DANS PLUSIEURS études publiées depuis 2006, on a estimé que la procalcitonine, un précurseur de l’hormone calcitonine, « représente un marqueur spécifique d’infection bactérienne sévère chez des patients suspectés de sepsis », rappellent Michel Wolff et coll. Le guidage fondé sur la concentration sanguine en procalcitonine a réduit de manière substantielle l’usage des antibiotiques chez des patients se présentant aux urgences ou admis à l’hôpital pour des infections respiratoires basses.
Les auteurs français ont voulu évaluer l’utilité de ce paramètre pour guider la prescription des antibiotiques chez toutes sortes de patients en USI et non pas seulement dans le contexte des infections respiratoires.
L’étude randomisée contrôlée PRORATA a été menée dans 8 USI françaises, en comparant un algorithme utilisant la procalcitonine (n = 307) à un groupe témoin dans lequel une antibiothérapie était prescrite en s’appuyant sur les recommandations locales et internationales (n = 314). Dans le groupe procalcitonine, les antibiotiques étaient institués et arrêtés en se fondant sur un seuil de 0,5 µg/L. Les critères d’inclusion comportaient une suspicion d’infection bactérienne dans le contexte d’un état critique, et un séjour prévisible en USI d’au minimum 3 jours. Les décès de toutes causes aux 28e et 60e jours, ainsi que le nombre de jours sans antibiotiques à J28 après l’inclusion ont été les principaux critères d’évaluation.
Les résultats font conclure à une non-infériorité du protocole fondé sur la procalcitonine. « En utilisant la procalcitonine pour prescrire les antibiotiques plutôt que les recommandations en cours, l’exposition des patients aux antibiotiques pourrait être réduite et, de ce fait, la montée des résistances serait ralentie. » La mortalité chez les patients du groupe procalcitonine n’apparaît pas pire que celle du groupe témoin à J28 (21 % versus 20 %) ainsi qu’à J60 (30 % versus 26 %). Après divers ajustements, l’odds ratio pour le décès dans le groupe procalcitonine est de 0,89 à J28 et de 1,09 à J60, comparativement au groupe témoin. Les patients du groupe procalcitonine ont bénéficié de pratiquement trois jours supplémentaires sans antibiotiques à J28 (14,3 jours versus 11,6 jours).
Exposition aux antibiotiques plus basse.
L’exposition aux antibiotiques est significativement plus basse pour les patients dans le groupe procalcitonine, dans tous les sous-groupes prédéfinis : infection communautaire acquise, infection nosocomiale, pneumonie associée à la ventilation mécanique et patients immunocompromis.
Les auteurs soulignent qu’en dépit d’une moindre exposition aux antibiotiques, ils ne parviennent pas à montrer dans le groupe procalcitonine une différence en terme d’émergence de bactéries multirésistantes. Une réduction de 3 jours d’utilisation d’antibiotiques dans un sous-groupe peut ne pas être suffisante pour cela.
Ils précisent qu’une analyse de la procalcitonine en France coûte entre 10 et 15 euros. La procalcitonine doit être mesurée quotidiennement pendant toute la durée du traitement par antibiotiques dans les USI pour décider de la poursuite ou de l’arrêt. Un coût qui doit être mis en regard de celui d’une prescription superflue d’antibiotiques, en particulier quand on fait appel à ceux qui ont un large spectre ou qui ont été récemment mis sur le marché, plus onéreux. Les auteurs citent une étude qui montre que le coût des antibiotiques en USI est de 114 euros par patient et par jour.
Les raisons d’admission des patients dans l’étude PRORATA ont été très diverses (médicales, chirurgicales d’urgence ou programmées), tout comme les sites d’infection (choc septique, septicémie, infections urinaires, du système nerveux central…), chez des patients en état sévère (défaillances organiques diverses, les deux tiers des patients étaient sous ventilation mécanique). Les auteurs en déduisent que leurs conclusions pourraient être « applicables à la majorité des patients non chirurgicaux dans des unités de soins intensifs et y compris chez ceux qui sont immunodéprimés ».
Lila Bouadma et coll, The Lancet, publié en ligne le 23 janvier 2010.
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