Pr Claire Andréjak (Amiens) : « Notre guide de suivi post-Covid-19 sera amené à évoluer avec le temps »

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Publié le 15/06/2020
La Société de pneumologie en langue française (SPLF) a mis en ligne un guide de suivi respiratoire post-Covid-19 (1). Un bilan minimal à 3 mois est recommandé pour tous les patients ayant fait une infection − prouvée ou suspectée − quand elle est associée à une dyspnée persistante. Il comporte un bilan fonctionnel réalisable en médecine générale, complété au besoin un bilan pneumologique. Ce dernier est en revanche systématique après une forme sévère. Une cohorte a été lancée ainsi qu’une étude clinique.
Claire Andréjak

Crédit photo : DR

Dans le Sars-CoV et le MERS-CoV, certains patients ont développé une fibrose pulmonaire à distance. Comment les lésions pulmonaires liées au Sars-CoV-2 vont-elles évoluer ? Difficile à dire, la physiopathologie de ces virus est assez différente. Un suivi pneumologique est donc indispensable. Des groupes de travail de la Société de pneumologie en langue française (SPLF), en partenariat avec des représentants du collègue des hôpitaux généraux et du SAR (pneumologues libéraux), se sont penchés sur la question. Leurs propositions sont rassemblées dans un guide de suivi respiratoire post-Covid-19 (1). « C’est une première version appelée à évoluer en fonction des retours d’expériences. Nous sommes partis de ce que l’on connaît des précédentes épidémies à coronavirus Sars-CoV et MERS-CoV et des lésions pulmonaires observées en phase aiguë chez les patients atteints du Sars-CoV-2 », résume la Pr Andréjak (CHU Amiens-Picardie, Amiens).

Bilan initial fonctionnel si symptômes ou anomalies au scanner

À 3 mois, les patients non hospitalisés toujours symptomatiques (dyspnée, toux) doivent bénéficier d’un bilan fonctionnel minimal. Il en est de même pour les patients asymptomatiques ayant eu un scanner pathologique (plus de 5 % d’atteinte du parenchyme). Ce bilan peut être réalisé par tout médecin. Il est fondé sur l’interrogatoire notamment l’évaluation de la dyspnée, une mesure de saturation au repos et après effort (test du lever de chaise sur une minute). Si le scanner était anormal, un scanner de contrôle sera prescrit. Le suivi sera ensuite adapté et les patients au besoin adressés en pneumologie (indispensable en présence de désaturation ou de dyspnée persistante). « La cinétique de la dyspnée est primordiale. Il faut veiller à l’interpréter en fonction de l’état pré-Covid-19 et de son intensité à la phase aiguë », souligne la Pr Andréjak.

Bilan pneumologique systématique après forme sévère ou très sévère

Tous les patients ayant fait des formes sévères (c’est-à-dire ayant nécessité une oxygénothérapie) ou très sévères, relèvent à 3 mois d’un bilan pneumologique comportant au minimum un bilan de la dyspnée, un scanner haute résolution à comparer au scanner initial, des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR), une mesure de diffusion du CO et un test de marche de 6 minutes avec oxymétrie. Les gaz du sang peuvent être réalisés selon l’examen clinique. En fonction des résultats, en particulier de la dyspnée et la désaturation au repos ou à l’effort, des explorations complémentaires seront envisagées. « La récupération pulmonaire est longue et les images tardives. Il convient donc de ne pas de refaire trop rapidement le scanner pour la réévaluation des éventuelles séquelles, explique la Pr Andréjak. Passés 3 mois, un certain nombre de patients vont malgré tout conserver des anomalies. On s’attend en particulier à observer des fibroses pulmonaires avec des EFR pathologiques 5 à 10 % probablement (si on se base sur les données du Sars-CoV et du MERS-CoV) caractérisées par une capacité pulmonaire totale réduite et une réduction du transfert du CO (DLCO). »

« Ce bilan permettra d’identifier précocement les patients pouvant bénéficier d’une réhabilitation respiratoire, seul traitement à ce jour permettant d’améliorer les symptômes. Dans ce but, des filières post-Covid-19 ont été mises en place avec un fonctionnement essentiellement en ambulatoire », explique la Pr Andréjak. Ce bilan pneumologique sera aussi l’occasion de faire le point sur les facteurs de risque respiratoire, de dépister des pathologies pulmonaires méconnues (BPCO, asthme, etc.) voire d’explorer des incidentalomes découverts au scanner. Lors d’anomalies significatives, un suivi à 6 mois et 1 an est souhaitable.

Lancement d’une cohorte prospective nationale et PHRC national

Sur proposition de la SPLF, une vaste cohorte pneumologique post-Covid 19 a été lancée. Réunissant l’ensemble des pneumologues (SPLF, Fédération française de pneumologie, Collège des pneumologues des hôpitaux généraux, Syndicat national de l’appareil respiratoire, Collège des enseignants de pneumologie), elle recrutera un large panel de patients ayant souffert de l’infection, le critère d’inclusion minimal d’avoir eu une infection à Covid-19 et d’être adressé à un pneumologue. « Il sera en particulier très intéressant de comparer l’évolution des atteintes entre le scanner initial et à 3 mois. Sur nos tout premiers patients revus à 3 mois, les formes les plus sévères sont celles présentant le plus de lésions fixées. Mais cela reste à préciser, note la Pr Andréjak. Le Covid-19 induisant un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) de physiopathologie sensiblement différente associé à des atteintes vasculaires, le risque d’hypertension pulmonaire (HTP) sera aussi exploré. Cela bien qu’elles soient rares avec les autres coronavirus. » Il faut aussi garder à l’esprit la possibilité de potentielles séquelles thromboemboliques.

Par ailleurs un essai clinique national coordonné par la Pr Bruno Crestani (CHU Bichat, Paris) va être lancé chez les patients présentant des séquelles. Ce PHRC vise à tester le nintédanib (Ofev), médicament agréé dans la fibrose idiopathique chez les patients conservant des séquelles.

Entretien avec la Pr Claire Andréjak (CHU Amiens-Picardie, Amiens) 

(1) C Andrejak et al. Guide pour le suivi respiratoire des patients ayant présenté une pneumonie à SARS-CoV-2. Propositions de prise en charge élaborées par la Société de pneumologie de langue française. Version du 10 mai 2020. Revue des Maladies Respiratoires 2020. https://doi.org/10.1016/j.rmr.2020.05.001

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr