Plus de 25 études randomisées passées au crible

Ventilation invasive lors d’hypoxie aiguë : pas nécessairement la panacée

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Publié le 12/10/2020

Y a-t-il avantage à ventiler invasivement lors d’insuffisance respiratoire (IR) aiguë hypoxique ? Rien n’est moins sûr. En tout cas c’est ce que suggère une vaste méta-analyse d’études comparant la ventilation non invasive au masque ou au casque avec la ventilation invasive classique (1). Cela alors que, lors de la pandémie de Covid-19, il est apparu que l’on pouvait avec bénéfice ventiler non invasivement nombre de sujets, y compris ceux nécessitant de hauts volumes d’oxygène (2).

Crédit photo : Phanie

Une méta-analyse de 25 études randomisées rassemblant près de 4 000 personnes adultes s’est intéressée aux méthodes de ventilation lors d’hypoxies aiguës (1). Parmi les études retenues, 13 comparaient la ventilation invasive à la ventilation au masque, quatre la comparent à la ventilation à haut débit et quatre la comparent à la ventilation au casque. Une étude comporte trois bras : ventilation invasive, masque et haut débit. Deux autres ont testé respectivement le masque versus le haut débit et le casque versus le masque.

Les sujets inclus ont en moyenne 30 à 75 ans, un rapport PAO2/ FIO2 inférieur à 200 dans 14 études et plus de la moitié des essais n’excluaient pas les sujets immunodéficients. Les pneumopathies communautaires acquises constituaient la cause principale de l’IR dans 16 essais (64 %)

Le critère primaire retenu est la mortalité toute cause au plus long terme possible dans les trois mois, un critère dur, peu sujet à l’appréciation donc, pour ces études qui ne pouvaient pas être réalisées en aveugle. Les critères secondaires sont : l’intubation endotrachéale dans les 30 jours, le score de dyspnée, la qualité de vie du patient et la durée d’hospitalisation en réanimation et à l’hôpital.

Avantage au casque voire au masque sur la ventilation invasive

Au total, dans cette métaanalyse, la ventilation au casque est celle associée à la moindre mortalité, suivie de la ventilation au masque, toutes deux significativement associées à une mortalité réduite par comparaison à la ventilation invasive. Avec des risques de décès respectivement réduits de 19 % et de 6 %, soit des réductions relatives de 60 % (RR = 0,40 [0,24-0,63]) et 17 % (RR = 0,83 [0,68-0,99]) versus ventilation invasive. Par ailleurs la ventilation au casque, au masque ou par oxygène nasal haut débit sont associées à une réduction du risque d’intubation.

Il semble donc que les adultes en hypoxie sévère avec insuffisance respiratoire ont un meilleur pronostic vital quand on privilégie une stratégie de ventilation non invasive. Des études complémentaires restent néanmoins indispensables pour mieux cerner le bénéfice de chaque stratégie ventilatoire.

En effet, comme le souligne l’éditorial accompagnant la publication, les analyses de sensibilité mettent en évidence plusieurs points (2). Primo, la moindre mortalité liée au masque ne persiste pas chez les sujets en hypoxie sévère (Pa02/FIO2 < 200), après avoir exclu les patients dont on sait qu’ils bénéficient de l’option invasive, comme ceux présentant une BPCO, une IC ou en postopératoire.

De la même manière, la réduction des intubations endotrachéales sous masque ne tient pas. Ce qui met en lumière le rôle controversé du masque dans la prise en charge de l’hypoxie ventilatoire sévère, sachant que de précédentes études ont suggéré qu’il était délétère, sûrement en raison de volumes courants excessifs. Néanmoins, alors que la pandémie de Covid-19 a accéléré le besoin d’éclairer le débat, cette méta-analyse, qui rassemble les données disponibles sur le sujet, apporte des éléments de réponse très intéressants aux cliniciens même si l’on ne peut pas encore sacrer totalement gagnante telle ou telle stratégie.

 

(1) BL Ferreyro et al. Association of Noninvasive Oxygenation Strategies With All-Cause Mortality in Adults With Acute Hypoxemic Respiratory Failure: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA 2020;324:57-67

(2) BK Patel et al. Alternatives to Invasive Ventilation in the Covid-19 Pandemic. JAMA 2020;324:43-4

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr