Anxiolitiques, sédatives, antidépressives...

Les effets psychotropes des plantes

Publié le 15/12/2014
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Crédit photo : PHANIE

Psychiatre honoraire à l’hôpital de Rodez, le Dr André Gassiot s’intéresse de longue date aux effets psychotropes des plantes. Ce fin connaisseur de la médecine traditionnelle chinoise et tibétaine doit publier en 2015 un livre « Plantes et santé mentale » aux éditions Odile Jacob. « Depuis l’origine de l’humanité, les plantes et autres substances naturelles ont été utilisées à des fins médicinales, pour soulager des maux, induire une sensation de bien-être ou traiter des maladies », explique le Dr Gassiot, en citant notamment le cas de Otzi, cet « homme des glaces » mort il y a 5 300 ans et dont le corps momifié et congelé a été retrouvé en 1991 par un couple de randonneurs à la frontière entre la Suisse et l’Italie. « Sur lui, on a retrouvé des plantes à visée thérapeutiques, souligne le Dr Gassiot. D’anciens textes chinois attestent l’utilisation des plantes à des fins thérapeutiques dans ce pays bien avant notre ère. Enfin, il est probable que les premiers Homo ont hérité de l’aptitude à s’automédiquer par l’observation des animaux. Aujourd’hui, la zoopharmacognosie, au carrefour de la médecine, de l’anthropologie et de l’éthologie est la discipline qui étudie ces "animaux médecins" ».

Selon le Dr Gassiot, pour différentes raisons, historiques et actuelles (New Age) on ne peut aborder les effets psychotropes des plantes sans évoquer l’importance du Chaman ou « homme médecine » qui, dans certaines ethnies, était dépositaire du pouvoir thérapeutique des substances de la nature. « Les plantes étaient utilisées, non pas seulement pour guérir les maux physiques, mais aussi pour pouvoir être relié à Dieu, c’est l’effet enthéogène ou pour rentrer en contact avec l’autre, appelé l’effet entactogène. Le chaman en usait lui-même pour rechercher l’effet hallucinogène et l’état de transe, ce qui permettait à l’esprit du chaman de « voyager », d’en rapporter une connaissance et une sagesse », indique le Dr Gassiot.

Aujourd’hui, les plantes occupent toujours une place importante au sein de la pharmacopée. « Environ 40 % des médicaments du Vidal sont directement issus des plantes ou fabriqués par hémisynthèse. Sur un plan historique, on peut rappeler que la première benzodiazépine, le chlordiazépoxde (Librium*), a été synthétisée en 1958 par L. Sternbach aux États-Unis à partir d’un pavot Papaver dubium. Le premier antipsychotique est peut-être issu lui aussi d’une plante Rauwolfia serpentina, dont la décoction des feuilles était appelée en Inde « l’Herbe contre la folie ». Ramenée en Europe au XVI siècle par le Docteur Rauwolf, Weber en isolera la réserpine, commercialisé dans les années 1970 sous le nom de Serpasil* », indique le Dr Gassiot.

Aujourd’hui, les effets psychotropes des plantes se retrouvent dans les divers registres thérapeutiques en psychiatrie. Il existe d’abord des plantes majeures (passiflore, kawa, aubépine, agripaume, aspérule odorante…) aux effets anxiolytiques et sédatifs, par action sur les systèmes GABAergiques. Ces effets se retrouvent aussi dans certaines plantes mineures (mélisse, melitte, livèche, mélilot, angélique officinale). Parmi les huiles essentielles, ayant des effets anxiolytiques et sédatifs, on peut citer la lavande officinale, la marjolaine, l’oranger amer, la verveine odorante ou la camomille romaine. Le Dr Gassiot évoque aussi certaines plantes hypnotiques et régulatrices du sommeil : le pavot de Californie, la valériane, le coquelicot, le houblon ou le tilleul.

La principale plante antidépressive est bien sûr le millepertuis Hypericum perforatum L. « Dans de nombreuses études documentées, notamment en Allemagne, le millepertuis est considéré comme étant l’équivalent du Prozac pour ses effets inhibiteurs de recapture de la sérotonine. Ses indications restent les états dépressifs légers, survenant lors de stress répétés. Une autre indication est peut-être la dépression saisonnière du fait des effets mélatoninergiques associés », souligne le Dr Gassiot.

D’après un entretien avec le Dr André Gassiot, psychiatre honoraire à l’hôpital de Rodez

En savoir plus :

Dousset JC. Histoire des médicaments, éditions Ovadia 2010

Morel JM. Traité pratique de phytothérapie, éditions Grancher 2008

Pol D. Dictionnaire encyclopédique des drogues, Ellipses 2002

Verbois S. Les plantes qui guérissent le corps et l’esprit, éditions Trajectoire 2002

Rosenzveig M. Drogues et civilisatons une alliance ancestrale, éditions de Boeck 2008

Signature ?

Source : Bilan spécialiste