PAR A. ROQUILLY *, E. SECHET ** ET LE Pr KARIM ASEHNOUNE*
AU COURS d’un choc septique, les défaillances d’organe évoluent le plus souvent vers une restitution ad integrum de la fonction, les lésions histologiques se caractérisant par la rareté des phénomènes nécrotiques. Ces constatations évoquent une atteinte fonctionnelle, attribuée à la réponse inflammatoire ainsi qu’a la réponse neuroendocrine notamment cortico-surrénalienne (1).
À l’état de repos, un pic matinal d’hormones hypothalamo-hypophysaires stimule la libération surrénalienne de cortisol. Un rétrocontrôle négatif du cortisol permet d’éviter l’hypercorticisme. Les glucocorticoïdes (GC) agissent au niveau cellulaire en bloquant les promoteurs des gènes des médiateurs pro-inflammatoires (cytokines, lipooxygènase…) et en activant les gènes des médiateurs anti-inflammatoires. Le cortisol active la néoglucogenèse et la lipolyse et induit une résistance à l’insuline favorisant l’apport de substrats aux organes nobles. Le cortisol influe sur l’état hémodynamique par une sensibilisation des récepteurs périphériques des amines vaso-actives, une rétention hydro-sodée et une stimulation du système nerveux sympathique. L’ensemble de ces phénomènes augmente la perfusion des organes et accélère la cicatrisation tissulaire. Au cours d’un sepsis sévère, les médiateurs de l’inflammation activent l’axe hypothalamo-hypophysaire entraînant un hypercorticisme, adaptation essentielle au stress, avec perte du rythme circadien (2). Pourtant, 25 à 65 % des patients en choc septique développent une insuffisance surrénale (IS) (3). L’étiologie de cette IS n’est pas connue, même si une prédisposition génétique qui altérerait la réponse hypophysaire aux cytokines inflammatoires est fortement suspectée.
En réanimation, l’évaluation de la fonction surrénale se fait par un test standard au Synacthène (250 µg IVD d’ACTH et cortisolémies à T0 et T60 minutes) (4). Une faible augmentation du cortisol en réponse à l’ACTH traduit une impossibilité d’adaptation des glandes surrénales. En réanimation, une cortisolémie totale basale < 3 µg/dl définit une insuffisance surrénale absolue. De nombreux médicaments perturbent les résultats de l’évaluation biologique de l’axe corticotrope. Notamment, l’étomidate inhibe la synthèse de cortisol pendant une durée de 8 à 24 heures, ce qui limite la pertinence d’un test dynamique dans cette période (5).
L’évaluation de l’axe surrénalien de patients en choc septique a permis de définir deux profils associés à un risque accru de mortalité : soit une cortisolémie basale élevée (› 34 µg/dl) ; soit une faible ascension lors d’un test au synacthène (≤ 9 µg/dl) (3). Le premier profil est à interpréter comme un marqueur de gravité (bénéfice peu probable des GC), alors que le second profil traduirait une mauvaise adaptation endocrinienne à la pathologie (bénéfice probable des GC).
Les études anciennes ayant proposé l’administration de fortes doses de corticoïdes de manière brève dans le cadre du sepsis sévère n’ont pas été concluantes en termes de mortalité.
A faible dose pendant plus longtemps.
Actuellement, l’administration de faibles doses de GC et pendant un laps de temps plus long semble être une meilleure stratégie. En 2002 (6), un traitement par hydrocortisone à dose « physiologique » associé à un minéralocorticoïde a permis de baisser la mortalité de patients en choc septique réfractaire au traitement initial. En 2008, l’étude CORTICUS (7) n’a pas retrouvé les mêmes résultats, puisque cette fois la mortalité n’a pas été modifiée par le traitement. Trois différences importantes expliquent cette divergence : l’inclusion de patients moins graves dans l’étude la plus récente ; l’initiation plus tardive du traitement dans l’étude négative (72 contre 8 heures) avec inclusion de patients ayant des défaillances d’organes déjà installées et l’absence d’association de fludrocortisone à l’hydrocortisone dans l’étude négative.
En attendant une nouvelle étude, l’opothérapie substitutive par hydrocortisone (200 mg/j) reste recommandée, mais elle doit être administrée aux patients en choc septique réfractaire et très précocement (idéalement dans les huit premières heures du choc) (4). La place réelle de la fludrocortisone dans le traitement de l’insuffisance surrénale reste discutée et elle est peu utilisée en pratique clinique.
Un effet bénéfique d’un traitement par corticoïdes dans les syndromes septiques graves sans choc, par exemple les pneumopathies communautaires (PC) sévères, a été évoqué. L’IS décrite dans le cadre du choc septique est d’ailleurs fréquente chez les patients atteints d’une PC sévère. Une étude randomisée contre placebo chez 46 adultes atteints de PC bactérienne a montré une réduction significative de la mortalité, du nombre de défaillance d’organes et de la durée du séjour hospitalier par un traitement par hydrocortisone à la dose de 200 mg/j pendant 7 jours (8). Si des études prospectives randomisées restent nécessaires avant de se prononcer formellement sur l’intérêt des corticoïdes dans les PC graves, l’American Thoracic Society s’est montrée favorable à l’adjonction de faibles doses de GC au traitement antibiotique dans le traitement des PC présentant d’emblée des critères de gravité (9).
Concernant les méningites aiguës communautaires, la dexaméthasone (DXM) est le corticoïde le mieux évalué dans les études de la littérature internationale. Dans un essai randomisé, un traitement par DXM, injecté avant ou avec l’antibiothérapie, a entraîné une réduction significative du risque de mortalité et de séquelles neurologiques chez 301 adultes pris en charge pour une méningite bactérienne (10). Dans la conférence de consensus sur la prise en charge des méningites communautaires (à l’exclusion du nouveau-né) (11), l’injection de DXM pendant 4 jours (10 mg x 4/j et 0,15 mg/kg x 4 chez l’enfant) a été recommandée, immédiatement avant ou de façon concomitante à la première injection d’antibiotique, en cas de de méningite communautaire aiguë bactérienne présumée. Ce traitement n’est pas recommandé chez les patients immunodéprimés. Si l’hypothèse d’une méningite bactérienne est écartée ou si un méningocoque est mis en évidence chez l’enfant, la dexamethasone est arrêtée.
* Service d’anesthésie réanimation, hôtel-Dieu, CHU de Nantes.
** Pharmacie Hôpital Saint-Jacques, CHU de Nantes.
(1) Singer M, et al. Lancet 2004;364:545-8.
(2) Vanhorebeek I, Van den Berghe G. Curr Opin Pharmacol 2004;4:621-8.
(3) Annane D, et al. JAMA 2000;283:1038-45.
(4) Annane D, et al. JAMA 2009;301(22):2362-75.
(5) Cuthbertson BH, et al. Intensive Care Med 2009.
(6) Annane D, et al. Effect of treatment with low doses of hydrocortisone and fludrocortisone on mortality in patients with septic shock. JAMA 2002;288:862-71.
(7) Sprung CL, et al. N Engl J Med 2008;358:111-24.
(8) Confalonieri M, et al. Am J Respir Crit Care Med 2005;171(3):242-8.
(9) Mandell LA, et al. Clin Infect Dis 2007;44 Suppl 2:S27-72.
(10) de Gans J, van de Beek D. N Engl J Med 2002;347:1549-56.
(11) Prise en charge des meningites bactériennes aiguës communautaires (à l’exclusion du nouveau-né). 17e Conférence de Consensus en Thérapeutique Anti-Infectieuse. 19 novembre 2008, Paris, France.
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