SIX HEURES en 4X4 sont nécessaires à Cesar Yesquen Puican pour se rendre à son lieu de travail dans le nord du Pérou. Destination ? Kañaris, où l’entreprise minière canadienne Candente Copper développe un projet à 3 000 mètres d’altitude.
Installé dans une petite cabane en amont de la cantine du camp d’exploration le Dr Yesquen fait partie des médecins qui se relaient pour veiller à la santé des 200 employés. Priorité, les travailleurs « d’en bas », ceux qui vivent ordinairement au niveau de la mer. Chacun doit se soumettre à un examen pour évaluer ses capacités pulmonaires et cardiaques, autrement dit ses capacités d’adaptation à l’altitude. Pour le reste, le travail est dur et les conditions rudes, alors les visites ne manquent pas. Les troubles gastro-intestinaux et les problèmes d’hypoxie, tous deux causés par l’altitude, sont les plus courants.
Acclimatation trompeuse.
À plusieurs milliers de kilomètres au sud, Gabriel Armando Atahualpa Begazo est le superviseur de l’équipe médicale du gigantesque chantier minier de Constancia, de l’entreprise canadienne Hudbay Minerals. Avec ses quatre collègues il a en charge les 3 500 employés de ce site perché à 3 000 mètres. « Il faut compter une période d’adaptation de deux jours », explique-t-il.
Attention, prévient cependant le Dr Pierre Mayer, pneumologue québécois au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, et spécialiste de la montagne. « L’acclimatation permet de diminuer les symptômes, tels que maux de tête, fatigue ou malaises, mais il est impossible de compenser le manque d’oxygène. »
Pour tenter de contrer ce problème, les mines font appel à une forte proportion de main-d’œuvre locale. À Constancia, plus d’un millier d’ouvriers provient des villages voisins. Habitués à l’altitude, ces derniers n’ont pas besoin de s’acclimater. « Même si on est né en altitude, le corps humain n’est pas conçu pour ça et se dégrade », tempère cependant le Dr Pascal Zellner, président de l’Institut de formation et de recherche en médecine de montagne (IFREMMONT). Le travail, très physique, expose les ouvriers à un manque d’oxygène qui peut entrainer une défaillance cardiaque.
Une discipline à développer.
Dans les dortoirs de certains observatoires astronomiques de haute altitude, l’air ambiant est enrichi en oxygène afin de permettre aux chercheurs de travailler dans des conditions optimales. La solution a été adoptée par la mine chilienne de Collahuasi, à 4 000 mètres d’altitude, qui oxygène l’air des cabines de camions de minerai afin de limiter les erreurs d’inattention des chauffeurs. « C’est une solution coûteuse, mais pour éviter l’accident d’un camion de plusieurs millions d’euros ça vaut la peine », relativise le Dr Jean-Paul Richalet, professeur de médecine à l’université de Paris XIII et spécialiste français des effets de l’altitude sur l’organisme.
Au jour le jour cependant, les préoccupations des médecins sont peu liées à l’oxygène. Les principaux défis restent l’isolement et le manque de matériel. « Nous reposons beaucoup sur notre habileté clinique », concède le Dr Atahualpa, fort de quatre ans d’expérience dans les camps miniers. « Nous avons mis en place un réseau de médecins miniers à travers les Andes qui leur permet d’échanger leurs expériences à travers des séminaires », précise le Dr Richalet, qui a lui même séjourné durant un mois à plus de 6 500 mètres d’altitude.
En Europe, il existe quelques formations spécialisées en médecine d’altitude, dont un Diplôme universitaire à Paris XIII. « Les spécialistes sont plus souvent des autodidactes passionnés d’alpinisme », rappelle le Dr Mayer. Cependant, avec les développements industriels importants en haute altitude, notamment dans les Andes, la discipline va immanquablement être amenée à se développer croit le Dr Richalet : « On ne parle plus juste de l’anecdotique alpiniste au sommet de l’Everest, mais de milliers de travailleurs. »
« La montagne n’est ni juste, ni injuste. Elle est dangereuse », disait l’alpiniste italien Reinhold Messner. À Kañaris, que se passe-t-il si un ouvrier tombe en arrêt cardiaque sur une des pistes boueuses qui sillonnent la vallée ? Le Dr Yesquen garde le silence. Ici, il vaut mieux prévenir... ou prier en regardant l’horloge à l’effigie de la vierge au-dessus du divan d’examen.
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