Le vieillissement est associé aux altérations tissulaires et fonctionnelles des organes à l’origine de maladies chroniques. Dans les modèles pré-cliniques, le vieillissement varie selon les organes avec un profil évolutif et une susceptibilité différente à l’apparition des maladies. Une étude publiée dans la revue Nature a cherché à savoir si ce constat se vérifiait aussi chez l’Homme.
Dans ce travail, les auteurs ont mesuré les profils de 4 979 protéines chez 5 676 personnes de 5 cohortes différentes et les ont utilisés pour construire un logiciel permettant de prédire le vieillissement, ou plus exactement estimer l’âge biologique des organes en fonction des profils protéiques.
Les protéines étaient considérées comme enrichies et spécifiques d’un organe lorsque l’expression de leur ARN messager dans cet organe était 4 fois plus importante par rapport aux autres organes. Après confirmation par deux modèles d’analyse différents et dans plusieurs bases de données et cohortes, 856 protéines étaient spécifiquement enrichies dans différents organes. Ces différentes protéines représentaient de « façon spécifique » les différents organes étudiés.
Les auteurs ont limité leur modèle d’analyse de vieillissement à 11 organes différents : tissu adipeux, cœur, cerveau, rein, poumon, foie, vaisseau, intestin, pancréas, muscle et le système immunitaire. Ils ont aussi modélisé un profil protéomique de vieillissement global de l’organisme.
Des profils protéomiques témoins de l’âge biologique des organes
Pour chaque individu, le logiciel estimait un « fossé d’âge » ou « age gap », c’est-à-dire une mesure de la différence entre l’âge biologique de l’individu par rapport aux personnes de même âge à partir de son profil protéomique.
Le « fossé d’âge » était corrélé aux maladies liées au vieillissement et à un risque plus élevé de mortalité. Leur modèle informatique a permis d’estimer l’âge biologique des 11 différents organes et l’organisme entier dans les 5 cohortes. De façon intéressante, le modèle a confirmé, chez l’Homme, que pour un même fossé d’âge global chaque individu avait un profil protéomique de vieillissement d’organe différent, i.e. l’organe « vieillissant » n’était pas forcément identique. Chez un même individu, Il n’y avait pas ou peu de corrélation de vieillissement entre les différents organes. 18.4 % de la population étudiée avaient un profil de vieillissement extrême touchant un seul organe et seulement 1.7 % avaient un profil extrême de vieillissement touchant plusieurs organes.
Les auteurs ont ensuite évalué si les profils protéomiques reflétant l’âge biologique des organes étaient associés à 9 maladies liées au vieillissement. Ainsi, l’âge biologique des reins était significativement corrélé aux maladies métaboliques (hypertension, diabète, dyslipidémie, obésité), celui du cœur aux maladies cardiaques (fibrillation auriculaire, maladies coronariennes), celui du cerveau aux maladies cérébrovasculaires, celui des muscles aux troubles de la marche et celui de l’organisme entier à la maladie d’Alzheimer. Les individus avec une hypertension artérielle avaient un âge biologique rénal d’une année supérieure à celui des individus de même âge sans hypertension. Et ceux qui avaient un diabète présentaient un âge biologique rénal de 1.3 années supérieur. Certaines maladies comme la maladie d’Alzheimer et les pathologies coronariennes étaient associées au vieillissement de tous les organes alors que d’autres n’étaient associées qu’à un seul organe.
Les anomalies protéiques, marqueurs pronostiques de plusieurs maladies chroniques
De façon intéressante, les auteurs ont réussi à mettre en place un logiciel informatique permettant d’estimer le risque d’apparition des 9 maladies étudiées en fonction des profils protéomiques des 11 organes. Par exemple, pour un individu sans maladie ni anomalie protéique à l’état basal, le risque de développer une insuffisance cardiaque était de 23 % pour chaque année d’âge biologique du cœur. Plus encore, le fossé d’âge de 10 organes sur 11 était associé à un risque accru de mortalité globale avec un risque augmenté de 15-20 % pour chaque augmentation de fossé d’âge. Pour le cerveau, des modèles informatiques ont permis d’identifier les profils protéomiques associés au déclin cognitif et l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Les modèles mis en place étaient aussi performants que les outils actuellement utilisés comme l’imagerie par résonance magnétique, les études fonctionnelles par IRM, le taux de protéine Tau dans le liquide céphalo-rachidien ou encore des études biochimiques et moléculaires sur le taux de méthylation des ADN.
L’identification de ces profils protéomiques donne des nouvelles pistes de recherche sur les mécanismes physiopathologiques et potentiellement la mise en place de traitements préventifs, en corrigeant les anomalies protéiques observées.
*Se-Hwee Oh H et al. Organ aging signatures in the plasma proteome tract health and disease. Nature 2023 ;624 :164-72.
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