« LA RÉSISTANCE aux antibiotiques des entérobactéries s’est développée de manière progressive depuis l’arrivée des premières bêtalactamines actives dans les années 1960. L’apparition de résistances à l’ampicilline a entraîné, quelques années plus tard, une consommation intensive de céphalosporines de troisième génération et de fluoroquinolones et ce, dès leur introduction. La résultante a été l’apparition, puis la diffusion, de souches résistantes à ces familles d’antibiotiques (BLSE entre autre), ce qui, à son tour, a contribué à fortement accroître la consommation de carbapénèmes et, en retour, à faire fructifier la résistance », rappelle le Pr Vincent Jarlier. La résistance aux carbapénèmes, qui découle de plusieurs mécanismes, et non pas de la seule sécrétion de carbapénèmases, n’est donc pas un événement isolé, mais la troisième étape d’une spirale infernale commencée il y a plusieurs décennies. Elle a été initialement observée dans les pays où, à une forte pression de sélection, vient s’ajouter une importante transmission croisée du fait d’un faible niveau d’hygiène. On décompte quelque 10 puissance 8 colibacilles par gramme de matières fécales. Donc un excréteur de colibacille résistant (ampicille, C3G, pénème) en diffuse 10 milliards chaque jour : il s’agit du péril fécal des temps modernes.
Agir en amont.
Il est aujourd’hui essentiel d’empêcher que la résistance aux carbapénèmes ne s’installe. Dans de nombreux pays comme la France, le taux d’événements reste très bas, ce qui autorise une politique de prévention agressive. « Des recommandations, très contraignantes, mais très efficaces, ont été édictées pour éviter la transmission croisée chez les contacts. Nous sommes désormais forts d’une expérience de sept années depuis la première épidémie en 2004 et nous savons ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, et ce sans temporiser, dès le premier jour d’hospitalisation du patient », insiste le Pr Jarlier. Et pour éviter l’apparition de nouveaux cas par pression de sélection par les carbapénèmes, dont la consommation s’envole, il faut agir en amont, en reculant d’un cran, en luttant contre les bêtalactamases à spectre étendu (BLSE). La tâche est beaucoup plus difficile, puisqu’on estime aujourd’hui qu’à l’hôpital, 5 % des souches de colibacilles sont productrices de BLSE. Il s’agit d’un programme de fond qui doit viser à augmenter le niveau général d’hygiène en ville et à l’hôpital, à l’échelle des individus et de l’environnement. Ce qui passe par des contraintes touchant le mode de vie, l’agriculture, la consommation d’antibiotiques individuelle et collective… Les pays occidentaux doivent montrer l’exemple.
D’après un entretien avec le Pr Vincent Jarlier, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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