PAR LE Dr GABRIEL THABUT*
LE DÉFICIT EN ALPHA-1- ANTITRYPSINE (AT) est lié à une mutation ponctuelle du gêne codant pour cette antiprotéase secrétée par les hépatocytes. Une centaine de mutations environ ont été décrites, la mutation la plus fréquemment à l’origine d’un déficit sévère étant la mutation Z. Cette anomalie génétique perturbe la conformation tertiaire de la molécule d’alpha-1 antitrypsine favorisant sa polymérisation et son accumulation dans l’hépatocyte où elle est dégradée ; la concentration sérique et l’activité enzymatique de l’alpha-1 antitrypsine mutée sont ainsi diminuées.
Deux types de manifestations sont principalement rencontrées : hépatiques et pulmonaires. L’atteinte hépatique est attribuée à l’accumulation des polymères d’alpha-1 antitrypsine dans l’hépatocyte. Sa sévérité est très variable, allant de simples élévations enzymatiques asymptomatiques jusqu’à une cirrhose nécessitant une transplantation hépatique. Des travaux récents ont montré la capacité de la carbamazépine (Tégretol) à favoriser l’élimination intra-hépatocytaire des polymères d’alpha-1 antitrypsine et à en diminuer la toxicité dans un modèle murin de déficit en alpha-1 antitrypsine. La pertinence de cette approche chez l’homme reste à démontrer.
L’atteinte pulmonaire se manifeste par un emphysème pulmonaire de type pan-lobulaire, prédominant aux bases, de sévérité très variable et qui peut nécessiter une transplantation pulmonaire. L’emphysème par déficit en alpha-1 antitrypsine représente ainsi selon les pays entre 5 et 10 % des indications de transplantation pulmonaire. L’emphysème est attribué chez ces patients au déséquilibre pulmonaire entre l’alpha-1 antitrypsine en quantité réduite et l’élastase libérée par les polynucléaires neutrophiles. Des travaux récents ont montré que les polymères d’alpha-1 antitrypsine qui se forment au sein du parenchyme pulmonaire sont à la fois chimiotactiques mais aussi activateurs des polynucléaires neutrophiles.
Un traitement substitutif.
À côté des mesures symptomatiques traditionnellement proposées aux patients présentant une maladie emphysémateuse (arrêt de l’intoxication tabagique), et des traitements non spécifiques administrés par analogie avec l’emphysème non déficitaire, le traitement substitutif permet de ramener la concentration sérique de la protéine à des concentrations physiologiques. Il s’agit d’un produit dérivé du sang (Alfalastin), qui a reçu une AMM en France en 2005. Il est administré par voie intraveineuse, toutes les semaines et théoriquement à vie. Ce traitement a démontré, dans plusieurs études, sa capacité à restaurer une activité anti-élastasique satisfaisante, et l’analyse combinée de 119 patients inclus dans les 2 essais randomisés réalisés comparant un traitement substitutif à un placebo a montré une diminution de l’évolution de l’emphysème mesuré au scanner thoracique, sans effet démontré sur le VEMS.
Les sociétés savantes Nord-Américaines et Européennes ont publié en 2003 des recommandations sur l’utilisation de ce traitement, qui est recommandé chez les patients ayant un emphysème pulmonaire avec un VEMS compris entre 35 % et 60 % de la valeur théorique. Du fait de son coût (plus de 50 000 €/an) et des contraintes liées à son administration, ce traitement reste controversé et n’est pas disponible dans tous les pays européens.
Mieux connaître l’histoire naturelle de la maladie.
De nombreuses incertitudes demeurent concernant les caractéristiques des patients emphysémateux déficitaires, l’histoire naturelle de la maladie emphysémateuse et les facteurs pronostiques de cette pathologie. C’est dans le but de répondre à ces questions qu’a été lancée il y a 5 ans une cohorte prospective multicentrique française incluant tous les patients emphysémateux déficitaires en alpha-1 antitrypsine présentant un trouble ventilatoire obstructif. Les résultats de cette étude ont été présentés au dernier congrès de pneumologie de langue française qui s’est tenu à Lille au mois de janvier dernier. L’analyse des caractéristiques à l’inclusion des 200 premiers patients a montré la grande diversité de présentation des patients emphysémateux déficitaires : tous les niveaux de sévérité étaient rencontrés, quel que soit l’age, alors même que l’intoxication tabagique était quasi constante. Ce premier résultat appelle deux commentaires. Tout d’abord, le dépistage du déficit ne doit pas être restreint aux patients non-fumeurs développant un emphysème précocement, mais doit probablement être étendu à tous les patients emphysémateux. Par ailleurs, le rôle des cofacteurs (environnementaux, génétiques) est sans doute considérable. L’analyse de cette cohorte suggère que l’age et le tabagisme n’expliquent que 20 % de la variabilité inter-individuelle du VEMS. L’analyse des facteurs associés à la progression de la maladie emphysémateuse est en cours.
Par ailleurs, le retard diagnostique était très important dans cette étude puisqu’il s’écoulait en moyenne 6,7 ans entre le début des symptômes et le diagnostic du déficit. Le fait que 56 % des patients présentaient des épisodes récurrents de sifflements respiratoires orientant à tort vers une maladie asthmatique peut expliquer en partie ce retard diagnostique.
Les études à venir devraient permettre de mieux prédire pour un patient donné l’évolution attendue de la maladie emphysémateuse et de mieux identifier les patients susceptibles de bénéficier du traitement substitutif.
*Service de Pneumologie B et transplantation pulmonaire, Hôpital Bichat, Paris
Pour toutes information complementaire : htpp://www.a1at.fr
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