L'on sait que la prise en charge somatique des patients souffrant de troubles psychiatriques, et notamment les schizophrènes, est trop souvent un angle mort. Ce constat se vérifie dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, selon une étude coordonnée par le psychiatre Guillaume Fond (Fondation FondaMental, faculté de médecine de Marseille), publiée dans « Schizophrenia Bulletin », qui pointe une surmortalité intrahospitalière chez les patients schizophrènes atteints de Covid-19 supérieure à celle des patients indemnes de troubles psychiques.
Les chercheurs ont analysé les données (recueillies dans le Programme de médicalisation des systèmes d’information) d'une cohorte de 50 750 patients, hospitalisés plus de 24 heures entre le 1er février et le 9 juin pour une infection au SARS-CoV-2 associée à des symptômes respiratoires. Ils ont ensuite comparé un groupe de 823 patients schizophrènes (soit 1,6 % de tous les patients) à un groupe contrôle de patients sans diagnostic psychiatrique.
Les patients diagnostiqués schizophrènes étaient plus souvent des femmes, entre 65 et 80 ans, fumeurs, vivant en institution, souffrant de démences, restant plus longtemps à l'hôpital (11 versus 9 jours). Ils faisaient moins l'objet de ventilation mécanique invasive (10,7 versus 13,4 %) et de dialyse (2,1 versus 3,6 %) que les cas contrôle.
Association avec l'âge
La mortalité intrahospitalière totale est de 21,8 %, retrouvent les auteurs. Mais elle est supérieure chez le groupe des patients diagnostiqués schizophrènes (25,6 versus 21,7 %). Une association significative apparaît entre la mortalité chez les schizophrènes et l'âge, avec une surmortalité particulièrement marquée (par rapport au groupe contrôle) entre 65 et 80 ans (+8 %). La présence d'une démence pourrait aussi jouer un rôle, par conséquent les auteurs insistent sur l'importance d'une prise en charge renforcée par des équipes de gérontopsychiatrie.
Les auteurs ont aussi regardé les admissions en réanimation : les analyses (univariées et multivariées) montrent un moindre accès aux soins intensifs chez les patients avec schizophrénie âgés. Le facteur âge joue de façon significative puisque ce constat est surtout vrai chez les 65-80 ans (-15,5 %) et les plus de 80 ans (-6 %). Est-ce le reflet d'un « triage » en défaveur des patients psychotiques ? L'étude le suggère, et les auteurs insistent sur l'importance des directives anticipées chez les patients vivant en institution, de la communication entre les équipes psychiatriques et les réanimations, et de la formation de ces dernières à la prise en charge des patients psychotiques.
Plus de formes graves de Covid chez les schizophrènes ?
En revanche, on observe plus d'admissions en réanimation chez les moins de 55 ans (+13,93 %) souffrant de troubles psychiatriques que dans le groupe contrôle. « Ce qui pourrait s'expliquer par des infections Covid-19 plus sévères chez les patients diagnostiqués schizophrènes », lit-on. Cette interprétation s'appuie notamment sur l'observation d'une concentration des facteurs de risque connus de forme grave de Covid chez ces patients, qui sont plus fréquemment des hommes, fumeurs, en surpoids ou obèses, avec de multiples comorbidités somatiques (notamment des maladies pulmonaires obstructives chroniques), que les patients sans diagnostic psychiatrique. Pourraient aussi jouer des difficultés d'accès aux soins hospitaliers connues chez les patients psychiatriques. « Les jeunes patients schizophrènes devraient être considérés comme une population à risque nécessitant des interventions précoces » et devraient pouvoir bénéficier des programmes de réhabilitation au sortir de la réanimation, celle-ci étant une expérience particulièrement éprouvante, lit-on.
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