Deux épidémies simultanées

L’infection grippale favorise l’invasion par le pneumocoque

Publié le 08/06/2011
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LA QUESTION que se sont posée des chercheurs de Toronto (Canada) pouvait sembler originale. Alors que la survenue simultanée, en hiver, de pics d’infections à virus influenzae et à pneumocoque est bien connue, existe-il une relation de causalité entre les deux épidémies ? Sur ce point les études étaient muettes. Stefan P. Kuster et coll ont donc tenté d’y répondre en réalisant entre 1995 et 2009 une vaste étude de surveillance de population, ciblant le centre de l’Ontario. L’analyse statistique révèle que le virus influenzae favorise l’invasion pneumococcique chez les sujets grippés. En revanche, le virus influe très peu sur la dynamique de l’infection par la bactérie.

Le constat a été établi à partir de données recueillies auprès de 38 501 sujets chez qui la grippe avait été confirmée biologiquement et de 6 191 atteints d’une pneumococcie. Les relations ont été évaluées annuellement en utilisant trois méthodes statistiques complémentaires. Les auteurs ont ainsi relevé une périodicité annuelle de pics hivernaux de pneumonies invasives, alors que pour le virus grippal cette périodicité se montre moins régulière. Mais les vagues infectieuses des deux pathogènes sont bien indépendantes l’une de l’autre. Ils trouvent que la grippe n’a pas d’effet marqué sur l’incidence de la pneumococcie que ce soit en agissant sur la contagiosité, sur une sensibilité majorée des sujets infectés par la bactérie ou bien encore en majorant la durée de son portage.

Ces constats mènent à deux conclusions essentielles. Tout d’abord, même en période de forte épidémie grippale (comme avec le virus A H1N1), il n’y a pas d’incidence plus marquée de pneumonies à pneumocoque. Ensuite, puisque les recommandations sur la vaccination grippale concernent les âges extrêmes de la vie, une immunisation des enfants plus grands et des sujets jeunes pourrait protéger, par ricochet, des pneumonies concomitantes des grippes.

Une hypothèse explicative, enfin, est fournie par les Canadiens. La coïnfection serait rendue possible par l’altération de l’épithélium pulmonaire due au virus influenzae.

PLoS Medicine, juin 2011, vol 8, n°6, e1001042.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8978