La crise de goutte est une inflammation très aiguë, de début brutal spontanément résolutive même sans traitement, qui touche en général une articulation, tout particulièrement au niveau du pied, typiquement la métatarsophalangienne d’un gros orteil. Mais elle peut siéger aussi sur une gaine synoviale, un tendon, une autre articulation ou un tophus.
Les questions à se poser
Les facteurs déclenchants :
L’inflammation serait déclenchée par la chute de cristaux d’urate de sodium déposés sur la surface du cartilage, dans le liquide articulaire.
Plusieurs facteurs déclenchants sont reconnus :
- l’introduction d’un traitement hypo-uricémiant car la dissolution partielle des dépôts les fragilise ;
- les excès alimentaires, notamment la consommation de champagne et de vin blanc, les traumatismes, les infections ou une chirurgie intercurrente.
Les éléments du diagnostic
- Localisation caractéristique de l’accès ;
- caractère brutal des signes qui atteignent leur maximum en moins de 24 heures ;
- importance des signes locaux d’inflammation : gonflement, chaleur, rougeur ;
- retour de l’articulation à l’état antérieur après la crise ;
- terrain : homme d’âge mûr, avec surpoids et facteurs de risque cardiovasculaire. Il n’y a pas de goutte chez la femme jeune, en dehors de l’anorexie mentale avec prise de diurétiques et des maladies rénales ;
- diagnostics différentiels : bursite sur hallux valgus, sésamoïdite, crise aiguë à cristaux calciques, rhumatisme psoriasique.
Ce qu'il faut faire
Le traitement doit être débuté le plus tôt possible. Il fait en général appel à la colchicine, dont le schéma posologique a évolué : 1 mg puis 0,5 mg une heure après, suivis le lendemain de 1 ou 2 mg en deux prises espacées de quelques heures, selon l’importance de l’inflammation. Ce schéma de traitement ne peut pas être utilisé en cas d’insuffisance rénale, d’intolérance avérée (diarrhée) ou de la prise de certains autres médicaments, comme les macrolides, la pyostacine et les inhibiteurs de la calcineurine.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont peu utilisés du fait de leur toxicité rénale et cardiovasculaire chez ces patients à risque.
La prednisone à la posologie de 30 mg par jour pendant la durée de l’accès est une alternative utilisée chez l’insuffisant rénal. En cas de diabète instable, un traitement par anti-IL1 peut être instauré en milieu hospitalier.
Le patient doit être incité à modifier son mode de vie : perte de poids, éviction des facteurs déclenchants (alcool) et apprentissage de la gestion des crises.
Afin de dissoudre les dépôts chroniques de cristaux dans les articulations, un traitement hypo-uricémiant au long cours est instauré. La mise en œuvre de ce traitement reste insuffisante en France alors que la baisse de l’uricémie permet de faire disparaître les symptômes de la maladie : un hypo-uricémiant est indiqué chez tout patient ayant un diagnostic certain de goutte.
La cible du traitement hypo-uricémiant est une uricémie inférieure à 300 μmol/L chez tous les patients goutteux. Le choix du médicament de première intention dépend de la fonction rénale : si le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) est supérieur à 60 ml/min/1,73 m2, l’allopurinol est indiqué en première intention ; en cas de DFGe de 30 à 60 ml/min/1,73 m2, l’utilisation de l’allopurinol doit être prudente et le fébuxostat est une alternative ; en cas de DFGe inférieur à 30 ml/min/1,73 m2, il faut éviter l’allopurinol et préférer le fébuxostat.
Une augmentation progressive de l'hypo-uricémiant et l’adjonction de colchicine à faible dose pendant au moins six mois sont indiquées pour prévenir des crises de goutte induites par l’initiation du traitement hypo-uricémiant.
Les facteurs de risque et maladies cardiovasculaires, le syndrome métabolique et l’insuffisance rénale chronique sont à dépister et à prendre en charge.
Ce qu'il faut retenir
- Le traitement par la colchicine est d’autant plus efficace qu’il est débuté tôt.
- Pour permettre d’instaurer le bon traitement le plus tôt possible après le début de la crise, il faut remettre une ordonnance au patient pour qu’il puisse s’automédiquer.
- Le traitement de la crise ne guérit pas la goutte. Seul un traitement réduisant l’hyperuricémie et permettant la disparition des cristaux pathogènes peut guérir la goutte.
- L’uricémie est souvent élevée, mais elle peut être normale au moment de la crise. Un nouveau dosage doit donc être effectué 15 jours après la crise.
- L’éducation du patient est d’une importance primordiale pour améliorer l’adhérence au long cours des patients au traitement hypo-uricémiant.
D’après un entretien avec le Pr Thomas Bardin, hôpital Lariboisière, Paris
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