Comment évolue le poumon après une infection à Covid-19 ? La question reste débattue en raison du manque de recul. Néanmoins, « les données à 6 mois tendent à prouver que la très grande majorité des patients réparent leur poumon. Il persiste cependant nombre d’anomalies sur les EFR et sur les scanners, et cela d’autant plus fréquemment que l’atteinte initiale était plus sévère. Enfin, s’il y a très peu de patients atteints de fibrose, on ne sait toujours pas aujourd’hui si celles-ci seront ou pas progressives », résume le Pr Bruno Crestani (CHU Bichat).
À 6 mois, réduction des anomalies scanographiques dominées par le verre dépoli
Une cohorte monocentrique chinoise, regroupant 1 700 patients vivants 6 mois après une hospitalisation à l’hôpital Jin YiTan de Wuhan pour Covid-19 entre janvier et avril 2020, a scruté leur évolution notamment pulmonaire (1). « Dans cette série de patients de 57 ans d’âge moyen, dont 52 % d’hommes, la moitié ont toujours des anomalies scanographiques. Elles sont dominées par du verre dépoli. Il y a encore quelques lignes irrégulières dont on ne connait pas l’évolution. Vont-elles régresser ou évoluer en fibrose ? Nul ne le sait. On retrouve toutefois très peu de signes de fibrose, les condensations ont disparu et il y a très peu de réticulations, explique le Pr Crestani. Le descriptif manque cependant de précision puisque ni les bronchectasies ni les lésions en rayon de miel ne sont évoquées. » Globalement, on est passé de 75 % de scanners anormaux, 3 mois après le début de la maladie à 50 % à 6 mois. Certes une bonne nouvelle, même si cette amélioration lente est assez inhabituelle dans des maladies infectieuses aiguës. D’autant que l’on observe peu de différences d’évolution entre les patients initialement sévères − sous O2 haut débit avec ou sans ventilation invasive − et ceux qui souffraient d’une forme non sévère, ne requérant pas de l’O2. Tous tendent à récupérer.
Encore beaucoup d’anomalies fonctionnelles respiratoires
Dans cette même série, des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) ont été pratiquées à 6 mois chez :
− 90 patients ayant fait un Covid-19 sans gravité ni besoin d’O2 ;
− 170 patients ayant fait un Covid-19 peu grave mais nécessitant de l’O2 ;
− 95 patients atteints d’une forme sévère ayant nécessité de l’O2 à haut débit avec ou assistance ventilatoire (ventilation invasive ou pas).
« Les EFR à 6 mois montrent que les anomalies fonctionnelles respiratoires post-Covid-19 sont fréquentes (1). La capacité de diffusion pulmonaire (DLCO) est anormale (< 80%) chez 20 % des patients n’ayant pas nécessité d’O2 et, à l’autre bout du spectre, chez 50 % des patients ayant fait une forme sévère. La capacité pulmonaire totale (CPT) est pour sa part anormale (< 80%) chez 11 % des patients n’ayant pas nécessité d’O2 et chez 35 % de ceux ayant fait une forme sévère. Les anomalies scanographiques s’accompagnent donc d’un retentissement fonctionnel », note le Pr Crestani.
Données françaises à 3 mois : beaucoup de verre dépoli et peu de fibroses
« Dans une cohorte rétrospective associant l’hôpital Bichat et la Salpêtrière, présentée le 29 janvier 2021 lors du e-congrèés de pneumologie de la langue française (Frija-Masson et coll.), nous avons examiné le devenir spécifiquement pulmonaire de plus 200 patients. Sa publication est en cours », explique le Pr Crestani. À 3 mois, dans cette série parisienne, près de 70 % des patients ont des EFR anormales, dominées par des diminutions de la DLCO, et. Par ailleurs 74 % des patients ont encore des anomalies scanographiques, dominées par le verre en verre dépoli, dont la densité est légère à modérée la plupart du temps. « Une observation qui cohérente avec les 50 % d’anomalies à 6 mois observés dans la série chinoise », note le pneumologue. Enfin, les signes de fibrose sont rares, avec 9 % de distorsions et 7 % de réticulations.En témoigne le fait que, sur les 15 centres hospitaliers participants à l’essai thérapeutique français dédié à ces fibroses − étude Nintecor testant un anti-fibrosant versus placebo en double aveugle − seuls 113 patients ont à ce jour été inclus.
Pneumopathie interstitielle idiopathique : un lourd tribut au Covid-19 en termes de séquelles et de mortalité
« Les données britanniques et françaises concordent (2,3). Pathologie pulmonaire interstitielle idiopathique et Covid-19 ne font pas bon ménage. Ces patients sont à très haut risque », souligne le Pr Crestani.
Dans la série internationale coordonnée par les Anglais (2), rassemblant 350 patients, la présence d’une pneumopathie interstitielle est associée, indépendamment de l’âge, du sexe et des comorbidités, à un excès de décès de 60 % lors de Covid-19 (RR = 1,6 [1,2-2,2] ; p = 0,003). Dans la série française multicentrique de 123 patients avec maladie interstitielle et Covid-19, de 64 ans d’âge médian dont 66 % d’hommes, un excès de décès est à nouveau retrouvé. Chez les sujets porteurs d’une pneumopathie interstitielle idiopathique (58 patients) la mortalité à 30 jours est de 35 %. Alors que chez ceux porteurs d’une pneumopathie interstitielle non idiopathique (65 patients), elle est de 19 %, proche de la mortalité générale des sujets hospitalisés (2).
Entretien avec le Pr Bruno Crestani (CHU Bichat, Paris)
(1) C Huang et al. 6-month consequences of Covid-19 in patients discharged from hospital: a cohort study. Lancet 2021; https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32656-8
(2) TM Drake et al. Outcome of hospitalization for covid-19 in patients with interstitial lung disease: An International Multicenter Study. AJRCCM 2020; Vol 202, 202:1656–65
(3) L Gallay et al. Risk factors for mortality after covid-19 in patients with preexisting interstitial lung disease. AJRCCM 2021;203: 245-248
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