Réfugiés Syriens au Liban

Une stratégie nationale en réponse à la crise

Publié le 17/12/2015
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Crédit photo : AFP

Le Liban, petit pays méditerranéen, une longue histoire de guerre civile, un parlement qui ne se réunit presque plus depuis quelques années, un gouvernement sans vrai pouvoir exécutif, un président de la république absent ; accueille plus d’un million de déplacés Syriens (1) – le statut de réfugié ne pouvant pas officiellement être donné – constituant un peu plus que le quart de la population. Recette parfaite pour un désastre. Et pourtant, contre toute attente, l’énergie créée par la réponse humanitaire à la crise Syrienne sert à mettre en œuvre une réforme du système de santé mentale au Liban.

La cartographie du système de santé mentale au Liban, dépeinte par le WHO-AIMS (2) en 2015, met au jour un système qui reste majoritairement cantonné aux trois plus grands hôpitaux psychiatriques (88 % des lits psychiatriques), avec des soins chroniques (moyenne de séjour par personne : 214 jours), plus 8 services de psychiatrie dans les hôpitaux généraux.

Les soins psychiatriques n’étant pas pris en charge que très partiellement par les assurances privées, les mutuelles et la caisse de sécurité sociale, le ministère de la Santé Publique a depuis toujours couvert, pour ceux qui n’ont aucune couverture, le coût des hospitalisations dans les hôpitaux psychiatriques et celui des psychotropes de nouvelles générations.

C’est le contexte général dans lequel le ministère a lancé en collaboration avec l’Organisation Mondiale de la Santé, UNICEF et International Medical Corps, le premier programme de santé mentale, en Mai 2014, avec le double objectif de coordonner le travail de 62 organisations nationales et internationales impliquées dans la prestation de service de santé mentale et de soutien psychosocial (MHPSS) pour les personnes affectées par la crise Syrienne, et d’entreprendre la reforme du système de santé mentale au Liban.

En Mai 2015, la première stratégie nationale de santé mentale (3) est créée, après un an de consultations, trois réunions nationales et un consensus général. Unique dans son genre, cette stratégie est inclusive de tous. Elle constitue un document politique et technique visant à réorganiser les services, en les dirigeant vers les soins basés dans la communauté, à faire passer les lois nécessaires pour la protection des droits humains des personnes ayant un trouble psychiatrique, à promouvoir la santé mentale et prévenir les troubles et le suicide, à construire un système d’information et diriger la recherche vers le développement des services. Une attention spéciale est donnée à des groupes identifiés de part leur situation comme vulnérables, y compris les personnes dans les prisons, les survivants de la torture, et les réfugiés.

Le but étant, pour les Libanais comme pour tous les autres, de pouvoir accéder a des soins de santé mentale de qualité dans les centres de soins primaires, à travers l’intégration de la santé mentale dans les soins primaires, et de pouvoir consulter un spécialiste si besoin près de chez eux, sans stigma ni discrimination, à travers un système de référence qui est en train d’être mis en place, visant à lier tous les acteurs de santé mentale dans le pays.

Beaucoup reste à faire. Mais contre toute attente, une lueur d’espoir surgit pour la santé mentale au Liban qui, encore une fois, témoigne de son énergie de vie.

(*) Directeur du programme national de santé mentale, Ministère de la Santé publique

(**) Faculté de médecine, université Saint-Joseph, service de psychiatrie, Hotel-Dieu de France

(***) Directeur général, ministère de la Santé Publique

(1) UNHCR website: http://data.unhcr.org/syrianrefugees/country.php?id=122

(2) WHO AIMS: est un instrument développé par l’Organisation Mondiale de la Santé visant a donner une vision globale du système de santé mentale dans un pays a commencer par les lois ; le budget ; en passant par les ressources humaines ; l’enseignement, pour arriver aux services disponibles comme hôpitaux psychiatriques, services psychiatriques, hôpitaux de jour, cliniques etc. le dernier fait pour le Liban est en 2015, en presse par l’OMS. Disponible sur demande.

(3) http://www.moph.gov.lb/AboutUs/strategicplans/Pages/MentalHealthStrateg…

Dr Rabih El Chammay (*,**) ; Sami Richa (**) ; Walid Ammar (***)

Source : Bilan spécialiste