LE QUOTIDIEN - Dans l’enquête sur les effets indésirables du tétrazépam** de 2012, cette benzodiazépine n’est pas la seule à présenter des effets secondaires graves, cutanés ou non. Pourquoi est-ce la seule à être suspendue ?
Drs PERIN-DUREAU ET GHEO - Le tétrazépam (Myolastan) est la seule benzodiazépine à avoir eu une indication « décontracturant musculaire », la seule à donner des atteintes cutanées graves et imprévisibles. Ce tropisme cutané n’est pas décrit avec les autres molécules de la classe (alprazolam, bromazépam, lorazépam, oxazépam, diazépam). Il n’a par ailleurs jamais été montré que le tétrazépam entraînait des soulagements et des reprises d’activité professionnelle, plus précoces. La balance bénéfice/risque était donc devenue très défavorable. Mais, de toute façon, on ne peut pas comparer ses effets secondaires à ceux des autres benzodiazépines qui ont des indications tout à fait différentes, psychiatriques et neurologiques. Notre travail a été de comprendre pourquoi le tétrazépam a été responsable d’effets cutanés graves tels que le syndrome de Lyell, le syndrome de Stevens-Johsnon et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (Dress).
Comment l’expliquez-vous ?
Ils s’expliquent par une petite variante moléculaire qui n’est pas particulièrement en lien avec son effet myorelaxant plus prononcé, mais qui du fait d’une interaction particulière myologique, pourrait expliquer les atteintes cutanées. Il y a un vrai rationnel chimique, moléculaire. Il faut préciser également que même si le tétrazépam était la seule benzodiazépine dont la durée de prescription n’était pas limitée, les résultats de l’enquête ont montré que la durée moyenne de prescription a été d’une quinzaine de jours.
Les 5 autres benzodiazépines ne sont pas exemptes d’effets secondaires, notamment le bromazépam (Lexomil) qui totalise 2830 effets indésirables dont 1 286 graves.
Les effets secondaires doivent être aussi regardés par rapport à l’exposition. Le Lexomil et le Xanax ( alprazolam) sont de loin les benzodiazépines plus prescrites, il est donc attendu que ce soit celles qui aient le plus d’effets indésirables. Dans l’indication troubles du sommeil ou troubles de l’anxiété, nous avons cependant des inquiétudes sur l’utilisation de ces molécules en France qui sont mentionnées dans le rapport "benzodiazépine" qu’a publié l’Afsapps en janvier 2012 et qui seront rappelés dans un autre que publiera l’Ansm en septembre 2013. Elles justifient les différents plans d’action de la Haute Autorité de santé, de la Sécurité sociale et les différentes mesures de limitations de prescriptions à venir chez les sujets âgés comme chez les sujets plus jeunes.
Le Myolastan a eu des effets secondaires qui apparaissaient de façon imprévisible, non contrôlable, et malgré des prescriptions bien conduites. Des mesures de bonnes pratiques n’auraient pas suffi à limiter ses effets secondaires. En revanche, le rapport bénéfice/risque d’une benzodiazépine bien prescrite, à posologie correcte, pour durée courte, avec un arrêt rapide, sans associations médicamenteuses négatives, est plus favorable.
Cela signifie-t-il que vous allez encadrer leurs prescriptions ?
A l’automne prochain, un plan d’action destiné à limiter le mésusage des benzodiazépines dans leurs indications neurologiques et psychiatriques, va être mis en place. Ces mesures s’inspirent de celles prises pour les formes orales de clonazépam (Rivotril), qui nous ont valu une levée de boucliers. Rappelons que depuis le 2 janvier 2012, elles limitent sa prescription sur une ordonnance sécurisée initiée par un neurologue ou un pédiatre. Elles s’inscrivent dans les missions de l’Ansm mentionnées au Code santé publique...
*Etats des lieux de la consommation des benzodiazépines en France janvier 2012. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)
**Enquête sur les effets indésirables du tétrazépam. Commission nationale de pharmacovigilance,20 novembre 2012.
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