Cas clinique

Et si ce n’était pas une polyarthrite rhumatoïde ?

Publié le 27/09/2021

Un homme de 76 ans est hospitalisé pour des polyarthralgies évoluant depuis un mois, pouvant laisser penser à une polyarthrite rhumatoïde. Mais le scanner met en évidence une masse tumorale au niveau rénal…

Scanner abdominal non injecté

Scanner abdominal non injecté
Crédit photo : DR

Le patient a comme antécédents un diabète de type 2 et une hypertension artérielle bien équilibrée sous bithérapie. Il s’agit d’un ancien fumeur (10 paquets-année) sevré depuis 40 ans, dont la consommation en alcool est d’un verre de vin par jour.

Il se plaint de polyarthralgies d’horaire inflammatoire et d’une asthénie sans perte de poids. L’examen clinique est normal, sans synovite. 

Présence d’un carcinome rénal

D’après les examens réalisés, on observe : CRP 280 mg/l, polynucléaires neutrophiles (PNN) 13,4 g/l, fibrinogène activé 6,65 g/l, bilan infectieux négatif (Hémocultures, ECBU). La recherche du facteur rhumatoïde (FR), des anticorps anti-peptides citrullinés (anti-CCP ou ACPA), des facteurs antinucléaires (FAN) et des anticorps anti-cytoplasme des PNN (ANCA) est négative. Les radiographies des mains et des pieds sont normales.

Dans ce contexte de syndrome inflammatoire marqué sans orientation diagnostique, un scanner thoraco-abdomino-pelvien est réalisé. Celui-ci met en évidence une masse rénale droite de rehaussement hétérogène après injection de produit de contraste. La biopsie conclut à un carcinome rénal à cellules claires, orientant le diagnostic vers une polyarthrite paranéoplasique.

cas clinique Fig 2
Scanner injecté au temps portal

Savoir différencier une polyarthrite paranéoplasique 

Même si les tableaux cliniques de la polyarthrite rhumatoïde (PR) et de la polyarthrite paranéoplasique se ressemblent, ils ont chacun leurs spécificités.

- On peut notamment s’aider des caractéristiques démographiques des patients (plutôt âgés et avec des comorbidités), ainsi que de la présence de signes généraux (asthénie, altération de l’état général, amaigrissement), pour évoquer un syndrome paranéoplasique.

- La polyarthrite est plus volontiers asymétrique et souvent accompagnée d’une inflammation systémique marquée. La présence d’une myosite ou d’un hippocratisme digital doit aussi évoquer un syndrome paranéoplasique [1].

- Les érosions articulaires sont très inconstantes mais on peut s’attacher à rechercher des signes de périostite très évocateurs de néoplasie sous-jacente. Le bilan auto-immun est quant à lui souvent pauvre. Ainsi, sur 121 patients atteints de polyarthrite paranéoplasique, la prévalence des ACPA était de 11 % et celle du FR de 28 % [2].

- Les tumeurs solides sont les plus fréquentes, retrouvées dans 77 % des cas (avec plus de la moitié de cancer bronchique) suivies des hémopathies (23 %) [3].

- Sur le plan thérapeutique, l’efficacité de la corticothérapie est inconstante. En revanche, le traitement de la tumeur permet d’atteindre la rémission pour 84 % des patients. 

Plusieurs mécanismes physiopathologiques semblent impliqués dans la genèse de cette maladie. Certaines équipes évoquent une participation de l’environnement pro inflammatoire via les cytokines tumorales et les complexes immuns circulants [4]. D’autres suspectent une réaction croisée avec les lymphocytes CD4 antitumoraux [5].

Ainsi, cette pathologie est un diagnostic différentiel rare de la PR mais à savoir évoquer, ce d’autant plus que le délai moyen entre l’apparition des premiers symptômes articulaires et le diagnostic de néoplasie est de 5,7 mois.

cas clinique Fig 3

[1] Georges Jean-Baptiste et Serge Arfi, Diagnostic d’une polyarthrite récente du sujet âgé, Revue du Rhumatisme 71, no 6 (juin 2004): 468‑74, https://doi.org/10.1016/j.rhum.2004.01.009.
[2] Bernhard Manger et Georg Schett, Paraneoplastic Syndromes in Rheumatology, Nature Reviews Rheumatology 10, n°11 (novembre 2014): 662‑70, https://doi.org/10.1038/nrrheum.2014.138.
[3] V Deschamps et al., « Les polyarthrites paranéoplasiques : étude prospective de 27 cas. », Rev Rhum. 2003;70: 886–7., s. d., 15.
[4] Jochanan E Naschitz et al., Rheumatic Syndromes: Clues to Occult Neoplasia, s. d., 13.
[5] Konstantinos Parperis, Anastasia Constantinidou, et George Panos, Paraneoplastic Arthritides: Insights to Pathogenesis, Diagnostic Approach, and Treatment, JCR: Journal of Clinical Rheumatology Publish Ahead of Print (15 novembre 2019), https://doi.org/10.1097/RHU.0000000000001202.

Romain Coralli

Source : lequotidiendumedecin.fr