LE QUOTIDIEN : un vaccin anti-asthme sévère, ce n’est plus de la science-fiction ?
Pr GUILLEMINAULT : C’est du moins à l’étude. Et c’est possible aujourd’hui, parce que la physiopathologie de l’asthme sévère est beaucoup mieux connue, notamment l’implication des cytokines, qui jouent un rôle majeur dans l’inflammation, comme les interleukines-4, 5 et 13. Nous avons d’ailleurs déjà à disposition des anticorps thérapeutiques dirigés contre l’interleukine-5, ou contre un récepteur de l’interleukine-4 (commun à l’interleukine-13). Ces anticorps monoclonaux thérapeutiques donnent de très bons résultats, mais les produire est très coûteux. C’est justement pour pallier ce problème de production, que notre équipe de recherche (située à l’institut Infinity de Toulouse) travaille en collaboration avec la société Néovacs sur la mise au point d’un vaccin, qui serait capable de faire produire ces anticorps à l’organisme lui-même. Ces anticorps viendraient naturellement lutter contre les cytokines inflammatoires.
Comment espère-t-on faire produire des anticorps utiles dans l’asthme sévère, par le vaccin ?
Pour la réalisation du vaccin développé par Néovacs, une protéine porteuse à l’origine d’une réaction immunitaire a été utilisée, sur laquelle ont été collées une interleukine 4 et une interleukine-13. Objectif : induire une production d’anticorps dirigés contre l’IL-4 et l’IL-13 et donc entraîner une inhibition de ces cytokines et de fait, obtenir un effet bénéfique sur l’asthme. À noter que l’IL-4 et l’IL-13 sont aussi impliquées dans d’autres pathologies allergiques, comme la dermatite atopique ou l’allergie alimentaire, d’où le choix de cette association.
Quand peut-on espérer voir ce vaccin arriver sur le marché ?
Pour l’instant, nous en sommes encore aux phases de recherche, avec des études précliniques chez l’animal. Les premiers résultats montrent un effet bénéfique dans l’asthme sévère, tant en préventif qu’en curatif, ce qui est encourageant. Le développement doit maintenant se poursuivre avec des études cliniques dans les années à venir : si tout se passe bien, une commercialisation pourrait être envisageable dans les 5 à 10 ans à venir.
Quid des anticorps monoclonaux commercialisés dans l’asthme sévère ?
Quatre sont commercialisés. Il s’agit du mépolizumab (anti-IL-5), du benralizumab (anti-IL-5-récepteur), du dupilumab (anti-IL-4-récepteur) et de l’omalizumab (anti-IgE). Ces anticorps sont utilisés chez les patients asthmatiques sévères faisant des exacerbations nécessitant des cures de cortisone orale (lesquelles sont délétères pour la santé).
Cette année, la grande nouveauté est la publication de l’étude Navigator, qui montre l’efficacité du tézépelumab, un nouvel anticorps thérapeutique dont la cible est différente. En effet, il cible la TSLP (thymic stromal lymphopoietin), directement sécrétée par l’épithélium respiratoire, ce qui permet d’intervenir encore plus en amont de la cascade inflammatoire. Ce nouveau traitement, qui a démontré son efficacité chez les patients avec un asthme sévère, est disponible en ATU et une AMM est attendue.
Alors qu’avec les autres anticorps, il y a la nécessité d’avoir certains biomarqueurs (éosinophiles, lymphocytes T régulateurs, etc.), le tézépelumab semble efficace quels que soient les biomarqueurs de nos patients et pourrait donc s’adresser à tous les patients ayant un asthme sévère.
D’autres molécules sont-elles en développement ?
Des anticorps thérapeutiques à demi-vie longue sont effectivement en développement et pourraient arriver sur le marché dans un futur assez proche. Ils seraient administrés deux fois par an — u lieu d’une injection sous-cutanée toutes les 2, 4 ou 8 semaines comme c’est le cas actuellement, d’où un meilleur confort pour nos patients. Les premières données, encore très préliminaires, ont été présentées au congrès européen de pneumologie.
Que penser des derniers patients qui échappent encore à tous ces traitements ?
Certains d’entre eux ont probablement été étiquetés asthmatiques, alors qu’ils ne le sont pas. Le syndrome d’hyperventilation ou la dyskinésie des cordes vocales sont des diagnostics différentiels qui prêtent parfois à confusion or, si un patient étiqueté asthmatique à tort reçoit un traitement de l’asthme, forcément, cela reste sans effet.
Mais la principale cause d’échec reste liée aux patients asthmatiques inobservants de leur traitement, même s’ils affirment le contraire. En raison de cette inobservance ou d’un traitement inhalé très insuffisant, 800 à 900 patients décèdent encore d’un asthme en France (données obtenues en se référant aux certificats de décès). Cela montre l’importance des traitements de fond qui ne doivent pas être oubliés, même si l’actualité est riche concernant les traitements novateurs.
L’impact du Covid chez les asthmatiques concerne-t-il justement ces patients insuffisamment ou non traités ?
Oui, une association potentielle avec les formes graves de Covid n’a été retrouvée que chez les patients asthmatiques non équilibrés (insuffisamment traités ou non observants), recourant aux cures répétées de corticoïdes ou, encore, en cas de comorbidité (obésité en particulier). Les biothérapies ne sont pas associées à un surrisque de Covid grave. De même, le vaccin anti-Covid les protège des formes graves et, les gestes barrière, des risques de contamination (y compris pour les autres virus respiratoires).
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