Le traitement hypo-uricémiant de référence au cours de la goutte est l’allopurinol. Prescrit selon une stratégie à la cible et sans limitation de dose, il permet d’obtenir une uricémie inférieure à 360 µmol/l chez plus de 95 % des patients (2). Dans l’étude de Doherty et collaborateurs, la dose moyenne de l’allopurinol pour obtenir l’uricémie cible était de 460 mg/jour. Le principal risque de l’allopurinol est l’allergie grave. Il serait augmenté par des fortes doses d’allopurinol chez des patients avec une maladie rénale chronique (MRC). En Europe et en France, l’agence européenne des médicaments et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) préconisent une dose maximale de l’allopurinol à 200 mg/jour, dès que la clairance de la créatinine est inférieure à 80 ml/min/1,73m². En revanche, l’agence américaine des médicaments (FDA) et celle de la Nouvelle-Zélande limitent la dose maximale de l’allopurinol uniquement lorsque la clairance est inférieure à 15 ou 30 ml/min/1,73m², respectivement. En effet, des données récentes suggèrent que les deux principaux facteurs de risque d’allergie sont la présence de l’antigène HLAB5801, et la dose initiale de l’allopurinol par rapport à la clairance de la créatinine. Par ailleurs, la FDA recommande de ne pas utiliser le febuxostat chez les patients goutteux ayant de lourds antécédents cardiovasculaires.
Un tiers de patients avec une maladie rénale chronique de stade 3
L’objectif de l’étude était de démontrer la non-infériorité de l’allopurinol par rapport au fébuxostat. Cet essai multicentrique, en double aveugle, a inclus 950 patients avec une goutte non équilibrée, définie par une uricémie supérieure à 360 µmol/l (1). Un tiers au moins des patients inclus devaient avoir une MRC stade 3. L’étude était divisée en trois phases : adaptation des doses (24 semaines), maintenance du traitement (S25 à S48) et observation (S49 à S72). Le critère principal était la proportion de patients ayant une crise, ou plus, au cours de la troisième phase. Les traitements hypouricémiant étaient adaptés toutes les trois semaines, jusqu’à obtention de l’uricémie cible (< 360 µmol/l), avec une dose maximale de l’allopurinol à 800 mg/jour et du fébuxostat à 120 mg/jour. Au cours de l’étude, la dose maximale du fébuxostat a été diminuée à 80 mg/jour après l’alerte de la FDA sur les risques cardiovasculaires.
Environ 80 % d’uricémie à la cible dans les deux groupes
Au final, 749 participants ont terminé l’étude et 36,5 % des patients traités par allopurinol (n = 370) ont eu au moins une crise pendant la troisième phase (observation) contre 43,5 % des sujets sous fébuxostat (n = 379). Les patients sous allopurinol faisaient moins de crises que ceux sous fébuxostat, avec une uricémie moyenne finale équivalente (312 µmol/l). De plus, 81,1 % des sujets sous allopurinol avaient une uricémie à la cible (< 360 µmol/l) contre 78,4 % dans le bras fébuxostat. La dose médiane de l’allopurinol était de 400 mg/jour et celle du fébuxostat de 40 mg/jour. Dans le sous-groupe avec MRC de stade 3, l’allopurinol n’était pas inférieur au fébuxostat : 31,9 % (44/138) des patients sous allopurinol avaient eu au moins une crise dans la troisième phase contre 45,3 % (63/139) de ceux sous fébuxostat. Dans ce sous-groupe, 78,8 % des patients sous allopurinol avaient une uricémie inférieure à 360 µmol/l contre 81,3 % de ceux sous fébuxostat.
Une tolérance équivalente
La tolérance entre les deux groupes était identique, y compris pour les événements cardiovasculaires. Un patient du groupe allopurinol a développé une allergie cutanée grave après six semaines de traitement. L’évolution a été favorable après arrêt de l’allopurinol.
Les résultats de cette étude multicentrique montrent que l’allopurinol est aussi efficace que le fébuxostat lorsqu’il est utilisé avec une stratégie à la cible. Ils suggèrent que l’allopurinol pourrait être administré chez des patients avec une clairance de la créatinine supérieure à 30 ml/min/1,73m², sans limitation de sa dose maximale. Cependant, des études menées sur un plus grand échantillon de patients sont nécessaires, pour mieux préciser le risque allergique de l’allopurinol dans cette population.
(1) O’Dell James R et al. Comparative effectiveness of allopurinol and febuxostat in gout management NEJM Evid 2022; 1 (3)
(2) Doherty M et al. Efficacy and cost-effectiveness of nurse-led care involving education and engagement of patients and a treat-to-target urate-lowering strategy versus usual care for gout: a randomised controlled trial. Lancet 2018 ;392 :1403-1413
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