scanner en cas de toux chronique et adresser le patient au pneumologue pour des EFR en cas de bronchectasies ».
Ce d’autant plus que les bronchectasies retentissent sur la qualité de vie par la dyspnée, la bronchorrhée qui peut aller jusqu’à 80 ml/jour, les surinfections et l’absentéisme professionnel ou scolaire. Elles pourraient même constituer un facteur de risque cardiovasculaire via l’inflammation. « Il est indiscutable qu’il faut prendre en charge les bronchectasies, mais les profils de patients sont très hétérogènes selon les étiologies, la sévérité de l’atteinte respiratoire, les comorbidités et les cibles thérapeutiques probablement différentes ». Une étude européenne de 2015 a identifié divers phénotypes chez 1 145 patients atteints de DDB : les plus sévères sont les porteurs chroniques de P. æruginosa (16 %) avec un syndrome restrictif plus marqué et des exacerbations plus nombreuses ; 24 % sont atteints d’autres infections chroniques, 13 % sont des tabagiques avec expectorations quotidiennes sans infection, 27 % ont des DDB « sèches » avec dyspnée et hémoptysies. Plusieurs scores cliniques permettent d’évaluer la sévérité, mais, globalement, on sait que les DDB associées à la BPCO concernent plus souvent des hommes d’un certain âge, avec un VEMS plus bas, plus souvent infectés par P. æruginosa avec des exacerbations plus fréquentes, tandis que les DDB idiopathiques toucheraient plutôt des femmes plus jeunes avec une atteinte moins sévère.
La colonisation par P. æruginosa concernerait 15 à 30 % des DDB, avec un impact négatif sur la mortalité, les hospitalisations, la fréquence des exacerbations, la fonction respiratoire et la qualité de vie.
Le diagnostic étiologique est parfois difficile, mais essentiel, car certaines causes sont curables et conditionnent la thérapeutique. Un bilan de première ligne - test de la sueur, électrophorèse des protides, bilan immunitaire, dosage de l’alpha 1-antitrypsine et des Ig aspergillaires, etc., sera complété par une enquête génétique si nécessaire. L’examen cytobactériologique des crachats - initialement, lors du suivi ou des exacerbations - recherche des germes pathogènes, en particulier P. æruginosa et H. influenzæ, les mycobactéries...
Des traitements à codifier
Sur le plan thérapeutique, on dispose de diverses options s’adressant aux différents mécanismes et répercussions de la maladie : macrolides au long cours, nébulisations antibiotiques ou non, réhabilitation pulmonaire, management des comorbidités, mais leur place n’est pas aussi bien déterminée que dans la mucoviscidose. Les corticostéroïdes inhalés et/ou des β2-mimétiques sont logiques si la DDB accompagne un asthme ou une BPCO mais leur intérêt n’est pas prouvé en leur absence. Les macrolides diminuent le nombre d’exacerbations avec un effet rémanent après l’arrêt, mais n’ont pas d’impact sur l’EFR et sont prescrits hors AMM avec une iatrogénie qui est loin d’être négligeable. Faut-il les réserver aux porteurs de pyocyaniques, à quelle dose et combien de temps, cela reste à préciser. « L’antibiothérapie inhalée vis-à-vis des deux pathogènes les plus fréquemment retrouvés, HI et PA, a fait l’objet de différentes études mais leur efficacité est controversée » reconnaît le Dr Julie Macey (CHU de Bordeaux). Tout comme les nébulisations de sérum hypertonique ou de mannitol, elles exposent au risque de bronchospasme et ne peuvent être réalisées qu’en milieu hospitalier « avec un protocole très complexe pour peu de résultats » confirme le Pr Patrice Diot (Tours).
La kinésithérapie est indispensable pour diminuer la symptomatologie et les expectorations, améliorer la qualité de vie et une bonne hydratation est indispensable pour faciliter le drainage. « C’est en hiérarchisant bien nos patients que nous pourrons proposer la meilleure prise en charge globale, conclut le Dr Murris-Espin, et nous devrions rapidement aboutir à des traitements à la carte comme on le fait pour la mucoviscidose. »
L’ERS devrait d’ailleurs publier des recommandations pour répondre aux questions sur la prise en charge des bronchectasies et un registre Embarc (European Multicentre Bronchectasis Audit and Research Collaboration) a été mis en place pour mieux comprendre et prendre en charge les bronchectasies non mucoviscidosique.
De plus en plus de pneumopathies virales
Les virus, notamment les virus émergents, sont de plus en plus souvent incriminés dans des pneumopathies plus graves qu’on ne le soupçonnait. On constate ainsi une modification de l’épidémiologie dans les pneumonies aiguës communautaires (PAC). Dans une étude menée chez 2 488 adultes atteints de pneumonie authentifiée, un agent pathogène a pu être détecté chez 38 % d’entre eux. Il s'agissait alors d'un ou plusieurs virus (24 % des cas), d’une bactérie (11 %), de l’association des deux (3 %), d’une infection fongique ou d’une mycobactérie (1 %). Les germes les plus fréquents étaient le rhinovirus (9 %), l’Influenza virus (6 %), le Streptococcus pneumoniæ (5 %).
« Ce profil microbiologique peut s’expliquer par des antibiothérapies antérieures, l’impact probable des vaccinations anti H.influenzæ et anti-pneumococcique ce qui doit nous encourager à améliorer la couverture vaccinale vis-à-vis de ces pathogènes, mais aussi de la grippe », explique le Dr Élodie Blanchard (Bordeaux).
Saisonnalité Après les rhinovirus et les Influenza virus, les virus le plus souvent rencontrés dans les pneumonies sont les paraxovirus – metapneumovirus, VRS et parainfluenza – leur proportion variant selon les saisons. VRS et métapneumovirus sont des virus proches dont on connaît de mieux en mieux le rôle chez l’adulte, non seulement dans la bronchite mais aussi dans la pneumonie, en particulier dans les formes graves. Ils miment la grippe et leur incidence s’accroît chez les personnes âgées et immunodéprimées. Chez les personnes revenant d’un voyage au Proche-Orient ou en Asie, un syndrome grippal peut-être lié au MERS (Middle East Respiratory Coronavirus) ou au SRAS.