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Dossier

25es rencontres de pneumologie de langue française

Pneumologie : le Covid, mais pas que...

Par Hélène Joubert - Publié le 15/03/2021
Pneumologie : le Covid, mais pas que...

Selon l’étude DEP KP80, un dépistage basé sur des scanners basse irradiation permet d’inverser les stades au diagnostic.
VOISIN/PHANIE

Époque oblige, le récent Congrès de pneumologie de langue française (e-CPLF, 29 janvier 2021) a consacré une large place au devenir pulmonaire des patients Covid. Mais cette 25e édition a aussi abordé des sujets plus classiques, comme le dépistage du cancer du poumon — dont la faisabilité en vie réelle a été confirmée —, les comorbidités de l’asthme ou encore les bénéfices précoces de la réadaptation dans la BPCO.

Dépistage du cancer du poumon, quid en vie réelle ?

Alors qu’Emmanuel Macron a récemment entériné le principe d’un dépistage organisé du cancer du poumon en France, les résultats préliminaires de l’étude DEP KP80, présentés par le Dr Olivier Leleu (CH d’Abbeville) lors du Congrès de pneumologie de langue française, confortent en vie réelle l’efficacité et la faisabilité de la démarche. Cette étude lancée dans la Somme en 2018 visait à évaluer l’impact d’un dépistage basé sur la réalisation de trois scanners basse irradiation annuels, durant trois années consécutives, chez des individus âgés de 55 à 74 ans, avec un tabagisme de plus de 30 PA, actuel ou sevré depuis moins de 15 ans. Le troisième et dernier tour de scanner basse dose se terminera fin 2021.
D’ores et déjà, les résultats des deux premiers rounds sont encourageants, avec un nombre important (75 %) de cancers découverts au stade localisé et un taux élevé de résection chirurgicale (87 %) seule ou associée à une radiochimiothérapie/chimiothérapie. « Le dépistage permet d’inverser les stades au diagnostic », se félicite Olivier Leleu, sachant que la survie à 10 ans dépasse 80 % pour les cancers découverts à des stades localisés par scanner thoracique basse irradiation. Seul bémol dans cette étude, le taux de participation (1 300 participants à l’inclusion) s’essouffle au second tour, atteignant à peine 35 %.
Deux publications de référence, l’essai néerlando-belge Nelson et l’étude américaine NLST (National Lung Screening Trial) avaient déjà montré l’intérêt d’un dépistage par scanner basse dose ciblé sur une population à risque de gros fumeurs. Avec, dans l’étude NLST, une diminution de la mortalité par cancer du poumon de 20 % et de la mortalité globale de 6,7 % et, dans l’étude Nelson, une mortalité spécifique réduite de 24 % chez les hommes et de 33 % chez les femmes.
Fort de ces résultats, l’Inca devrait lancer prochainement des expérimentations afin d’affiner les contours du dépistage à la française avant d’envisager probablement un programme national dans les prochaines années.

 

Asthme : des comorbidités inattendues

Les données sur la prévalence de l’asthme en France étaient anciennes. L’enquête transversale nationale Asthmapop conduite en population générale (panel de foyers Kantar-TNS sur 20 000 foyers) l’a estimée aux alentours de 6,4 % en 2018. Elle s’est également intéressée aux comorbidités chez les individus asthmatiques. Dans cette population d’asthmatiques d’âge moyen de 48,2 ans, 60,5 % étaient des femmes, avec un IMC moyen de 26,7 kg/m2 et un âge médian au diagnostic de 19,2 ans. « Plus de deux tiers (68,2 %) ont déclaré au moins une comorbidité, détaille le Pr Nicolas Roche (service de pneumologie, hôpital Cochin, Paris), la moyenne étant de 2,4 comorbidités. 40,6 % des asthmatiques ont rapporté au moins une comorbidité liée à l’atopie : rhinite allergique, eczéma ou allergies cutanées et alimentaires. D’autres sont moins attendues, comme les comorbidités cardiovasculaires, psychologiques ou rhumatologiques. » Si le nombre moyen de comorbidités est identique selon le sexe, leur nature diffère avec plus de syndromes d’apnées du sommeil et de pathologies cardiaques chez les hommes, plus d’ostéoporose, de RGO et d’anxiété/dépression chez les femmes.
Les données issues de la cohorte Constance de l’Inserm vont dans le même sens. 5 296 asthmatiques adultes ont été appariés à autant de témoins (inclusion entre 2012 et 2017). En moyenne, les asthmatiques étaient âgés de 46 ans (56 % de femmes) ; 3 % étaient en ALD pour asthme. 13,5 % étaient en ALD pour une autre pathologie (contre 11,3 % chez les témoins) et ils rapportaient plus souvent des facteurs de risque ou des affections cardiovasculaires. Le surcoût (environ 600 euros par an et par patient) constaté chez les asthmatiques semble surtout lié aux médicaments (612 euros versus 299) et aux honoraires médicaux (617 euros versus 484), et non aux hospitalisations.
Pour sa part, l’étude Fase-CPHG sur l’asthme sévère non à éosinophiles (EOS-) (1075 patients asthmatiques sévères âgés de plus de 18 ans) constatait que ces asthmatiques avaient moins d’atteintes ORL (polypose nasale et rhinite chronique) mais plus de comorbidités que les EOS+ (78,6 % versus 73,2 %), avec un moindre contrôle de l’asthme mais pas plus d’exacerbations.
 

BPCO : même courte, la réadaptation est bénéfique

Plusieurs sessions du congrès étaient consacrées aux approches non médicamenteuses dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Alors que les places en réhab­ilitation respiratoire (RR) sont chères, avec une offre inadaptée à la demande, une étude a conclu que les stages pourraient être avantageusement raccourcis, résument les auteurs, qui plaident plutôt pour « des stages courts, éventuellement répétés et avec une supervision non médicalisée ». D’après les résultats intermédiaires de cette étude déployée sur 9 centres français et qui a inclus 127 patients classés GOLD II, III, IV, 50 % du bénéfice physiologique de la réhabilitation seraient atteints dès la 7e séance.
Une autre étude évaluait le bénéfice d’un programme d’éducation thérapeutique du patient atteint de BPCO (étude conduite entre 2011 et 2018). « Outre des compétences en self-management, commente François Marchandise (dispensaire Émile-Roux, Clermont-Ferrand), cela augmente les compétences d’adaptation (meilleure qualité du souffle, meilleure couverture vaccinale contre le pneumocoque), la qualité et l’espérance de vie (réduction des exacerbations et du nombre de fumeurs actifs, amélioration du Bode-indice de sévérité de la BPCO). »
À propos de vaccination, une étude commentée lors du congrès compilait les données sur la vaccination contre la grippe et le pneumocoque dans trois cohortes françaises de patients atteints de BPCO (Colibri, Palomb, Initiatives BPCO). Selon les résultats, plus la maladie est sévère, plus les patients BPCO sont vaccinés. La vaccination est aussi influencée par l’âge (plus de vaccinés parmi les plus âgés), le statut tabagique (plus de vaccinés chez les non-fumeurs), la sévérité de la BPCO (VEMS, exacerbations) et les comorbidités comme l’asthme (l’hypertension artérielle et le diabète sont des déterminants de la vaccination antigrippale).


Covid-19 : la fonction pulmonaire à suivre sur le long terme

Une étude rétro­spective a analysé le devenir pneumologique de 137 patients infectés par le Covid-19 et hospitalisés dans les hôpitaux de Bichat et de la Pitié-Salpêtrière. Résultats : à 3 mois, les EFR étaient normales chez seulement 32,9 % des patients, même en cas de formes radiologiques initiales peu sévères. 9,5 % avaient une restriction pure, 28,5 % une restriction et un trouble de la diffusion, 26,3 % un trouble de la diffusion isolé et 5,5 % une obstruction. En cas d’atteinte sévère initiale (au moins 50 % des poumons touchés), les VEMS étaient plus bas. D’où la nécessité d’un suivi prolongé, du fait de la persistance sur au moins 3 mois des anomalies fonctionnelles, y compris en cas d’atteinte initiale peu étendue.
Les résultats préliminaires de l’étude de cohorte observationnelle RE2COVERI enfoncent le clou. Selon les premières données, portant sur 129 patients Covid hospitalisés, les séquelles à 3 mois concernent la majorité des patients ayant eu une pneumonie sévère ou très sévère (dyspnées résiduelles, EFR perturbées). Au scanner thoracique, 19 % des patients avaient des anomalies résiduelles minimes, 35 % modérées et 18 % importantes.

En bref

Le traitement éveillant, efficace sur le long terme pour les apnées du sommeil
10 à 15 % des patients sous pression positive continue (PPC) présentent une somnolence diurne excessive résiduelle. Après avoir optimisé le traitement par PPC, éliminé une dépression, des troubles du sommeil, des comorbidités ou certaines thérapeutiques, un traitement éveillant se discute. L’efficacité du pitolisant a déjà été démontrée sur le court terme. Les premières données de l’étude Harosa (en ouvert) montrent qu’elle se prolonge au long court, avec une normalisation de la somnolence à 52 semaines, objectivée par l’échelle d’Epworth.
BPCO, le scanner prédit les exacerbations
L’identification de phénotypes de patients BPCO progresse. Une étude rétrospective conduite par le CHU de Nancy a cherché à prédire, sur des critères d’imagerie, le phénotype « exacerbateur fréquent » (au moins deux exacerbations ou une hospitalisation au cours d’une année) chez 69 patients atteints de BPCO. Selon le Dr Mathilde Oranger, qui la coordonnait, « l’augmentation de la surface de la paroi bronchique de 3e génération permet de prédire le risque d’exacerbation dans l’année qui suit la réalisation du scanner thoracique ».
33
Le CPLF 2021 a été l’occasion de présenter le Livre blanc de l’asthme. Celui-ci liste 33 propositions pour une meilleure prise en charge de l’asthme et de l’asthme sévère.

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