Les premiers résultats de l’étude Renove, un essai académique randomisé financé par un programme hospitalier de recherche clinique national, montrent qu’il est bénéfique de continuer un traitement anticoagulant au long cours par un anticoagulant oral (AOD) à demi-dose seulement, au regard du bénéfice clinique, caractérisé par les récidives thrombotiques et les hémorragies cliniquement parlantes et nécessitant une prise en charge. « Attention, si cela est vrai pour la plupart des patients, les analyses en sous-groupes suggèrent que, chez les sujets obèses et/ou ayant un antécédent d’embolie pulmonaire grave, mieux vaut continuer à dose pleine, explique le Pr Francis Couturaud (CHU de Brest), investigateur principal de l’essai. Ceci, dans l’attente, à l’horizon 2028, des résultats du projet européen Morpheus, qui devrait donner aux cliniciens de nouveaux outils pour mieux personnaliser le traitement de prévention des récidives après un épisode de maladie thromboembolique veineuse (TEV). »
Une population à haut risque
Renove est la première étude randomisée à explorer la continuation du traitement anticoagulant à dose pleine, versus à demi-dose, chez des patients atteints de maladie TEV relevant d’un traitement au long cours (1). C’est une étude de non-infériorité sur le critère primaire de récidive. Les hémorragies cliniquement parlantes constituant un critère secondaire, ainsi que le bénéfice clinique, rassemblant récidives plus hémorragies (critère de supériorité).
À noter : « Dans cet échantillon de 2 800 patients, 90 % avaient fait une EP, contre 10 % de TVP et, une fois sur cinq, cette EP était sévère (20 %). Par ailleurs, deux tiers des patients avaient fait un épisode non provoqué (idiopathique), un tiers en étaient au deuxième ou troisième épisode. On est donc sur une population victimes de TV sévères et à haut risque de récidive. Parmi eux, 30 % avaient en plus un haut risque hémorragique (score VTE-bleed) », indique le Pr Couturaud.
À 36 mois de suivi médian, l’incidence cumulée des récidives est de 1,8 % pour le bras à dose pleine, versus 2,2 % pour le bras à demi-dose (RR = 1,3). « Si le critère de non-infériorité à cinq ans n’est pas confirmé, on a eu un taux d’évènements trois fois plus faible que celui attendu, et similaire dans les deux bras de l’étude, ce qui est très rassurant sur l’efficacité d’une demi-dose d’AOD », commente le Pr Couturaud.
« Côté hémorragique, cette étude est la première à montrer que la demi-dose est associée à un bénéfice significatif chez les patients à haut risque de récidive TEV : les hémorragies sont réduites de près de 40 % (RR = 0,61). Au total, on observe un bénéfice clinique significatif, avec une réduction de 33 % du critère composite récidives et hémorragies cliniquement parlantes », souligne le Pr Couturaud.
De plus, le traitement à demi-dose n’est pas associé à des signes de contreparties néfastes. « Il n’y a pas eu plus de décès ni d’augmentation des thromboses artérielles graves, à savoir, des infarctus du myocarde, AVC ou ischémies de membre inférieur », indique le spécialiste.
Ce que devrait apporter Morpheus
Le projet européen Morpheus, soutenu par des fonds européens (Grant Horizon-HLTH-2022-TOOL-11-01) et coordonné par le CHU de Brest, au nom du groupe Innovte implique huit pays. « Le but est de mettre au point un score de risque de récidive plus discriminant que ceux existants. Mais aussi de rechercher, dans un second temps, comment favoriser l’adhésion au traitement (ou non traitement) en fonction de la préférence des patients, de leur perception des risques, pour arriver à une décision partagée médecin/patient, dans une approche médicale centrée sur le patient », résume le Pr Couturaud, qui coordonne ce projet au niveau européen.
La recherche d’un score de risque sera menée à partir de 14 cohortes européennes. « L’idée est de mieux discerner quels patients relèvent ou pas d’un traitement anticoagulant au long cours. Sachant que, parmi ceux relevant aujourd’hui d’un traitement AOD au long cours post TEV, environ 30 % bénéficient réellement du traitement, car ces patients auraient récidivé en cas d’arrêt du traitement. Pour les 70 % des patients restant, qui n’auraient pas récidivé en cas d’arrêt de traitement, poursuivre les AOD les expose à un risque hémorragique non justifié. Le score de risque devrait permettre de les identifier », explique le Pr Couturaud
Entretien avec le Pr Francis Couturaud (CHU de Brest) Directeur de l’UMR U1304 -GETBO, Coordinateur du réseau français F-CRIN « Innovte » et coordinateur européen du projet Morpheus.
(1) Francis Couturaud et al. Extended treatment of venous thromboembolism with reduced- vs full-dose direct oral anticoagulants in patients at high risk of recurrence. Blood 2024 144 (Supplement 2): AHA 2024 LBA-3. doi.org/10.1182/blood-2024-212912
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