Alternaria alternata est la principale espèce des 300 que comporte Alternaria, un champignon à reproduction asexuée (Deutéromycète). Cette moisissure est présente à l’extérieur, en particulier dans les bois humides, comme à l’intérieur des maisons, surtout sur les plantes vertes, ou sur les murs humides et les tapisseries, où elle forme des colonies responsables de taches grises ou noires.
Sans risque pour les sujets normaux, qui les éliminent par l’épuration mucociliaire, mais non pour certains asthmatiques ou en cas d’immunodéficience locale (mucoviscidose), les allergènes présents dans les spores d’Alternaria sont libérés au cours de la germination. Ces spores sont présentes dans l’air toute l’année, à raison de 100 à 10 000 par mètre cube, leur concentration étant maximale en août-septembre. Elles peuvent entraîner une rhinoconjonctivite dite pseudo-pollinique, car mimant les symptômes d’une rhinite allergique saisonnière. Le pourcentage des prick tests (PT) positifs dans une consultation tout-venant d’allergologie varie de 5,5 à 13 %, le plus souvent chez des patients polysensibilisés. L’allergie isolée à Alternaria existe, mais elle est rare. Parmi plus d’une dizaine d’allergènes d’Alternaria, le principal est Alt a 1.
Le diagnostic d’allergie à Alternaria est basé sur l’anamnèse, l’examen du logement par un conseiller en environnement intérieur, la présence de spores de moisissures dans l’air ambiant, l’analyse mycologique éventuelle d’un prélèvement fait au domicile, la positivité des PT et du dosage des IgE sériques spécifiques (IgEs). La valeur diagnostique des IgEs dirigées contre l’allergène recombinant (rAlt a 1) est comparable à celle des IgEs dirigées contre l’allergène naturel (nAlt a 1).
Des études édifiantes
On sait depuis longtemps que les moisissures atmosphériques, en particulier celles d’Alternaria, peuvent être associées à des asthmes aigus graves (AAG) et à des décès par asthme, aussi bien chez des individus isolés que dans le cadre de véritables épidémies.
En 1981, Jenkins et coll. incriminaient les moisissures pour expliquer l’épidémie de décès par asthme survenue à Cardiff au cours de l’été (1).
De 1985 à 1989, à Chicago, Targonski et coll. ont étudié les liens entre les décès par asthme chez les patients âgés de 5 à 34 ans, la concentration des pollens dans l’atmosphère et celle des spores de moisissures (2). Cette dernière, et non celle des pollens, était très étroitement associée aux décès par asthme (Z score : 2,80 ; p < 0,005). Le risque de décès par asthme pour un nombre de spores supérieur à 1 000/m3 était même multiplié par deux (OR : 2,16 ; IC 95 % : [1,31-3,56] ; p = 0,003).
En 1991, O’Hollaren et coll. rapportaient 11 cas d’AAG avec arrêt respiratoire (dont 2 décès) survenus chez de jeunes asthmatiques âgés de 11 à 25 ans, tous originaires du Midwest, où Alternaria est abondant (3). Leurs PT et les IgEs furent comparés à ceux de 99 témoins appariés : 10 sujets sur 11 (91 %) avaient des PT positifs à Alternaria, 31 (31,3 %) chez les témoins (p < 0,001). L’étude statistique montrait que le risque d’arrêt respiratoire par AAG était 200 fois plus important en cas de positivité des PT à Alternaria (OR : 189,5 ; IC 95 % : [6,5-5 535,8]). À noter que les dosages d’IgEs étaient positifs à Alternaria chez les 9 patients testés.
Un asthme plus souvent sévère que modéré
Depuis ces publications, un corpus important de résultats a confirmé cette association allergie à Alternaria et asthme prélétal ou létal. La sensibilisation à Alternaria est en effet davantage associée à l’asthme sévère qu’à l’asthme modéré ou léger (4). On a comparé trois groupes de patients asthmatiques : 37 admis en unité de soins intensifs pour AAG ; 50 admis aux urgences mais ne nécessitant pas de soins intensifs, et 50 qui n’avaient jamais été admis aux urgences. Le pourcentage de patients sensibilisés à Alternaria était plus élevé dans le premier groupe que dans les deux autres (54 % vs 30 % ; p = 0,005) (5). Ce lien est principalement observé chez les adultes jeunes et les adolescents, et même chez les enfants (6).
Par conséquent, un phénotype particulier d’AAG peut être envisagé : le SAFS ou severe asthma with fungal sensitization.
Pédiatre allergologue-pneumologue
(1) Jenkins PF et al. Clin Allergy 1981 Nov;11(6):611-20
(2) Targonski PV et al. J Allergy Clin Immunol 1995 May;95(5 Pt 1):955-61
(3) O’Hollaren MT et al. N Engl J Med. 1991 Feb 7;324(6):359-63
(4) Zureik Met al. BMJ 2002 Aug 24;325(7361):411-4
(5) Black PN et al. Allergy. 2000 May;55(5):501-4
(6) Bush RK, Prochnau JJ. J Allergy Clin Immunol. 2004 Feb;113(2):227-34
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