Ces vingt dernières années, la rhumatologie a vu l’arsenal thérapeutique disponible contre la spondylarthrite ankylosante (SPA) et la polyarthrite rhumatoïde (PR) s’étoffer de façon importante. « Entre 2000 et 2020 sont arrivés des médicaments tels que les anti-TNF puis les anti-JAK, qui ont beaucoup fait parler d’eux et changé la donne », rappelle le Pr Tristan Pascart, chef du service de Rhumatologie de l’Hôpital Saint-Philibert Lomme (Lille). Si bien que nombre de grandes révolutions ont été annoncées dans ce domaine au cours des précédents congrès de rhumatologique.
Désormais, cet essor semble se tasser : aucune nouvelle découverte physiopathologique majeure n’émerge, ni aucune nouvelle classe thérapeutique particulièrement révolutionnaire. La recherche se cantonne à perfectionner des protocoles de traitement, ce dont témoigne l’ACR 2024. « N’ont été présentés au congrès que des travaux représentatifs de cette tendance », résume le Pr Pascart, citant pour exemple, l’essai de phase 3 AMPLIFIED comparant l’abatacept à l’adalimumab dans le traitement précoce de la polyarthrite rhumatoïde – avec des résultats d’efficacité comparables (1).
Chrondrocalcinose et pseudopolyarthrite rhizomélique à l’honneur
A contrario, des rhumatismes plus fréquents, en particulier chez les sujets âgés, ont suscité d’avantage d’échanges rapporte le Pr Pascart, pour qui « cet ACR 2024 témoigne d’un regain d’intérêt pour les rhumatismes ordinaires ».
À commencer par la chondrocalcinose. « Alors qu’aucune AMM n’est actuellement disponible dans cette maladie, nous avons présenté, avec des confrères parisiens de l’hôpital de Lariboisière (AP-HP), une série de cas d’une cinquantaine d’individus traités par tocilizumab, initialement commercialisé dans la PR », se félicite le Pr Pascart, rapportant des résultats plutôt positifs, « y compris chez les patients présentant une chondrocalcinose extrêmement réfractaire » (2). Suite à ces résultats, un projet de recherche clinique devrait être lancé en France pour confirmer l’intérêt de ce médicament dans la chondrocalcinose chronique en 2025.
Autre rhumatisme fréquent qui a fait parler de lui : la pseudopolyarthrite rhizomélique. « Une équipe brestoise a présenté une petite étude pilote sur l’utilisation d’inhibiteurs de JAK sans corticoïdes dans cette pathologie, ce qui pourrait amener des progrès dans la prise en charge de cette maladie pour lequel l’arsenal thérapeutique demeure pauvre », indique le rhumatologue. Dans ce petit essai réalisé auprès de 34 individus, le critère d’évaluation principal (DAS-PPR CRP<10 sans sauvetage par glucocorticoïdes par voie orale) a été atteint à la semaine 12 par 14/18 (77,8 %) des patients sous baricitinib versus 2/16 (13,3 %) dans le groupe placebo (3).
Les inhibiteurs de JAK ont également fait une percée dans la maladie de Horton, comme en témoigne l’essai de phase 3 SELECT-GCA décrivant de bons résultats (meilleur taux de rémission des symptômes, moindre utilisation de corticoïdes) avec l’upadacitinib présentée en séance plénière (4).
Ces résultats obtenus avec les inhibiteurs de JAK ont toutefois de quoi interroger. Du fait des effets indésirables cardiovasculaires de ces médicaments, des précautions d’emploi ont été formulées en cas d’utilisation prolongée chez les personnes de plus de 65 ans, classe d’âge particulièrement touchée par ces rhumatismes. Aussi, la classe thérapeutique est classiquement plutôt utilisée en deuxième ligne. Néanmoins, « dans la maladie de Horton ou la pseudo-polyarthrite rhizomélique, peu d’options sont disponibles en dehors des corticoïdes – associés à un profil d’effets indésirables également peu favorable à long terme », nuance le Pr Pascart. Et dans ces deux pathologies, les inhibiteurs de JAK devraient plutôt être utilisés en traitements courts, « limitant largement (les risques potentiels) malgré l’âge des patients », ajoute-t-il.
Le renouveau de la recherche sur l’arthrose
La recherche de traitements de l’arthrose semble aussi en pleine explosion – avec un nombre important de candidats intéressants dans les pipelines. Comme le rapporte le Pr Pascart, ont été présentés à cet ACR « beaucoup d’essais réalisés avec des molécules censées interférer avec la dégradation du cartilage ou sa régénération ».
Les sujets plus jeunes ne sont pas laissés pour compte. Pour le syndrome de Gougerot-Sjögren, lui aussi fréquent bien qu’encore sous-diagnostiqué, des traitements notamment biologiques tels que les anti-CD40 suscitent de nouveaux espoirs. « Des médicaments ont enfin l’air de réellement bien fonctionner dans cette maladie », affirme le rhumatologue.
Citons enfin de nouvelles perspectives dans la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte – encore difficile à traiter –, un tout nouveau traitement, l’emapalumab, présenté au congrès ayant été essayé en phase 3 avec des résultats positifs dans cette indication (5).
(1) Michael Weinblatt, Paul Emery et al. Subcutaneous Abatacept vs Adalimumab Head-to-Head Comparison in Adults with Early, Dual Seropositive Rheumatoid Arthritis, Positive for the Shared Epitope HLA Class II Risk Alleles, and an Inadequate Response to Methotrexate: Results from a Phase 3 Trial. Abstract Number: 2671
(2) Sophie Carrabin, Margaux Houze et al. Efficacy and Safety of Tocilizumab in the Treatment of Chronic Inflammatory Forms of CPPD: Retrospective Study of 55 Cases. Abstract Number: 2562
(3) Alain Saraux, Guillermo Carvajal Alegria et al. Baricitinib in Early Polymyalgia Rheumatica (BACHELOR Study). Abstract Number: 0858
(4) Peter Merkel, Sara Penn et al. Efficacy and Safety of Upadacitinib in Patients with Giant Cell Arteritis (SELECT-GCA): A Double-Blind, Randomized Controlled Phase 3 Trial. Abstract Number: 0770
(5) Alexei Grom, Uwe Ullman et al. Efficacy and Safety of Emapalumab in Children and Adults with Macrophage Activation Syndrome (MAS) in Still’s Disease: Results from a Phase 3 Study and a Pooled Analysis of Two Prospective Trials. Abstract Number: L19
Lupus : un panel de 12 protéines urinaires pour évaluer l’atteinte rénale
Pourra-t-on bientôt se passer de la biopsie pour l'évaluation de l'atteinte rénale dans le lupus ? C’est en tout cas ce que laisse espérer un travail portant sur 225 patients lupiques ayant eu une biopsie rénale permettant une classification des atteintes rénales. Ces patients ont bénéficié par ailleurs d’analyses protéomiques des urines lors de l’inclusion puis sous traitement à M3, M6 et M12 . Une analyse des 1200 protéines urinaires par marchine learning a identifié un panel de 12 protéines associée à l’activité de la maladie évaluée par histologie. Ce panel de 12 protéines a une performance diagnostique et de réponse thérapeutique supérieure aux marqueurs biologiques utilisés actuellement (protéinurie, taux des Ac anti-DNA, complément…) avec une spécificité de 90%. Les performances pour identifier une activité rénale ≥ 2 dans la classification internationale sont : sensibilité 81%, spécificité 90%, VPP 87%, VPN 86% et précision de 86%. Ce panel protéique peut aussi être utilisé pour le suivi thérapeutique.
(D’après Fava A et al., abstr. 1642)
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