Pendant longtemps, la prise en compte des polluants dans l’air que l’on respire s’est limitée aux particules fines, à l’ozone, au dioxyde de soufre et au dioxyde d’azote. Or, les pesticides font aussi partie des polluants atmosphériques ! Il y a enfin une prise de conscience de leurs effets potentiels délétères : il serait temps, car les premières études publiées sur ce sujet, aux États-Unis, remontent à une vingtaine d’années.
Chez les personnes exposées sur le plan professionnel
Les agriculteurs et les travailleurs des milieux viticoles, maraîchers, etc., sont concernés au premier plan. Selon le dernier rapport de l’Inserm (2021), chez les agriculteurs régulièrement exposés aux pesticides (et qui sont majoritairement non-fumeurs), on observe une augmentation du risque de développer une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Leurs symptômes apparaissent précocement : cinq ans seulement en moyenne après le début de l’exposition. Augmentation de la toux et de l’expectoration annoncent la bronchite chronique : « a fortiori quand ils touchent un non-fumeur, la question du lien avec les pesticides doit donc se poser. Toutes les classes de pesticides (fongicides, insecticides et herbicides) sont associées à cette augmentation du risque de BPCO », précise la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Pointe-à-Pitre).
Les pneumologues et les médecins traitants doivent être sensibilisés à la question : devant ces symptômes respiratoires, comme chez un fumeur, il leur faut programmer une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) et un bilan de la BPCO. « On ne sait pas encore si, hormis un délai d’apparition plus rapide, la BPCO de l’agriculteur exposé aux pesticides est différente de celle du fumeur. Toutefois, une étude récente ayant porté sur 18 000 agriculteurs travaillant dans le milieu viticole et dans le domaine du maraîchage, montre que les insecticides seraient aussi associés à une augmentation du risque d’asthme chez les agricultrices (chez les hommes, les études retrouvent une augmentation du risque de sifflement) », précise la Pr Raherison-Semjen.
Chez les habitants vivant à proximité des zones d’épandage
Les personnes vivant en quartier résidentiel à la campagne peuvent aussi se retrouver exposées aux pesticides. « À proximité de Bordeaux, nous avons mené une étude auprès d’enfants de huit ans en moyenne, scolarisés dans des écoles situées au milieu des vignes, et donc concernés par les épandages. Nous avons retrouvé la présence de biomarqueurs du Folpel (un pesticide) dans leurs urines. La mesure d’une cinquantaine de pesticides dans l’air a aussi montré que leur présence était corrélée avec une augmentation des cas de rhinite et d’asthme », souligne la Pr Raherison-Semjen.
Depuis, d’autres articles ont montré que l’exposition aux pesticides in utero était associée à une augmentation du risque d’asthme chez les enfants à l’âge de quatre ans et demi. Il faut donc penser à interroger ses patients sur leur lieu de résidence et leur proximité avec des activités agricoles non bio pour ne pas passer à côté de ce facteur aggravant. Des données expérimentales montrent que lorsque des souris sont exposées à des pesticides, elles présentent les mêmes lésions sur le plan pulmonaire que dans l’asthme, avec une inflammation des bronches — une preuve de plus de l’effet des pesticides sur la santé respiratoire.
À ce jour, on sait mesurer les pesticides dans l’air au même titre que les autres polluants. Les organismes de mesure de la qualité de l’air sont donc capables de prendre en compte ces données. Mais, pour que ces pesticides soient mesurés de façon régulière dans l’air (ce qui n’est pas encore le cas), il faudrait une volonté politique. « Pour obtenir une réglementation des pesticides, un indice phyto (sur le modèle de l’indice atmosphérique) est nécessaire. La Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) se bat pour que cet indice existe, et que des mesures appropriées soient prises. Des solutions peuvent être trouvées : par exemple, à proximité de Bordeaux, là où notre étude avait été menée, il a depuis été décidé par la mairie que les périodes d’épandage seraient réalisées pendant les jours où il n’y a pas école », rappelle la Pr Raherison-Semjen. Il n’y a pas de fatalité !
Exergue : « Il faut penser à interroger les patients : résident-ils près d’activités agricoles non bio ? »
Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen, cheffe du service de pneumologie, CHU de Pointe-à-Pitre
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