Troubles des conduites alimentaires : optimiser l'accompagnement des familles

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Publié le 02/06/2025
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Les troubles des conduites alimentaires (TCA) ne touchent pas seulement la personne qui en souffre. Souvent complexes et silencieux, ils entraînent des répercussions psychologiques, émotionnelles et sociales importantes sur l’entourage. Le point avec la Fédération française Anorexie Boulimie à l'occasion de la semaine de sensibilisation aux TCA du 2 au 8 juin 2025.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Aujourd’hui, en France, environ la moitié des personnes présentant un trouble des conduites alimentaires (TCA) n’accèdent pas à des soins spécialisés. « Beaucoup ont honte de leur TCA et le cachent. Dans ces conditions, ces troubles ne sont pas forcément repérés, en premier lieu, par le médecin traitant. Ce sont souvent les personnes qui côtoient le jeune au quotidien – parents, milieu scolaire, professeurs, infirmiers – qui les détectent », souligne la Dr Anna Potyrcha, psychiatre exerçant en libéral et à la clinique Villa Montsouris à Paris.

L’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique touchent 900 000 personnes en France. Ces TCA concernent tout type de populations, femmes, hommes, de tous âges et de tous les milieux sociaux. Ils débutent, en général, à l'adolescence. Souvent, les personnes qui en souffrent n'osent pas en parler. Le tabou et les idées reçues persistants autour des TCA compliquent le repérage.

Mieux repérer les TCA

De nombreux signes peuvent alerter les familles et les proches du patient : tristesse, repli sur soi, attention accrue portée à la silhouette, peur de grossir, investissement excessif dans une activité physique… « Un changement de comportement face à l'alimentation doit également inciter les parents à consulter le médecin traitant. Il peut s'agir, par exemple d'un adolescent qui, soudainement, refuse de manger certains aliments ou n'en consomme qu'une catégorie (uniquement des légumes…) ; qui évite les repas de famille ou s’éclipse systématiquement en fin de repas pour se rendre aux toilettes », indique la Dr Fabienne Perdereau, pédopsychiatre, thérapeute familiale à la FSEF Paris 16 (Fondation Santé des étudiants de France).

Mais les symptômes des TCA ne sont pas toujours perceptibles par l'entourage. « Il n'est pas rare qu'une jeune fille souffrant d'anorexie mentale mette des vêtements larges pour camoufler sa perte de poids. Le médecin traitant doit donc toujours être vigilant quant à l'évolution de la corpulence de ses patients. Car un amaigrissement ou une prise de poids rapides peuvent être des signes de TCA. De même, les plaintes digestives (maux de ventre, constipation, reflux gastro-œsophagien) et les malaises peuvent être liés à de tels troubles », confie la Dr Potyrcha. Par ailleurs, le médecin qui s'occupe d'un patient en situation d'obésité doit toujours rechercher un éventuel TCA, en particulier l'hyperphagie boulimique.

Un retentissement psychosocial majeur

Les TCA bouleversent le quotidien des patients concernés mais aussi, de leurs proches : parents, fratrie, enfants… « C'est une véritable bombe émotionnelle qui explose dans une famille à l'annonce du diagnostic. Les parents doivent se rendre très disponibles au quotidien : être à l'écoute des difficultés de leur enfant ; les encourager, les soutenir pendant les repas… », ajoute la psychiatre.

Les parents doivent protéger la fratrie même s'ils focalisent davantage leur attention sur l'enfant souffrant d'un TCA. « La fratrie se sent parfois exclue, moins écoutée par les parents. Elle peut également montrer des signes de souffrance psychologique. Pour les parents, l'impact psychosocial peut être majeur : angoisse, tensions, conflits au sein du couple… Ils peuvent se sentir coupables, avoir peur d'avoir provoqué la TCA de leur enfant. Et peuvent également avoir besoin d'une prise en charge psychologique », note la Dr Perdereau. Et cela, d'autant plus que leur rôle dans l’évolution de la maladie de leur enfant est primordial. « Le pronostic du patient dépend beaucoup du positionnement de la famille. Lorsque les parents sont soutenants et coopèrent avec le corps soignant, les chances de guérison sont optimisées », assure la Dr Potyrcha.

Des thérapies dédiées aux familles

La prise en charge d'un TCA est pluridisciplinaire. Le médecin (pédiatre ou généraliste formé aux TCA) ou le psychiatre à l'origine du diagnostic établit un maillage thérapeutique afin que le patient puisse être suivi par d'autres professionnels de santé : médecin nutritionniste, diététicien, psychologue. Un accompagnement somatique, psychiatrique et diététique est essentiel. La prise en charge peut être effectuée en ambulatoire, en hospitalisation (de jour ou à temps plein) selon la sévérité du TCA.

« Pour ma part, je reçois l'ensemble de la famille en consultation. Cela permet d'amorcer un dialogue qui n'est pas uniquement centré sur les difficultés du malade : chacun peut s'exprimer », explique la Dr Perdereau. Des thérapies multifamilles sont également possibles. « Nous proposons aux familles concernées par les TCA de se rencontrer pour partager leur expérience et sortir de l'isolement. Ces groupes sont animés par des professionnels de santé et par des patients ayant déjà terminé le parcours de thérapie multifamiliale. Certains livrent des conseils ou témoignent de la guérison de leur enfant. Le partage entre les familles est souvent très riche et porteur d'espoir », conclut la pédopsychiatre.

Pour en savoir plus :
– La Fédération française Anorexie Boulimie (FFAB) est la société savante de référence dans le champ de TCA. L'ensemble des actions menées sont sur www.ffab.fr.
– Le Réseau TCA Francilien coordonne des structures de soins, de prise en charge et d’aide aux patients et à leur famille : www.reseautca-idf.org.
– Anorexie Boulimie Info Écoute : 09 69 325 900. Une ligne téléphonique pour les patients, familles, proches et professionnels.

La FFAB se mobilise en faveur des familles

Du 2 au 8 juin prochain, lors de la semaine de sensibilisation aux TCA, la Fédération française Anorexie Boulimie (FFAB) se mobilise et réunit des experts dans toute la France pour évoquer la place des familles, en abordant les idées reçues sur les TCA ; répondre aux questions des familles concernées ; sensibiliser sur la nécessité d’améliorer le repérage et la prise en charge de ces troubles. L’événement sera également l'occasion de permettre aux personnes atteintes de TCA de pouvoir bénéficier de soins, quels que soient leur âge et le stade de la maladie.


Source : lequotidiendumedecin.fr