La psychiatrie est et doit être un territoire d'innovation : forts de cette conviction, la région Île-de-France et la Fondation FondaMental ont organisé le 7 janvier un colloque intitulé « Psytech ».
« Notre objectif est de créer un écosystème favorable à la santé et d'assurer un leadership de l'Île-de-France en santé mentale », a déclaré la présidente de la région Valérie Pécresse, rappelant son attachement intime à la psychiatrie, profession de son grand-père. « La prise en charge des maladies mentales doit être une priorité », a-t-elle ajouté, alors qu'un Francilien sur cinq présente des symptômes dépressifs. Les sciences économiques appuient la démonstration : la psychiatrie est l'une des disciplines où le retour sur investissement serait le plus important, à hauteur de 37 % selon le Rand Institute, alors que les maladies psychiques coûtent 109 milliards d'euros à la France chaque année.
Phénotypage digital
Ces vingt dernières années ont vu se dessiner plusieurs pistes d'innovation dans la discipline. Outre la recherche sur les biomarqueurs diagnostiques (génétiques ou immunologiques notamment), le numérique, les données de santé et les algorithmes d'intelligence artificielle (IA) ont ouvert la voie à un « phénotypage digital » des patients. Capteurs, smartphones et plateformes deviennent autant d'outils d'aide médicale, à la prescription ou au suivi de patients.
C'est le cas de Passport BP, porté par FondaMental, et fruit d'une collaboration entre la start-up Sêmeia et cinq centres hospitaliers. Cette plateforme utilisant les données des patients propose une aide pour suivre à distance les personnes bipolaires dans leur quotidien et leur parcours de soins, permet d'alerter un « case manager » (infirmier spécialisé) en cas d'écart, voire de prévenir des évènements indésirables.
« Cet outil est intéressant pour assurer un meilleur suivi des patients, alors que nos moyens ne permettent pas d'assurer une prise en charge spécifique pour chacun et que les échelles sont difficiles à utiliser, commente le Dr Emmanuel Le Guen, responsable de l'équipe mobile de psychiatrie de Créteil. Et le numérique est une attente des patients ! ».
L'innovation se veut aussi financière, avec un paiement forfaitaire au parcours. Le dispositif a reçu un financement expérimental de l'Assurance-maladie (article 51) de six millions d'euros, pour se déployer pendant quatre ans auprès de 2000 patients bipolaires.
Autre exemple : le projet Resist, développé par la start-up BioSerenity et l'université Paris-Est Créteil, vise, toujours à partir des données des patients, à identifier précocement des réactions de résistance aux traitements, chez des patients atteints de schizophrénie ou de troubles de l'humeur, pour mieux adapter leur parcours de soins.
Dans un autre ordre d'idée, la biotech Novobiome, spin-off de MetaGenoPolis (MGP), le centre d'expertise de l’INRAE, a créé une plateforme ex vivo représentative de ce qui se passe dans l'intestin humain, dans l'objectif de mieux comprendre les relations entre microbiote et cerveau. Y sont déployés IA, organoïdes, microscopie fluorescente ou encore métagénomique.
Des innovations en continu, pas de rupture
Malgré ces success stories, l'innovation connaît des blocages en France, ont témoigné ces acteurs, citant la complexité des procédures pour conduire des expérimentations et des essais cliniques, mais aussi le manque de financements publics et privés. « Comme en cardiologie, on n'identifie plus guère en psychiatrie de nouveaux mécanismes d'actions ». Sans oublier que la plupart des molécules sont génériquées en psychiatrie et qu'il est rare de mettre en évidence une amélioration du service rendu : la seule autorisation de mise sur le marché en psychiatrie, en 2020, pour l'eskétamine dans la dépression sévère, l'a été avec un ASMR V.
Mais les acteurs de Psytech ne désespèrent pas : « nous misons davantage sur des innovations en continu, plutôt que de rupture, à l'image de ce qui se passe dans le numérique », a explicité Marc Frouin, le directeur général de BioSerenity. Et de se donner rendez-vous l'année prochaine, pour créer à terme un véritable « écosystème d'innovation ».
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