Accompagner la parentalité

Une nouvelle mission des services de soins psychiatriques

Publié le 15/12/2014
Article réservé aux abonnés
1418737988572060_IMG_143724_HR.jpg

1418737988572060_IMG_143724_HR.jpg
Crédit photo : PHANIE

D’intenses remaniements psychiques, de réactivation de fantasmes ont lieu au cours de la grossesse qui représente un changement de statut pour la future mère mais aussi pour le couple et l’entourage, bouleversant les positions de chacun au cœur de l’organisation familiale. Cette maturation prend son origine bien en amont de la conception avec le désir d’enfant qui questionne l’individu parfois dès l’enfance.

Certains troubles du fait de l’importance de ces bouleversements, apparaissent chez des femmes jusque-là indemnes de toute pathologie psychiatrique comme la dépression périnatale (environ 10 à 12 % des mères et dont la moitié commence en cours de grossesse), ou la « psychose puerpérale » statistiquement rare (un cas pour mille) [1] qui peut inaugurer un trouble de l’humeur bipolaire, ou plus rarement représenter le mode d’entrée d’une schizophrénie. Un cas bien particulier est celui du déni de grossesse, très médiatisé ces dernières années, où l’enfant ne semble pas avoir été désiré ou pensé ; ce déni peut être, le plus souvent partiel, voire total. Dans ce cas, il est levé lors de l’accouchement et peut conduire au néonaticide.

L’enfant réel peut être décevant

Beaucoup sont poly-addictives, les addictions majorant leur fragilité. La survenue de grossesse n’est donc plus exceptionnelle, d’autant que les thérapeutiques actuelles permettent une meilleure insertion sociale. Rappelons que le conjoint peut aussi être porteur d’une maladie mentale (2). La maternité représente un risque de décompensation psychiatrique, celui-ci étant plus élevé au cours du premier mois du post-partum notamment si la femme a interrompu son traitement. Il reste important pendant les deux premières années après l’accouchement, lors des moments d’individualisation de l’enfant (3). Celui-ci peut souffrir de carence de soins, voire de maltraitance dans la mesure où l’enfant réel peut être décevant, objet de projections agressives, ou désinvesti dans un déni de l’intersubjectivité parental (4). L’accompagnement de la parentalité chez les patientes, peu pris en compte jusqu’à présent, apparaît donc comme une nouvelle mission des services de psychiatrie (5).

L’objectif est de soutenir ces femmes dans leur rôle maternel, d’évaluer avec elles leurs difficultés, d’adapter la thérapeutique et d’organiser un réseau étayant, afin d’organiser la poursuite des soins après une prise en charge spécifique en périnatalité. Il faut aussi accompagner les mères afin qu’elles puissent tisser un lien de qualité avec leur enfant, favoriser « l’accordage affectif » (6) qui, grâce au rythme des échanges, permet une différenciation progressive.

Centre hospitalier Sainte-Anne, secteur 75G13

(1) Dayan J, Andro G, Dugnat M. Psychopathologie de la périnatalité Paris. Masson 2003

(2) Cazas O. Les troubles psychiques au cours de la puerpéralité. L’Information Psychiatrique 2004;80(8)

(3) Munk-Olsen T, Laursen TM, Mendelson T, et al. Risks and predictors of readmission for a mental disorder during the postpartum period. Archives of General Psychiatry. 2009;66(2):189-95

(4) King-Hele S, Webb RT, Mortensen PB, et al. Risk of stillbirth and neonatal death linked with maternal mental illness: a national cohort study. Archives of Disease in Childhood 2009;94(2):F105F110

(5) Cogan JC. The consumer as expert: women with serious mental illness and their relationship-based needs. Psychiatric Rehabilitation Journal 1998;22(2):142-54

(6) Stern D. Le monde interpersonnel du nourrisson, PUF 1989

Dr Marie-Noëlle Vacheron

Source : Bilan spécialiste