PAR LE Pr ALEXANDRE OUATTARA ET LE Dr NADIR TAFER*
L’ACTIVITÉ DE rythmologie s’intègre le plus souvent dans une activité plus globale de cardiologie interventionnelle qui, sur le plan législatif, est régi par le décret de loi n° 2009-410 du 14 avril 2009 relatif aux conditions techniques de fonctionnement applicables aux activités interventionnelles sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, en cardiologie. Cette activité prend volontiers place au sein d’un plateau hémodynamique spécifiquement dédié où se déroulent des procédures aussi variées que le choc électrique externe pour arythmie complète par fibrillation sous contrôle échocardiographique ou encore le remplacement mitral percutané. Ce plateau hémodynamique est situé à proximité du bloc opératoire de chirurgie cardiaque ou dispose idéalement d’une salle hybride. Le décret mentionné ci-dessus qui régit l’activité de cardiologie interventionnelle mentionne que « à la demande du médecin qui prescrit ou qui réalise l’acte interventionnel, un médecin anesthésiste-réanimateur est en mesure d’intervenir lors de la prescription et de la réalisation de l’acte ». Si dans les textes cela apparaît tout à fait légitime, cette mise à disposition du médecin anesthésiste-réanimateur peut se révéler plus délicate à mettre en place.
En effet, la cardiologie interventionnelle est une activité en plein essor avec un nombre croissant de procédures dont le niveau de technicité ne cesse d’évoluer (1). Ainsi, certaines de ces interventions, du fait de leur durée et de l’inconfort qu’elle génère, imposent un accompagnement anesthésique pouvant aller de la sédation plus ou moins profonde à l’anesthésie générale avec intubation orotrachéale (2, 3).
Si l’anesthésie générale est en mesure de participer au succès de certaines procédures de par la qualité des conditions de réalisation qu’elle procure (4), à l’inverse, la résussite de certains gestes, comme l’ablation de troubles du rythme ventriculaire, peut être compromis par le bloc sympathique induit par l’anesthésie générale. Une sédation titrée peut être alors plus adaptée.
Un certain nombre de procédures sont aisément réalisées sous anesthésie locale, c’est le cas de la pose des stimulateurs cardiaques simples. Il est important de noter qu’un nombre croissant d’implantations conduit inexorablement à un nombre croissant d’ablations, et donc à un phénomène « d’autoentretien » d’activité (1). Selon le délai d’implantation, classiquement au-delà de vingt-quatre mois, l’ablation du matériel devra préférentiellement avoir lieu dans l’enceinte du bloc de chirurgie cardiaque avec un équipement hémodynamique équivalent à celui de la chirurgie avec circulation extracorporelle (5). L’activité d’ablation « à risque », le recours à la chirurgie cardiaque en cas de procédures compliquées et une disponibilité limitée des ressources amènent la cardiologie interventionnelle à interférer de façon non exceptionnelle avec le programme de bloc opératoire, tout particulièrement dans les centres dépourvus de salle hybride.
Loin des « lettres de noblesse » de la chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle, l’activité de cardiologie interventionnelle ne reçoit pas toujours l’engouement des médecins anesthésistes-réanimateurs, qui ont souvent du mal à appréhender leur rôle dans la prise en charge périopératoire de ces patients et à accepter les contraintes environnementales liées à la protection des radiations ionisantes ou encore au caractère quelque peu exigu de l’espace qui leur est concédé (6). Cet état de fait est en totale inadéquation avec la sophistication de la cardiologie interventionnelle qui requière, de toute évidence, une implication totale du médecin anesthésiste-réanimateur au fait des temps forts de chaque procédure. Cette activité se doit néanmoins d’évoluer impérativement dans un environnement sécuritaire respectant les contraintes organisationnelles et législatives de notre discipline (décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie).
Transfert de compétence et délégation des tâches.
Plus qu’une nouvelle activité, l’activité de cardiologie interventionnelle peut s’assimiler à un transfert de compétence du médecin anesthésiste-réanimateur de chirurgie cardiaque, qui a un rôle majeur à jouer non seulement au cours de l’acte mais aussi dans la sélection des patients et leur prise en charge postopératoire. Cela impose de fidéliser les équipes de médecins anesthésistes-réanimateurs sur ce terrain d’activité, y compris nos plus jeunes collègues volontiers avides de technicité, en privilégiant des stratégies de prise en charge innovantes, comme l’anesthésie locorégionale ou encore l’autoadministration d’analgésiques en ventilation spontanée, sans oublier l’activité de recherche toujours stimulante pour les équipes. Le plateau hémodynamique en se dotant de salle hybride permet de mettre à disposition du médecin anesthésiste-réanimateur un environnement adéquat.
Enfin, la moindre disponibilité des ressources d’anesthésistes associée une activité croissante nous laissent penser, ainsi qu’à nos confrères cardiologues, qu’une délégation de cette tâche à un personnel paramédical anesthésique serait parfois possible (6).
Quelle que soit la personne à l’œuvre, il apparaît indispensable que le médecin anesthésiste-réanimateur reste pleinement impliqué sur ce terrain d’activité qui ne cessera de prétendre à une expertise anesthésique de plus en plus élaborée (3).
*Service d’anesthésie-réanimation II, pôle d’anesthésie-réanimation, groupe hospitalier Sud, CHU de Bordeaux.
(1) Maisel WH et coll. Pacemaker and ICD generator malfunctions: analysis of Food and Drug Administration annual reports. JAMA 2006;295:1901-06.
(2) Reddy K, Jaggar S, Gillbe C. The anaesthetist and the cardiac catheterisation laboratory. Anaesthesia 2006;61:1175-86.
(3) Elkassabany N et coll. Anesthetic management of patients undergoing pulmonary vein isolation for treatment of atrial fibrillation using high-frequency jet ventilation. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012;26:433-8.
(4) Di Biase L et coll. General anesthesia reduces the prevalence of pulmonary vein reconnection during repeat ablation when compared with conscious sedation: results from a randomized study. Heart Rhythm 2011;8:368-72.
(5) Bordachar P et coll. Extraction of old pacemaker or cardioverter-defibrillator leads by laser sheath versus femoral approach. Circ Arrhythm Electrophysiol 2010;3:319-23.
(6) Gaitan BD et coll. Sedation and analgesia in the cardiac electrophysiology laboratory: A national survey of electrophysiologists investigating the Who, How and Why? J Cardiothorac Vasc Anesth 2011;25:647-59.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024