À l'initiative de la Société de pneumologie de langue française et de 17 autres associations, une plateforme en ligne est ouverte à tous, patients, médecins et citoyens, entre le 6 septembre et le 3 octobre, en vue d'inscrire la santé respiratoire à l'agenda de l'élection présidentielle. Qualité de l'air et réchauffement climatique ont un impact sur la santé respiratoire des Français, comme l'explique la présidente de la SPLF, le Pr Chantal Raherison (CHU de Bordeaux).
LE QUOTIDIEN : La santé respiratoire est-elle suffisamment présente dans le discours politique actuel ?
Pr CHANTAL RAHERISON : Non et cela a été révélé par la crise liée à la pandémie. Des associations ont essayé de faire bouger les lignes, chacune sur sa pathologie. On a obtenu ainsi un plan pour la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), un plan asthme, ainsi que certaines filières maladies rares. Mais quand on discute avec nos ministères de tutelle, on voit bien que le système est saturé de plans dédiés aux maladies chroniques. Partant de ce constat, nous allons tenter de mettre la santé respiratoire à l'agenda politique en formulant des propositions communes à l'ensemble des pathologies respiratoires.
La concertation que nous organisons est très ouverte. Tout le monde pourra contribuer : associations de patients, médecins ou même n'importe quel citoyen. Nous espérons notamment y voir participer les médecins généralistes. Nous espérons colliger les participations et formuler nos propositions pour le 8 décembre.
Du point de vue de l'organisation des soins, du dépistage et du diagnostic, quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre spécialité ?
On a des morts liées à la BPCO qui pourraient être évitées et un délai au diagnostic qui n’est pas acceptable. On sait aujourd'hui que la prévention de la santé respiratoire devrait être faite dès le plus jeune âge. Les maladies respiratoires chroniques, comme la BPCO, l'asthme ou les pneumopathies infiltrantes diffuses, ont leur origine dès les premières années de vie, voire sont la conséquence d'une exposition in utero. Il faut un dépistage du souffle chez les enfants et les adolescents, comme cela est pratiqué dans d'autres pays européens.
La santé respiratoire est aussi très liée aux questions environnementales…
Les maladies respiratoires sont, par définition, des maladies environnementales. En tant que pneumologues, nous constatons que la dégradation de l'environnement et le réchauffement climatique ont un impact sur les données épidémiologiques. Il y a une augmentation des patients qui consultent pour des infections respiratoires à répétition pendant les pics de pollution. Il y a aussi les enjeux des pesticides et de la qualité de l'air intérieur. Nous allons donc faire des demandes basées sur les contributions des associations de protection de l'environnement.
Il faut aussi intégrer la composante environnementale dans la prise en charge. Il existe un métier méconnu, celui de conseiller médical en environnement intérieur, qui permet de réduire la consommation de cortisone d'un patient asthmatique. Ils viennent sur prescription médicale au domicile pour aider à améliorer la qualité de l'air intérieur. Leur prise en charge n'est pas assurée de façon pérenne.
Comment se traduisent en consultation de pneumologie les effets de la dégradation de l'environnement et du réchauffement climatique ?
On observe déjà une augmentation des consultations pour des asthmes, notamment sévères. En allergologie, on note aussi un allongement des saisons polliniques. De plus en plus de femmes jeunes développent des BPCO alors qu'elles n'ont jamais fumé. On soupçonne des expositions environnementales autres que le tabac, comme les détergents ou la pollution atmosphérique.
On voit aussi de plus en plus de pneumopathies infiltrantes qui ne sont ni plus ni moins qu'un vieillissement accéléré du poumon. Le cancer bronchopulmonaire aussi touche de plus en plus de femmes jeunes. Et avec le réchauffement climatique, d'autres virus respiratoires du type SARS-CoV-2 vont émerger.
Vos propositions vont englober la question de la recherche. Quels sont les principaux domaines dans lesquels des travaux sont nécessaires ?
Il faut d'abord de meilleures données épidémiologiques actualisées sur les maladies respiratoires, ne serait-ce que pour évaluer l'efficacité des politiques publiques. Ensuite, nous devons mieux connaître et comprendre les prédispositions génétiques. À l'image de ce qui se fait dans d'autres pays européens, il faut aussi des suivis de cohorte pour mieux connaître l'histoire naturelle de nos pathologies. Récemment, le financement d'un projet de méta-cohorte de suivi de patients post-Covid a été refusé par l'Agence nationale de la recherche (ANR), ce qui nous a beaucoup déçus.
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