Aujourd’hui, les recommandations sont de traiter vite et fort et d’appliquer le concept « treat to target ». Mais que se passe-t-il en pratique pour les patients nouvellement diagnostiqués et suivis sur le long terme ? Comment leur maladie évolue-t-elle ?
Vers une évolution plus lente de la maladie
Pour répondre à ces questions, la Société française de rhumatologie a lancé la cohorte ESPOIR. Entre 2003 et 2005, 813 patients ayant une forte probabilité de PR précoce (moins de six mois) et naïfs de traitements de fond conventionnels synthétiques (DMARDs) ont été inclus. Les données présentées à l’EULAR (1) portaient sur 521 patients suivis pendant 10 ans. Parmi eux, 35 (4,3 %) sont décédés, une proportion équivalente à celle de la population française. Au total, 92,1 % ont reçu un DMARD pendant le suivi et 33,4 % ont reçu au moins un biologique : 13,6 % dans les deux ans suivant l’inclusion et 23,5 % dans les 5 ans. À 10 ans, le score moyen d'activité de la PR (DAS 28 VS) était de 2,5 ± 1,3.
Plus de la moitié des patients (52,4 %) étaient en rémission (DAS 28 < 2,6) et 39,7 % ont atteint une rémission selon l'index d'activité clinique de la maladie (CDAI). De plus, cette rémission était soutenue (DAS 28) pour 40,1 % des patients et sans traitement pour 14,1 %. Le handicap fonctionnel était bien contrôlé et la moitié des patients avaient un indice d’invalidité HAQ < 0,5. L’indice de qualité de vie (SF-36) était bon et la douleur maîtrisée. La progression structurale était faible. Une chirurgie articulaire a été nécessaire chez 16,5 % des patients, incluant une arthroplastie ou une arthrodèse dans seulement 6,5 % des cas. Les anticorps antiprotéines citrullinées sont un facteur pronostic de formes plus agressives de la PR.
Ainsi, par rapport aux données obtenues dans une cohorte de patients dont la PR était apparue entre 1993 et 1994, l’évolution de la maladie chez les sujets de la cohorte ESPOIR (critères structuraux, qualité de vie, recours à la chirurgie, mortalité) est lente. La prise en charge précoce est certainement un élément clé.
Moins de comorbidités et de décès au fil des ans
Une étude australienne (2), menée sur 17 125 patients, s’est intéressée à l’évolution des comorbidités et de la mortalité dans la PR entre 1980 et 2015.
Au total, la moitié des patients (52 %) sont décédés. Les principales causes de décès étaient les maladies cardiovasculaires (26,6 %), les cancers (16,8 %), les pathologies rhumatologiques (5,8 %), la démence (3 %) et le diabète (2,6 %). La plus haute prévalence de comorbidités était observée pendant la période 1991-2000, après un taux annuel moyen d’augmentation de 1,3 % depuis 1980. Le taux de mortalité à l’hôpital était aussi élevé (26,7 décès pour 1 000 séjours à l’hôpital) pendant la même période.
En revanche, après 2001, les taux de comorbidités et de mortalité diminuaient annuellement respectivement de -0,5 % et -4,8 %. Et de 2011 à 2015, la diminution annuelle était respectivement de -4,4 % et -2 %. Le taux de mortalité global chez les patients atteints de PR, après ajustement pour l’âge, était 2,5 fois (IC 95 % : 2,52-2,65) plus élevé que la population générale entre 1980-2015 et 1,5 fois (IC 95 % : 1,39-1,81) pour la période 2011-2015.
La mortalité a ainsi nettement diminué depuis les années 2000, certainement liée à une meilleure prise en charge de la PR et des comorbidités. Cependant, elle reste encore supérieure à la population générale et des efforts restent à faire…
D'après une grande étude épidémiologique française (n = 173 138), dont les données proviennent du Système national des données de santé, la prévalence de la pneumopathie interstitielle (PI) dans la PR serait de 2,5 % (3). Or, en cas de PR, la présence d’une atteinte pulmonaire chez les patients âgés de 65 à 74 ans triple le risque de mortalité par rapport à ceux sans PI. Chez les moins de 65 ans, la mortalité est cinq fois plus élevée. Ces patients doivent être traités : de récentes données de l’étude INBUILD ont confirmé l’efficacité du nintedanib chez les patients atteints de PR et de PI (4).
Tabagisme passif et pollution, nouveaux facteurs de risque ?
Le tabagisme actif est bien connu pour être un facteur de risque majeur de PR. Qu’en est-il du tabagisme passif ? Une analyse a été faite à partir des données de la cohorte française E3N-EPIC, réalisée auprès de 79 806 femmes (moyenne d’âge 49 ans ± 6,4) [5]. Parmi celles-ci, 698 PR ont été diagnostiquées en moyenne 11,7 ans (±5,8) après l’inclusion. L'exposition au tabagisme passif dans l’enfance concernait 13,5 % des femmes, à l’âge adulte 53,6 % d'entre elles, et aux deux périodes de la vie 8,25 % des cas. Le tabagisme passif dans l’enfance (défini par le fait de rester plusieurs heures par jour dans une pièce enfumée) était associé à un risque plus élevé de développer une PR (HR = 1,24 ; IC 95 % 1,01-1,51). Le tabagisme passif à l’âge adulte (exposition à la fumée au moins une heure par jour) augmentait également ce risque (HR = 1,19 ; IC 95 % 1,02-1,40). Cette tendance était encore plus forte chez les femmes qui n’avaient jamais fumé.
Quant à la pollution, une étude italienne (6) sur un suivi de 886 patients (3 396 visites) sur une période allant jusqu’à cinq ans, a montré une association significative entre certains critères de pollution (CO, NO, NO2, NOx, particules fines [PM 10, PM 2,5] et ozone) et le risque de poussée de PR, observée chez 440 patients.
(1) Combe B et al. Abst OP0181.
(2) Almutairi K et al. Abst OP0100-HPR.
(3) Juge PA et al. Abst OP0099.
(4) Kelly C et al. Abst OP0124.
(5) Nguyenet Y al. Abst OP0012.
(6) Adami G et al. Abst OP 0178.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024