Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte en urgence sur des « violations graves des droits fondamentaux des patients » accompagnées de manquement à la déontologie professionnelle, au Centre hospitalier du Rouvray (CHR) à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime). L'hôpital est en proie à une crise sociale profonde, dont le paroxysme a été atteint en juin 2018, avec une grève longue et suivie.
Les équipes du CGLPL ont visité l'établissement de 475 lits du 7 au 18 octobre 2019. L'indignité des conditions de prise en charge et la gravité des dysfonctionnements institutionnels sont susceptibles de constituer un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, considèrent-elles. Ce qui justifie l'urgence des recommandations publiées ce 26 novembre au « Journal officiel », et adressées au préalable aux ministères de la Santé et de la Justice (comme cela avait été le cas pour le Centre psychothérapique de l'Ain qui s'est depuis métamorphosé).
Atteintes à la liberté d'aller et venir
Le CGLPL dénonce d'abord des conditions d'hébergement dégradées et aggravées par la suroccupation des 23 unités (101,3 % en moyenne en 2018, 107,7 le 3 octobre 2019). Par conséquent, l'intimité des patients y est bafouée.
Le CGLPL pointe ensuite des atteintes à la liberté d'aller et venir de l'ensemble des patients, en soins libres comme en soins sans consentement. Même sous ce dernier régime, la restriction des libertés des patients doit être individualisée et proportionnée à l'état mental de la personne. Or « seules deux unités étant ouvertes sur 23, très peu de patients sont autorisés à circuler librement dans le parc de l'établissement », lit-on. Dans les unités fermées, les mêmes restrictions s'appliquent indistinctement aux patients en soins libres et sous consentement. Et la possibilité de sortir est soumise à la disponibilité des soignants.
Le rapport relève aussi la transformation régulière des mesures de soins libres en soins sans consentement (78 cas de janvier à octobre 2019) tandis que 42 % des journées d'hospitalisations avaient été passées en soins sous consentement au cours des six premiers mois de 2019. « Cette situation est symptomatique de préoccupations et précautions sécuritaires privilégiées au détriment de l'alliance thérapeutique et de l'adhésion aux soins », commente le CGLPL. Et d'appeler à ce que cesse l'enfermement systématique des patients en soins sans consentement, pratique par ailleurs injustifiable pour les patients en soins libres.
Isolement bafouant la dignité humaine
Le Contrôleur épingle des décisions de mise à l'isolement prises en dehors des règles en vigueur et des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) de 2017 : mentions inappropriées (« si besoin », « autant que nécessaire »), durée trop longue, absence de renouvellement le dimanche, manque de validation par un médecin senior quand un interne signe la décision… La surveillance médicale est insuffisante, et la traçabilité, défaillante.
Les conditions matérielles sont « indignes » (seaux hygiéniques sans couvercles, absence de bouton d'appel, port du pyjama, voire nudité…). « Des motifs punitifs ou la volonté de contraindre à la thérapie des personnes en soins libres justifient parfois le recours à l'isolement », est-il précisé. « De telles pratiques démontrent à la fois une banalisation mais aussi un dévoiement de l'utilisation de l'isolement » qui doit rester une pratique de dernier recours pour les adultes, et ne concerner en aucun cas des mineurs de 13 ans, rappelle Adeline Hazan.
Enfants hospitalisés avec des adultes
Le rapport s'inquiète aussi de l'hospitalisation de mineurs de plus de seize ans, voire dès douze ans, dans des unités pour adultes, alors que des incidents graves ont été rapportés (propos et gestes violents de la part des adultes, parfois de nature sexuelle, parfois relatif à la consommation de stupéfiants). Il alerte enfin sur l'absence d'information des patients de leurs droits et sur l'insuffisante formation des personnels aux soins sans consentement.
Avant même la publication de l'avis du CGLPL, le CHR a indiqué « examiner avec la plus grande attention ces recommandations puis bâtir un plan d'actions à très court terme », promettant que des mesures seront inscrites dans le futur projet d'établissements. L'avis du Contrôleur sera présenté aux instances du CH du Rouvray, et au directoire dès ce 26 novembre, indique l'hôpital.
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