Inhibiteurs de l’aromatase et perte osseuse

Publié le 02/12/2013
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Dans les études initiales ayant montré l’efficacité de l’anastrozole dans cette population de patientes, le bras témoin était le tamoxifène et l’évaluation précise de l’impact de ce traitement sur l’os était donc difficile. R Eastell et coll ( abstract LB-M032 ) ont rapporté les résultats de l’inhibition de l’aromastase par l’anastrozole sur la densité osseuse et le turnover osseux évalués dans un sous-groupe de l’étude internationale randomisée , contrôlée versus placebo IBIS-II menée chez des femmes ménopausées (40-70 ans) à risque augmenté de cancer du sein. Chez 289 femmes ayant une DMO initiale normale, une augmentation médiane de 20 % du taux de NTX / Créatinine après un an de traitement était observée avec l’anastrozole tandis qu’une diminution de 7 % était notée avec le placebo, la différence étant significative (p inférieur à 0,0001) ; Le taux annuel médian de perte osseuse était plus important à la hanche totale (-1,3 % vs -0,4 %) et au rachis lombaire (-1,3 % vs -0,2 %) chez les femmes recevant l’anastrozole versus le placebo (p inférieur à 0,0001). Le taux initial de NTX / Créatinine et les modifications de ce marqueur de résorption à un an n’étaient pas corrélés au taux de perte osseuse.
La prévention de la perte osseuse a été surtout étudiée dans de larges études randomisées menées avec l’acide zolédronique. Quelques études ont été effectuées avec les bisphosphonates oraux. S Greenspan et coll ( abstract 1 050) ont effectué une étude randomisée, double-aveugle versus placebo (étude REBeCCA II) pendant 2 ans pour analyser l’effet d’un traitement par risédronate pour prévenir la perte osseuse chez 109 patientes d’âge moyen 64,2 ans ayant une masse osseuse basse (non ostéoporotiques, T-score entre -1 et -2,5) et recevant soit anatrozole (77 %), létrozole (15 %) ou exémestane (8 %). Toutes ont reçu également du calcium et de la vitamine D. Une augmentation significative de la DMO au rachis lombaire, à la hanche totale et au col fémoral a été observée lors de la prise de risédronate par rapport au placebo à 12 et 24 mois, avec une différence à 24 mois entre les 2 groupes de 3,9 % au rachis, 3,2 % à la hanche totale et 2,6 % au col fémoral. Le risédronate peut donc être utile pour maintenir ou augmenter la masse osseuse dans cette population de patientes, mais il n’y a pas de données antifracturaires dans cette étude ayant par ailleurs inclus un nombre peu élevé de patientes.
En se basant sur les dernières recommandations, JJ Body a proposé les mesures suivantes chez les femmes ménopausées recevant un traitement par inhibiteur de l’aromatase : mesure de la DMO par DXA et évaluation des facteurs de risque cliniques avec calcul de l’indice FRAX, bilan biologique (calcémie, parathormonémie, 25 hydroxyvitamine D) ; dans tous les cas : corrections des carences en calcium et vitamine D, activité physique ; un traitement par inhibiteur de résorption étant à considérer d’une part en cas d’antécédent de fracture par fragilité ou un âge supérieur ou égal à 75 ans, d’autre part en cas de T-score inférieur à -2,5 ou un risque évalué à 10 ans par FRAX supérieur ou égal à  3 % pour la fracture de hanche et supérieur à 20 % pour les fractures majeures, et enfin en cas de T-score inférieur à -1,5 et 1 ou 2 facteurs de risque cliniques. Pour les femmes non ménopausées ayant une suppression ovarienne un tel traitement pourrait être proposé, en plus des mesures générales, en cas de T-score inférieur à -1 ou d’antécédent de fracture. Il faut souligner que l’indice FRAX n’a pas été évalué dans ces populations, qu’en France les seuils ne sont pas déterminés de la même façon et ces recommandations devront être discutées pour une application aux patientes prises en charge dans notre pays, comme cela devrait être fait prochainement.
Dr Françoise Debiais, CHU de Poitiers

Source : lequotidiendumedecin.fr