On pense que l’asthme qui se développe chez le jeune adulte a ses racines dans la petite enfance. Au-delà de l’hypothèse hygiéniste, l’allergie alimentaire pourrait jouer un rôle dans la genèse de la maladie. En 2016, une métaanalyse a montré que la sensibilisation alimentaire avant l’âge de 2 ans était associée à un surrisque d’asthme ou de sifflements récurrents (1). En 2018, une autre étude a retrouvé une augmentation du risque d’asthme ou de sifflements récurrents en présence d’une allergie alimentaire, quelle qu’elle soit (2).
Dans le cadre de l’allaitement, une supplémentation précoce avec du lait de vache (avant le 14e jour de vie) a été proposée pour ses supposés effets bénéfiques sur le risque d’allergie ultérieure au lait de vache. Plusieurs maternités japonaises autorisent aujourd’hui cette supplémentation (pas plus de 5 ml dans les 6-10 heures après la naissance). Pour examiner l’effet de cette stratégie, une étude clinique randomisée monocentrique a été menée au Japon dans une maternité appliquant cette recommandation (Jikei Université Hôpital, Tokyo). Ses résultats vont plutôt à l’encontre d’une telle attitude, qui semble associée à un surcroît d’asthme ultérieur (3).
Plus de 300 enfants suivis de la naissance à 2 ans voire 6 ans
L’étude japonaise, ABC trial (the atopy induced by breastfeeding or cow’s milk formula), porte sur plus de 300 nouveau-nés, allaités présentant un risque atopique (père, mère ou frère ou sœur atopique). Ils ont été randomisés en deux groupes dès la naissance. Durant au moins les 3 premiers jours de vie, le premier groupe pouvait recevoir une formule supplémentée en aminoacides mais aucune supplémentation issue du lait de vache ; le second groupe était supplémenté avec de petites quantités de lait de vache (≤ 5 ml/j).
Les petits patients ont été suivis au moins jusqu’à leurs deux ans, le suivi était étendu à l’âge de 6 ans dès lors qu’ils avaient développé une atopie ou des sifflements récurrents avant 2 ans (eczéma, dermatite atopique, allergie alimentaire, sifflements récurrents et ou sensibilisation allergique).
Pour l’analyse ils ont été répartis en quatre groupes : pas de supplémentation lactée et pas d’atopie, pas de supplémentation lactée et atopie, supplémentation lactée et pas d’atopie, supplémentation lactée et atopie. Ces quatre groupes sont comparables, sauf en termes d’IgE, plus élevées chez les atopiques.
Un risque d’asthme supérieur chez les enfants supplémentés
De l’asthme ou des sifflements récurrents ont été diagnostiqués chez 42 des 321 enfants (14 %) au cours du suivi, à un âge médian de 2,8 [2 — 3,7] ans, allant de 1,2 an à 4,6 ans.
Au total, dans le bras non supplémenté en lait de vache, il y a significativement moins d’asthme — 10 % versus 18 % — que dans le groupe supplémenté. Chez les enfants ayant un haut taux de vitamine D à 5 mois (supérieur à la valeur médiane), l’asthme est encore moins souvent retrouvé chez ceux non supplémentés que chez ceux supplémentés : 6,4 % versus 25 % (p d’interaction = 0,04).
De même dans le plus haut quartile de valeur d’IgE à 24 mois, la différence de présence d’asthme entre enfants supplémentés ou pas est elle aussi majeure : 5,3 % versus 43,8 % (p d’interaction = 0,004).
Exit la supplémentation précoce en lait de vache
« L’effet protecteur de l’écartement du lait de vache dans les 3 premiers jours de vie est globalement significatif. On réduit ainsi le risque d’asthme ultérieur, résument les auteurs. Néanmoins, si cela est vrai dans le sous-groupe d’enfants qui, à 5 mois de vie, ont des taux élevés de vitamine D (≥ 29 ng/ml), ce n’est pas retrouvé en revanche chez les enfants ayant un plus bas taux de vitamine D (< 29 ng/ml). Ce qui suggère une interaction. » Pour rappel, la supplémentation vitaminique D est recommandée durant la grossesse pour prévenir l’asthme. « De la même manière, l’écartement du lait de vache est protecteur dans cette étude uniquement chez les enfants ayant les plus hauts taux d’IgE à 24 mois. Soit les enfants a priori à plus haut risque d’asthme à 6 ans ».
(1) SA Alduraywish et al. The march from early life food sensitization to allergic disease :a systematic review and meta-analyses of birth cohort studies. Allergy. 2016 ;71:77-89
(2) EM Vermeulen et al. Food allergy is an important risk factor for childhood asthma, irrespective of whether it resolves. J Allergy Clin Immunol Pract. 2018 ;6:1336-41
(3) H Tachimoto et al. Effect of avoiding cow’s milk formula at birth on prevention of asthma or recurrent wheeze among young children extended follow-up from the ABC randomized clinical trial. JAMA Netw Open. 2020 ; 3:e2018534. doi : 10.1001/jamanetworkopen.2020.18534
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