Alors que l'équipe mobile de psychiatrie charge son van et s'apprête à quitter l'université de Nîmes, Nathan* s'approche : « Je sais que vous partez, mais serait-il possible d'avoir un flyer et savoir quand vous allez revenir ? » Étudiant en première année, le jeune homme se tenait depuis plusieurs minutes déjà à proximité des soignants. Il semblait hésiter à franchir le pas avant de s'adresser à l'équipe du Psytruck 3.0, qui se gare régulièrement sur le parking de la faculté pour recevoir en consultation des étudiants qu'ils orienteront ensuite vers un psychologue ou un psychiatre, si nécessaire.
« Je suis étudiant sur un autre site de l'université. J'avais repéré l'annonce de ce nouveau service, et reçu un mail qui détaillait sa présence aujourd'hui. Je ressens un vrai besoin lié à des angoisses », explique Nathan qui, par le passé, avait déjà rencontré une fois un psychologue. « Ici, c'est sans rendez-vous, c'est pratique », commente-t-il rapidement avant de quitter les lieux, accompagné d'un ami. Peut-être la prochaine fois montera-t-il dans le van aménagé pour recevoir en toute confidentialité les patients.
Troubles psychotiques en hausse
« Nous recevons en consultation entre un et quatre patients par vacation. Les infirmiers sont en première ligne. Nous ciblons en priorité les moins de 30 ans, car 75 à 80 % des troubles psychiatriques se manifestent avant cet âge », explique la Dr Aurélie Schandrin, psychiatre au CHU de Nîmes et créatrice de cette unité mobile innovante qui se déplace régulièrement à l'université de Nîmes mais aussi à l'IUT de la ville, à l'école d'infirmière et à la faculté de médecine pour rencontrer les étudiants. Une démarche proactive d'information et de détection utile alors que la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministère), en collaboration avec Santé publique France, a publié le 16 mai une étude inquiétante sur les hospitalisations des adolescents et jeunes adultes, notamment chez les femmes, à la suite de tentatives de suicide ou bien d’automutilations non-suicidaires. Ainsi, en psychiatrie, « le taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans double entre 2012 et 2020 puis double de nouveau entre 2020 et 2022. La progression observée des taux d’hospitalisation en psychiatrie est encore plus importante : 246 % pour les 10-14 ans, 163 % pour les 15-19 ans et 106 % pour les 20-24 ans ».
Mise en place depuis quelques semaines, l'équipe nîmoise du Psytruck 3.0, composée de deux infirmiers et d'un interne en psychiatrie au moins à chaque arrêt, ne recense pas davantage de consultations masculines ou féminines. « En revanche, je suis très surprise par le nombre de patients souffrant de troubles psychotiques que nous avons identifiés. Ces troubles concernent 3 % de la population générale. Or, ils constituent à ce jour 10 % de la patientèle que nous avons reçue. Il nous faut surveiller l'évolution de cette donnée sur la durée », analyse la Dr Schandrin, qui a reçu un financement de 100 000 euros de la Fondation des Hôpitaux pour mener à bien un projet qu'elle mûrit depuis sept ans.
Dans ce van, l'offre est discrète et rend plus accessible la spécialité de psychiatrie qui peut faire peur
Dr Fanny Grau-Coppieters, directrice du service de santé étudiante de l’université de Nîmes
Discrétion et accessibilité
« Il y a deux ans, le CHU nous a annoncé que notre équipe tournée vers les jeunes allait déménager et perdre en surface d'accueil. Dès lors, je me suis dit qu'il fallait proposer une alternative afin de poursuivre autrement l'accompagnement de cette population. J'ai envoyé le projet à la fondation qui l'a accepté. Cela a été le déclencheur », rembobine la psychiatre.
À l'université de Nîmes, qui compte environ 6 000 étudiants, on se satisfait de l'arrivée de cette offre qui vient compléter les créneaux de soins déjà proposés : psychologie et médecine préventive quotidiennement ; consultations gynécologiques sur un rythme bimensuel ; addictologie une fois par mois. À tout cela s'ajoute une cabine de télémédecine pour la consultation d'un généraliste. « Avant l'arrivée du psytruck, nous avions des difficultés pour obtenir des débouchés psychiatriques pour nos étudiants. Dans ce van, l'offre est discrète et rend plus accessible cette spécialité alors que le terme de psychiatrie peut faire peur », analyse la Dr Fanny Grau-Coppieters, généraliste de formation et directrice du service de santé étudiante de l’université de Nîmes.
L'expérimentation Psytruck 3.0 mise en œuvre par la Dr Schandrin et ses équipes doit durer deux ans au moins. Fin 2026 sera l'occasion d'un retour d'expérience que l'équipe mobile espère être un simple bilan d'étape.
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