Les manipulations ostéopathiques sont controversées, voire décriées dans le milieu rhumatologique. Il faut dire que les problèmes de standardisation des procédures, de validation des indications et de formation des praticiens n’encouragent pas la confiance dans ces pratiques… Pourtant, il faut bien reconnaître que certaines manipulations bien conduites dans des indications précises sont efficaces ! Lorsqu’un patient m’annonce en consultation qu’il va aller voir son ostéopathe et me demande mon avis, j’ai l’habitude de répondre de façon factuelle et transparente « à l’hôpital nous ne voyons pas les patients soulagés par leur ostéopathe, puisqu’ils vont bien, mais nous voyons les patients victimes de complications et cela ne donne pas envie, même si elles sont rares ». En effet, sciatique paralysante ou hyperalgique, complication vasculaire vertébro-basilaire ou encore fracture vertébrale sont des risques que nous connaissons, surtout chez les sujets âgés ou fragiles.
Il est donc important de savoir quoi faire et quel en est le résultat. À ce titre, l’essai publié dans JAMA Internal Medicine par l’équipe du Pr François Rannou est utile et éclairant (1). Autant, pour le lumbago, les manipulations ostéopathiques sont susceptibles de diminuer douleurs et réduction des activités d’après une méta-analyse de 2017 (2), autant pour la lombalgie chronique les données sont inconsistantes et contradictoires, de méthodologie médiocre, sans conclusion possible.
Un essai sur 400 patients lombalgiques chroniques
L’équipe de Cochin a donc abordé le sujet avec un essai monocentrique prospectif randomisé, en simple insu, à groupes parallèles (groupe traité et procédure factice). Il a été mené chez 400 participants souffrant de lombalgie évoluant depuis au moins six semaines : âge moyen de 49,8 ans, près de 60 % de femmes et plus de 90 % en activité professionnelle. La durée moyenne de l’épisode lombalgique en cours était de 7,5 mois. Six séances de 45 minutes durant 12 semaines ont été réalisées par un ostéopathe non-médecin, non-kinésithérapeute. Après une évaluation ostéopathique initiale de sept régions anatomiques pour un dysfonctionnement (colonne lombaire, racine du mésentère, diaphragme et articulations atlanto-occipitales, sacro-iliaques, temporo-mandibulaires et talo-crurales), des manipulations ostéopathiques factices ont été appliquées à toutes les zones, ou des manipulations ostéopathiques standards uniquement sur les régions considérées comme dysfonctionnelles. L’évaluation principale portait sur les limites d’activités liées à la lombalgie, mesurées à trois mois avec l’échelle d’auto-évaluation de l’incapacité de Québec (Quebec Back Pain Disability Scale).
Des bénéfices peu convaincants
Les résultats ont montré, dans les deux groupes, une évolution favorable des limites d’activités du fait de la lombalgie. Par contre, les différences de l’évolution du score de Québec entre l’inclusion et l’évaluation à 3 et 12 mois étaient significativement en faveur du groupe manipulations ostéopathiques. Cependant, les variations de faible amplitude et la courbe d’analyse de sensibilité (analyse à trois mois du pourcentage cumulé des répondeurs pour des seuils définis de variation du score de Québec) interrogent sur la pertinence clinique de cette donnée. En effet, pour une variation d’au moins 20 points du score de Québec (variation minimale pertinente), le taux de répondeurs était de 10,4 % dans le groupe manipulations ostéopathiques et de 7,6 % dans le groupe manipulations factices, différence non significative… Par ailleurs, aucune différence significative n’était observée sur les autres critères d’évaluation à 3 et à 12 mois : évolution de la douleur (intensité, nombre d’épisodes de lombalgie à 12 mois) et de la qualité de vie, nombre et durée des arrêts maladie, consommation d’antalgiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Cet essai rigoureux remet donc en question, s’il en était besoin, la pertinence des traitements ostéopathiques dans la prise en charge de la lombalgie subaiguë ou chronique.
Hôpital Lariboisière, Paris
(1) Nguyen C et al. Effect of osteopathic manipulative treatment vs sham treatment on activity limitations in patients with nonspecific subacute and chronic low back pain. A randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2021;doi : 10.1001/jamainternmed.2021.0005. Published online March 15, 2021.
(2) Paige NM et al. Association of spinal manipulative therapy with clinical benefit and harm for acute low back pain : systematic review and meta-analysis. JAMA 2017;317: 1451-60
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