Le Congrès du sommeil s’est tenu à Lille du 24 au 26 novembre, l’occasion pour la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) de rappeler le caractère transversal de cette discipline. Et ce alors que la crise du Covid a mis en lumière l’impact du sommeil sur la santé mentale et physique.
Plusieurs études ont été menées en France pour évaluer l’effet de la crise Covid et des confinements sur l’état de santé de la population. Elles ont montré une augmentation importante des troubles du sommeil, notamment de type insomnie et gêne respiratoire, avec des répercussions sur la santé mentale et physique. L'enquête du Réseau Morphée menée du 11 au 23 avril 2020* a notamment mis en lumière une diminution de la qualité du sommeil, une augmentation de sa durée, un décalage des horaires vers le soir avec des levers plus tardifs et une moindre exposition à la lumière.
L'étude RythmE de la SFRMS et de l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie (AFPBN) va également en ce sens : 56 % des personnes ont vu leur qualité de sommeil s’altérer pendant le premier confinement et 48 % ont présenté des rythmes moins réguliers. Et selon les résultats de l'enquête CoviPrev de janvier 2021, les deux tiers de la population ont rapporté des troubles du sommeil pendant ces périodes de restriction.
Sommeil/dépression, une cohorte nationale
Les confinements ont aussi mis en évidence le lien étroit entre la dégradation du rythme veille-sommeil et la santé mentale, et en particulier les troubles anxieux et la dépression. « Plus de 90 % des patients qui présentent un trouble de l’humeur, une dépression ou un trouble anxieux ont une plainte de sommeil. C’est donc un levier possible d’identification de ces troubles et d’intervention, estime le Dr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre et maître de conférences des Universités à l’hôpital Bichat (AP-HP). De plus, dans les troubles psychiatriques, le trouble du sommeil est le symptôme résiduel le plus fréquent : plus de la moitié des personnes après une dépression, un trouble anxieux, une anorexie ou encore une addiction à l’alcool conservent des troubles du sommeil. » Avec des répercussions en termes de qualité de vie et de risque cardiovasculaire.
Les mécanismes en jeu restent encore mal compris. Ainsi, pour mieux spécifier les liens entre sommeil et dépression, la SFRMS et l’AFPBN ont lancé la cohorte nationale SoPsy-dépression. Les inclusions devraient commencer début 2022 avec l’aide du Groupe de recherche (GDR) Sommeil et les centres de sommeil et de psychiatrie.
L’objectif : recruter 1 000 participants (depuis l’adolescence jusqu’à la personne âgée) pour mieux caractériser les troubles dépressifs, identifier des sous-groupes de la maladie et des marqueurs de réponse aux traitements.
Des recos et une appli
À l’issue du premier confinement, des spécialistes de la médecine du sommeil ont élaboré des recommandations portant sur les « stratégies de gestion de l’impact du confinement sur le sommeil », afin d’adopter de bons comportements liés au sommeil.
Le premier confinement a aussi conduit au développement de l’application Kanopée (disponible gratuitement sur Google play et l’App store). Conçue par des médecins du sommeil et des chercheurs, elle vise à soutenir les utilisateurs pendant la crise du Covid en les aidant à gérer leurs problèmes de sommeil, d’addictions et de stress en vue de prévenir la dépression. Cet outil permet un repérage clinique et fournit des conseils personnalisés. Plusieurs publications internationales ont montré son efficacité à réduire les plaintes de sommeil.
« Le sommeil est un baromètre d’alerte au long cours. Dans le contexte de crise qui perdure et au-delà, Kanopée est une solution prometteuse et simple aux résultats très encourageants pour évaluer son hygiène du sommeil et réduire les symptômes d’insomnie et ainsi soulager le stress psychosocial », souligne le créateur de l’application, le Pr Pierre Philip, responsable de la clinique du sommeil du CHU de Bordeaux.
« La médecine du sommeil a pris son envol dans les années 1990, a par ailleurs rappelé la Pr Marie-Pia d’Ortho du service Physiologie-Explorations fonctionnelles et du Digital Medical Hub de l’hôpital Bichat (AP-HP). Elle est reconnue comme une spécialité à part entière depuis l’arrêté de 2017 ». Cet arrêté paru au « Journal officiel » inclut la médecine du sommeil dans la liste des formations spécialisées transversales. « Il est très important que la médecine du sommeil soit une surspécialité, car il est essentiel de garder sa multidisciplinarité », poursuit-elle.
*L’enquête s’est déroulée du 11 au 23 avril 2020 sur internet auprès de 1 821 répondants dont 1 777 participants majeurs.
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