Parmi les traitements empiriques de la toux aiguë, le miel figure en bonne place des « mesures familiales » conseillées, au point qu’une équipe japonaise lui a consacré pas moins de quatre méta-analyses Cochrane en 2010, 2012, 2014, puis tout récemment en 2018. C’est cette dernière mise à jour qui fait l’objet de cette revue critique (1). Le but de cette méta-analyse était d’évaluer l’efficacité du miel, seul ou associé à l’antibiothérapie, par rapport à l’absence de traitement, au placebo, à des sirops à base de miel, ou à divers médicaments en vente libre chez les enfants âgés de 12 mois à 18 ans qui souffraient de toux aiguë, dans le cadre de soins primaires. Elle porte sur six études randomisées (899 enfants), auxquelles trois autres (331 enfants) ont été ajoutées (soit un total de 1 230 enfants).
Plus efficace qu’un placebo ou que le salbutamol
Les études comparaient le miel avec le dextrométhorphane, la diphénhydramine, le salbutamol, la broméline (une enzyme issue des Broméliacées, contenue dans l’ananas et le kiwi), l’absence de traitement, et un placebo. Cinq études ont utilisé des échelles de Likert à sept points (échelle psychométrique permettant de mesurer le degré d’accord d’un individu) pour mesurer l’amélioration de la toux ; une autre, une échelle de cinq points peu claire. Dans toutes les études, un faible score indiquait un meilleur soulagement de la toux. Selon les résultats produits par les auteurs, en utilisant une échelle de Likert à sept points, le miel réduit probablement la fréquence de la toux mieux qu’aucun traitement ou que le placebo :
– Par rapport à l’absence de traitement, la différence moyenne (DM) est de - 1,05 ; IC95 [- 1,48 ; - 0,62] pour deux études et 154 enfants (évidence à certitude modérée) ;
– Par rapport au placebo, la DM est de - 1,62 ; IC95 [- 3,02 ; - 0,22] pour deux études et 402 enfants (certitude) ;
– Le miel peut avoir un effet similaire à celui du dextrométhorphane pour diminuer la fréquence de la toux : DM : - 0,07 ; IC95 [- 1,07 ; 0,94] ; I² = 87 %, pour deux études et 149 enfants (faible certitude) ;
– Le miel peut être plus efficace que la diphénhydramine pour diminuer la fréquence de la toux : DM : - 0,57 ; IC95 [- 0,90 ; -0,24] pour une étude et 80 enfants (faible certitude).
Le miel donné pendant trois jours est donc probablement plus efficace pour soulager la toux qu’un placebo ou que le salbutamol. Au-delà de trois jours, le miel n’a probablement aucun avantage sur le salbutamol ou le placebo pour diminuer la toux, la toux gênante, et l’impact de la toux sur le sommeil des parents et des enfants (preuves modérées). En utilisant une échelle sur cinq points, il existe peu ou pas de différence entre les effets du miel et ceux de la broméline mélangée au miel pour réduire la fréquence et la sévérité de la toux.
Peu d'effets indésirables
Les effets indésirables relevés ont été une nervosité, une insomnie et une hyperactivité chez sept enfants (9,3 %) traités avec du miel et deux enfants (2,7 %) traités avec du dextrométhorphane. Il n’est pas étonnant de constater que trois enfants (7,5 %) recevant de la diphénhydramine ont éprouvé une somnolence dans une étude portant sur 80 enfants.
Lorsque le miel a été comparé au placebo, 34 enfants du groupe miel et 13 du groupe placebo ont éprouvé des symptômes gastro-intestinaux, ce qui représente un pourcentage similaire, respectivement 12 et 11 %. Quatre enfants ayant reçu du salbutamol ont eu des éruptions cutanées, pour un enfant du groupe traité par le miel, mais il n’y a aucune preuve que le salbutamol soit responsable. Aucun événement indésirable n’a été signalé dans le groupe sans traitement.
Toutefois dans ces travaux, la plupart des enfants ont reçu le traitement pendant une seule nuit, ce qui limite les résultats de cette méta-analyse, où les événements indésirables liés à l’utilisation du miel ne sont pas différents de ceux des traitements témoins.
Cette conclusion mérite cependant d’être nuancée, car, depuis quelques années, des réactions allergiques, modérées à sévères, au miel et aux produits de la ruche ont été décrites, tout particulièrement chez les individus allergiques aux pollens de graminées et de composées (2,3). Une abondante littérature est en disponible sur ce sujet sur PubMed.
Un bon rapport bénéfices/risques
Finalement, il est heureux de constater que le miel soulage probablement mieux la toux qu’aucun autre traitement, la diphénhydramine, le salbutamol et le placebo. Par contre, il n’existe pas (ou peu) de différence avec le dextrométhorphane.
Dans le cadre de la pratique française, quelques commentaires nous paraissent utiles vis-à-vis des médicaments auxquels le miel a été comparé :
– le dextrométhorphane est un dérivé morphinique d’action centrale, sans action opioïde, utilisé contre la toux sèche surtout de l’adulte mais aussi de l’enfant, mais une mise en garde contre l’usage détourné de ces sirops antitussifs contenant ce produit a été émise en particulier par l’Agence nationale de sécurité du médicament (1) ;
– la diphénhydramine est un antihistaminique de première génération ayant d’importants effets sédatifs aux doses usuelles, et est par conséquent à écarter de la pharmacopée, chez l’adulte et surtout chez l’enfant ;
– le salbutamol, pourtant souvent utilisé au cours des toux aiguës, n’a pas d’indication pour les jeunes enfants, car le bronchospasme contre lequel il est censé agir n’existe pas chez eux. Le miel diminue probablement la durée de la toux mieux que le placebo et, évidemment, que le salbutamol.
Pneumopédiatre allergologue
(1) Oduwole O et al. Honey for acute cough in children. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Apr. www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD007094.pub5/full
(2) Aguiar R et al. Anaphylaxis caused by honey: a case report. Asia Pac Allergy. 2017;7(1):48-50
(3) Dutau G, Rancé F. Allergie au miel et aux produits de la ruche. Rev Fr Allergol. 2009 Oct;49 (S1):S16-S22
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024