La révolution du numérique affecte l’ensemble du système de santé, et la pneumologie n’y échappe pas. Dans la catégorie des outils et services de base, on peut citer, sous réserve d’améliorations toujours possibles, la dématérialisation des feuilles de soins, les cartes de professionnels de santé (e-CPSsanté), l’authentification forte de ceux-ci (Pro santé connect), facilitant les échanges et la coordination, la messagerie sécurisée de santé (MSS) et, dans un avenir proche, la prescription dématérialisée. Utiles, simples, ces outils et services se répandent rapidement, au fur et à mesure de leur intégration dans les logiciels métiers.
La télémédecine soulève déjà plus de questions. Téléconsultation et téléexpertise affectent plus directement l’organisation des soins et les parcours. Toutefois, les patients et les professionnels restent seuls juges de la pertinence de leur utilisation.
Des décisions prises par les machines et leurs fabricants
La télésurveillance mérite plus d’attention, comme l’illustrent les deux exemples concrets suivants.
D’abord, concernant le télésuivi des patients apnéiques. Il évolue rapidement ; il n’y a pas si longtemps, le médecin prescrivait la pression positive continue (PPC), les prestataires passaient recueillir les données de l’appareil qu’ils avaient installé à domicile, puis les transmettaient sous forme papier au prescripteur, qui à son tour communiquait le résultat de son analyse au patient lors des visites de suivi. Actuellement, les PPC les plus utilisées sont autopilotées en fonction d’algorithmes auxquels les médecins n’ont plus accès, puisqu’ils restent la propriété industrielle des fabricants. Les appareils télétransmettent directement aux prestataires les données, qui sont ensuite mises à disposition des médecins et des malades sur des plateformes numériques.
De plus en plus, les résultats pour le malade sont affichés directement sur les appareils, autopilotés mais aussi autocontrôlés par des systèmes de télémaintenance. Demain, les PPC pourraient orienter le parcours du patient, en lui conseillant par exemple un changement de masque en cas de fuites anormales ou de reconsulter le médecin en cas d’IAH/H résiduel élevé lorsqu’observance, fuites et pressions sont correctes. Dans ce schéma, où commence et où s’arrête la responsabilité médicolégale du médecin, du prestataire et du fabricant ? Où est le contrôle humain de ce dispositif générant des alertes ?
Autre exemple, un algorithme détectant les rechutes précoces des cancers du poumon, Moovcare. Propriété d’une société commerciale, il est pris en charge dans le cadre d’un forfait innovation, à hauteur de 2000 €/an/malade. Les médecins peuvent utiliser cet algorithme, sans rémunération, mais tout en se réorganisant pour pouvoir répondre aux alertes, engageant de fait leur responsabilité, dans un cadre médicolégal encore flou.
L’intelligence artificielle suscite encore plus d’interrogations. Sans en faire la panacée qu’elle n’est pas, sa rapide progression va générer des algorithmes susceptibles d’améliorer les soins. Il demeure capital qu’elle reste sous contrôle humain, de préférence médical quand il s’agit de soins médicaux. Ce contrôle implique de ne pas automatiser et systématiser les préconisations des algorithmes et de faire intervenir un médecin responsable afin de les personnaliser pour chaque malade avec la plus grande humanité.
Garder le contrôle des données
Les médecins ne peuvent pas être de simples générateurs de données de vie réelle, collectées et exploitées par d’autres, en dehors de tout contrôle de la profession, pour revenir sous forme d’algorithmes dont ils seraient les exécutants − quand ils ne seraient pas tout simplement court-circuités. Il est urgent que nous prenions davantage conscience de l’importance des registres, observatoires et autres bases de données gérées par la profession : de plus en plus, les informations ainsi récoltées vont guider la pratique médicale et éclairer les décisions des autorités de santé en matière d’organisation des soins.
La Fédération Française de Pneumologie (FFP), fortement impliquée dans l’organisation des soins, a fait du numérique en santé une de ses préoccupations actuelles. En plus de l’Observatoire du sommeil et du registre asthme, dont elle gère directement les données, la FFP a recensé sept autres registres, observatoires, ou bases de données, contrôlées par la profession et qui entrent dans le cadre du parcours DPC et prochainement de la recertification (1).
Exergue : Les informations récoltées vont guider la pratique médicale et éclairer les décisions des autorités de santé en matière d’organisation des soins
Vice-président de la Fédération française de pneumologie (FFP)
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