Alors que la profession ne cesse de demander depuis des années une réforme d'ampleur de la psychiatrie, la Cour des comptes dénonce dans un rapport publié ce 16 février, une offre « peu graduée et insuffisamment coordonnée », voire un système « peu lisible et peu efficient » et formule sept propositions pour revoir la copie.
Le principal écueil, selon la Cour des comptes, est une insuffisante distinction des niveaux de prise en charge : dans l'idéal, les soins spécialisés en psychiatrie devraient être réservés aux patients présentant les troubles les plus lourds (répertoriés dans la Classification internationale des maladies ou CIM 10), tandis que les troubles plus légers ou modérés, qui concernent presque un tiers de la population sur une vie entière, devraient être pris en charge dans le système de soins primaires, par les médecins traitants et les psychologues. « Il importe de revoir l'accès à ces différents niveaux et les modalités de passage d'un niveau à un autre », lit-on.
Aujourd'hui, au moins un tiers des entretiens en centre médico-psychologique (CMP) est réalisé avec des patients qui relèveraient de soins primaires, illustre la Cour des comptes. En miroir, les patients présentant des troubles graves ne bénéficient pas d'une prise en charge adaptée, comme en témoignent la part importante des entrées en psychiatrie via les urgences (alors que l'anticipation des crises pourrait l'éviter), la fréquence des réhospitalisations, le nombre de patients hospitalisés au long cours, ou l'absence de suivi à domicile des patients sévères.
Filtrer l'accès aux CMP
La Cour des comptes propose donc, pour fluidifier le système, de filtrer l'accès aux CMP aujourd'hui « asphyxiés », grâce à une orientation ou une consultation préalable de la part d’un professionnel de première ligne (qui pourrait prendre appui sur un psychiatre du secteur ou de l'inter-secteur).
En parallèle, il faudrait étendre « dès que possible » le remboursement par l'Assurance-maladie des psychothérapies faites par des psychologues libéraux, sur prescription des médecins traitants, puisque l'expérimentation engagée depuis deux ans dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Landes, Morbihan) semble porter ses fruits. « Ces deux évolutions sont liées : c’est grâce à la mise en place de solutions thérapeutiques éprouvées et de coût modéré que l’on évitera de recourir de manière abusive et souvent inefficace à des soins spécialisés, plus coûteux », argumentent les Sages. Pour rappel, le président de la République Emmanuel Macron a donné son feu vert de principe au remboursement des soins de psychologues en libéral, « au moins pour les enfants ».
Dans la même logique, la Cour encourage à recentrer les activités des secteurs psychiatriques sur les patients souffrant des troubles complexes, avec comme objectif de permettre un maintien à domicile « supervisé ou autonome ». Possible, à condition que les équipes soient mobiles et coordonnées, et que les CMP puissent accepter, sur des horaires élargis, des demandes de soins non programmées et des patients hors secteurs.
Mieux tracer les coordinations
Enfin, pour que la coordination ne soit pas un vain mot, le rapport de la rue Cambon appelle à rendre plus effectifs les leviers existants. Concrètement, elle suggère de mettre en place des outils (c'est-à-dire des indicateurs) pour suivre les dispositifs introduits par la loi de modernisation du système de santé de 2016 et revus en 2019 : projets territoriaux de santé mentale (PTSM), communautés psychiatriques de territoire (CPT), contrats locaux de santé (CLS). « S’il est encore trop tôt pour établir un bilan, une dynamique incontestable de concertation a été observée. Il est toutefois possible que celle-ci s’essouffle, faute d’outils de suivi », craint la Cour.
Elle plaide aussi pour que les établissements autorisés en psychiatrie se soumettent à des « conditions techniques de fonctionnement », c'est-à-dire des outils juridiques les obligeant à mieux tracer le travail pluridisciplinaire et les coordinations internes et externes. Les établissements qui auraient la responsabilité de piloter un secteur, ou qui seraient autorisés à pratiquer des soins sans consentement, devraient quant à eux présenter des projets pour accomplir leur mission.
Des soins plus précoces et gradués devraient permettre des gains financiers, conclut la Cour, une meilleure qualité des soins et un plus grand respect de la dignité des patients. Une façon de renouer avec le mouvement de désinstitutionnalisation et de soins inclusifs des années 1960-1990, aujourd'hui en panne.
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