Pour éviter de se retrouver en situation critique de devoir choisir entre deux patients, énorme effort a été consenti pour dégager un maximum de lits d’hospitalisations et de réanimation, renforcer les équipes soignantes et en dernier lieu organiser des transferts.
LE QUOTIDIEN : Comment vous êtes-vous organisés en temps de pandémie ?
Dr JEAN-FRANÇOIS ALEXANDRA* : Nous avons habituellement un comité d’éthique assez standard qui rassemble de manière large des médecins, chercheurs, philosophes, psychologiques, administratifs, soignants… Il se réunit pour répondre à des saisines, harmoniser les pratiques et organiser les journées annuelles d’éthique. Mais, face au Covid-19, nous avons créé une cellule éthique spécifique, très réactive réunissant une dizaine de médecins. Elle est là pour anticiper les problèmes et tenter d’y répondre. Nous avons choisi d’intervenir en amont pour éviter que des décisions cruciales aient à être prises en situation d’urgence. Dans cette optique, tous les matins, trois médecins, dont un réanimateur, de la cellule passent en revue tous les nouveaux patients hospitalisés aux urgences, même s’ils ne souffrent pas de formes sévères. Pour chacun, ils évaluent quelles interventions pourront raisonnablement être (ou pas) mises en œuvre en cas d’aggravation, en les gradant en fonction de son dossier et de sa volonté : une évaluation complexe. Cet avis se fait indépendamment de la situation de saturation des lits.
Quelle est pour vous la problématique majeure qu’il reste à résoudre ?
Même si un moment la menace a été réelle en termes d’accès à la réanimation, grâce aux transferts nous n’avons jamais été acculés. D’autant que la prise en charge des patients a évolué, avec moins de recours à l’intubation qu’initialement. Nous n’avons également jamais eu à refuser d’hospitaliser des sujets venant d’Ehpad. Mais il est clair qu’une minorité nous a été adressée. Et c’est probablement là que le bât blesse. Il n’est en effet pas certain que les Ehpad soient toutes assez bien dotées en personnel médical et paramédical pour que l’équité des soins soit respectée même en termes de « simple » accompagnement.
Enfin il faut évoquer la problématique d’équité d’accès aux soins de tous les malades, Covid-19 ou pas. À l’hôpital Européen Georges Pompidou, le Centre de référence des morts subites a enregistré une hausse de 100 % de celles-ci, probablement en rapport à un retard de prise en charge. Les patients se sont autocensurés et sont restés chez eux. À l’avenir, il est donc crucial de réfléchir à l’accès à l’hôpital des autres malades avec une filière assez hermétique pour ne pas les mettre en danger. L’éthique suppose en effet d’assurer l’accès aux soins pour tous.
* Médecine Interne, CHU Bichat, président de son Comité d’éthique
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