Chez certains enfants avec un trouble du spectre autistique (TSA), l’acquisition de capacités sociales serait associée au développement d’un réseau neuronal « complémentaire » situé au niveau du lobe temporal, met en lumière une équipe de l’Institut Imagine* (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) et de l’hôpital Necker-Enfants malades.
Les travaux du Dr Ana Saitovitch et des Prs Monica Zilbovicius et Nathalie Boddaert, publiés dans Cerebral Cortex ont mis en évidence un lien direct entre les capacités sociales et les fibres de matière blanche dans une zone du cerveau dédiée à la cognition sociale.
Eye-tracking et IRM
Pour ce faire, les chercheuses ont combiné pour la première fois eye-tracking et IRM. La technique de l’eye-tracking, qui a pris son essor ces 20 dernières années, permet de mesurer de façon non invasive les mouvements, points et temps de fixation du regard d’une personne. De récentes études ont montré que les mesures de la perception sociale ainsi obtenues peuvent être un biomarqueur d’un trouble du spectre autistique. Les techniques d’imagerie cérébrale de pointe (imagerie en tenseur de diffusion) ont servi quant à elles à mesurer l’anisotropie fractionnelle (FA), comme un marqueur de la matière blanche.
Quelque 25 enfants et adolescents avec TSA ont été inclus dans l’étude, dont 7 filles, de 2,4 ans à 16 ans. Et 24 autres jeunes, au développement typique, âgés de 6 à 17,4 ans, ont participé, en tant que groupe contrôle.
Première observation : il y a une grande hétérogénéité de comportements, entre les enfants avec TSA qui globalement, regardent moins les yeux des personnages par rapport aux enfants contrôles (32 fixations versus 59 chez les enfants typiques). Ainsi, certains regardent plus les yeux que d’autres qui les regardent moins, ce qui conforte la notion de « spectre » dans l’autisme.
Plasticité cérébrale
En regardant en parallèle l’anatomie des faisceaux du cerveau chez ces enfants grâce à l’IRM, les scientifiques ont mis en évidence une corrélation positive entre le nombre de fixations du regard sur les personnages d’un film (en l’occurrence, le Petit Nicolas) et la FA. Ceci en particulier dans les aires corticales impliquées dans la cognition sociale. Autre observation de taille, les meilleures performances en termes de cognition sociale des enfants avec TSA sont associées à des valeurs de FA élevées qui se retrouvent dans des régions complémentaires (par rapport au groupe contrôle), au niveau du lobe temporal. Plus précisément, les enfants avec TSA présentent des valeurs de FA élevées au niveau du lobe temporal droit, dans sa partie supérieure, mais aussi inférieure (ce qui n’est pas le cas des enfants typiques chez qui les valeurs élevées se concentrent selon dans la partie supérieure du lobe). « Cela laisse penser qu’un mécanisme compensatoire intervient au cours du développement des enfants avec TSA ; que, dans les TSA, les connexions neuronales peuvent se réorganiser et s'adapter pour surmonter les déficits en matière de cognition sociale », lit-on dans la discussion.
« L’âge influençant grandement sur la plasticité cérébrale, cette étude renforce l’importance d’une intervention précoce chez les enfants avec autisme. Une aide à l’apprentissage pour ces enfants est donc non seulement pertinente, mais surtout efficace, et pourrait avoir un énorme impact en facilitant l’intégration des individus avec TSA à la société dans son ensemble grâce au développement des capacités sociales », conclut un communiqué de l’institut Imagine.
* Laboratoire associé Image UMR 1163 (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) et Inserm U1299
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