Pr Paul Ornetti, CHU de Dijon

Pour des genouillères articulées sur mesure dans la gonarthrose

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Publié le 31/01/2022

Les nouvelles recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR) et de la Société française de médecine physique et de réadaptation (SOFMER), sur la prise en charge non pharmacologique de la gonarthrose, précisent la place des orthèses articulées de décharge. En effet, celles-ci ont scientifiquement prouvé leur efficacité dans certains cas, lorsque les autres mesures médico-rééducatives ne sont pas suffisantes.

Pr Paul Ornetti

Pr Paul Ornetti
Crédit photo : DR

Suite aux recommandations de prise en charge pharmacologique de la gonarthrose publiées en 2020, la SFR et la SOFMER en ont récemment établi sur les traitements non pharmacologiques. Il apparaissait nécessaire de faire le point sur les interventions non médicamenteuses, qui permettent aussi de lutter contre les craintes et les croyances des patients : peur d'aggraver la douleur par l’activité physique, chirurgie inéluctable, fatalisme, et enfin le recours à de l’automédication inefficace voire dangereuse…

Le texte rappelle en premier lieu la nécessité d’associer des mesures pharmacologiques et non pharmacologiques. « Le traitement non pharmacologique (éducation thérapeutique, activité physique) constitue le socle du traitement », souligne le Pr Paul Ornetti, rhumatologue au CHU de Dijon (Bourgogne). La prise en charge non pharmacologique de la gonarthrose doit être personnalisée, avec un suivi régulier pour favoriser l’adhésion thérapeutique. L’activité physique adaptée comportant en particulier des exercices physiques réguliers, dynamiques et globaux (en milieu aquatique ou non) doit être systématiquement proposée. De plus, une éducation thérapeutique et une stratégie de perte de poids peuvent trouver leur place si nécessaire.

Des orthèses articulées de plus en plus innovantes

« Les orthèses simples, comme les genouillères souples de protection, n’ont montré aucune preuve d’efficacité malgré une prescription large. En revanche, les orthèses de décharge articulées (orthèses dynamiques) ont fait l’objet d’études de plus en plus convaincantes dans certains types d’arthrose. C'est notamment le cas dans la gonarthrose fémoro-tibiale interne, qui est d’ailleurs la plus fréquente (deux tiers des cas) », explique le Pr Ornetti. Ainsi, dans les recommandations, en cas de douleurs prédominantes sur un compartiment fémoro-tibial, la prescription d’une orthèse articulée de décharge peut être proposée. Elle est à prescrire sur ordonnance de grand appareillage, par un spécialiste de l’appareil locomoteur.

Réalisées sur mesure, ces orthèses s’adaptent à toutes les morphologies et diminuent les pressions sur le compartiment interne, source de la douleur. Elles offrent plus de confort au patient, lui permettant de pratiquer ses activités quotidiennes et limitent le recours à des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ou antalgiques opioïdes, chez des patients avec comorbidités le plus souvent.

Une étude française multicentrique vient de confirmer l’efficacité de l’une de ces orthèses articulées, Odra. Il s'agit d'une orthèse de distraction et rotation du genou, conçue par la société française Proteor. Son mécanisme d’action est le suivant : à l’extension de la jambe, lors de la phase d’appui, l’articulation interne entraîne un allongement de l’orthèse, ce qui provoque une distraction et rotation entre le fémur et le tibia. Ce mouvement a pour effet de diminuer la pression sur le compartiment douloureux du genou. L’orthèse agit exclusivement à la mobilisation du genou. Elle doit donc être retirée lors d'un repos prolongé ou la nuit.

Orthèse Odra

Diminution de la douleur et amélioration de la qualité de vie

L’étude randomisée contrôlée en vraie vie, ERGONOMIE (1), a été conduite dans sept centres en France sur 120 patients atteints de gonarthrose fémoro-tibiale (EVA douleur au repos > 40/100) de grade II-IV (score de Kellgren et Lawrence). Elle visait à comparer l’efficacité, l’innocuité et le rapport coût-utilité de l’orthèse Odra par rapport à la prise en charge habituelle sur un an.

Par rapport aux soins habituels seuls, les résultats ont montré que le groupe de patients portant l'orthèse Odra était associé à une diminution plus importante de la douleur (différence moyenne EVA douleur : -11,8 [-21,1 à -2,5]) et significative de la consommation d’antalgiques à 12 mois. De plus, une amélioration des activités de la vie quotidienne et de la qualité de vie était constatée. L’observance était bonne avec une durée de port supérieure à cinq heures par jour, six jours sur sept en moyenne.

« Cette orthèse est prise en charge, mais son prix reste élevé. Elle se positionne en troisième intention chez des patients qui ont résisté à la rééducation et à un traitement antalgique bien conduit, ainsi qu'en cas de contre-indication aux AINS ou à une prothèse totale », déclare le Pr Ornetti. Par contre, elle est contre-indiquée en cas d’insuffisance veineuse sévère des membres inférieurs, d’antécédents de thrombose veineuse profonde et de problèmes cutanés au niveau du genou entraînant un risque de fragilisation de la peau en regard.

(1) Gueugnon M et al. Effectiveness, safety and cost-utility of a knee brace in medical knee osteoarthritis : the ERGONOMIE randomized controlled trial. Osteoarthritis and Cartilage, avril 2021

Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr