L’expression d’une pathologie chez une personne âgée, fragile, peut être différente de celle d’un adulte plus jeune, sans comorbidité. « L’organe qui a le moins de réserve va exprimer le symptôme : en cas de pathologie articulaire, si le patient avait déjà du mal à marcher auparavant, cela va favoriser des chutes », donne comme exemple le Pr Hubert Blain, gériatre au CHU de Montpellier. S’il était dénutri, il va encore moins s’alimenter. « Et s’il avait déjà des troubles cognitifs, la douleur peut être à l’origine de troubles du comportement : confusion, somnolence, etc. Comme un patient confus ne peut montrer spontanément l’articulation en cause, c’est au médecin, lors de son examen, de passer en revue toutes les articulations, tout comme rechercher un globe urinaire ou un fécalome », estime le Dr Bernard Verlhac, rhumatologue à Paris.
Rechercher une fragilité
« Le rhumatologue peut être dérouté par la perte d’autonomie ou la polypathologie de certains patients âgés, alors que le gériatre y est habitué », indique le Dr Verlhac. Une autre raison de collaborer est la recherche d’une fragilité. « Les cinq symptômes d’alerte sont une fatigue, une perte de poids, une perte de la force musculaire, une baisse de l’activité physique et une diminution de la vitesse de marche. Cela marque un tournant car ces symptômes indiquent le risque d’entrée dans la dépendance, nécessitant un bilan gériatrique pour trouver diverses causes telles que l’insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique. Le risque de présenter un effet indésirable aux médicaments à visée rhumatologique est d’autant accru », alerte le Pr Blain. D’autres faits peuvent encore alerter les rhumatologues, comme une chute. Si le rhumatologue sait qu’il doit rechercher une ostéoporose, la collaboration avec le gériatre permet de comprendre pourquoi le patient tombe.
Pour dépister les patients à risque de chute, les rhumatologues vont progressivement s’approprier certains tests : demander au patient de raconter les circonstances de sa chute, de marcher pour voir s’il prend des précautions (signe de la peur de tomber), d’essayer de tenir cinq secondes en équilibre en prenant appui sur une seule jambe (yeux ouverts, chaussé ou pas) et de compter le temps de faire cinq relevés de chaise (normalement en moins de 12 secondes).
« En cas d’épreuve mal réussie, une évaluation gérontologique standardisée permet de vérifier qu’il n’y a pas d’hypotension orthostatique, que les appuis des pieds sont corrects, le chaussage adapté, la vision satisfaisante. Il convient également de gérer les éventuels troubles du sommeil (les problèmes de prostate ou de vessie instable expliquant des levers nocturnes fréquents à risque de chute), de s’assurer de l’absence de dépression sous-jacente, de faire venir un ergothérapeute à domicile pour sécuriser l’endroit, etc. Le gériatre va enfin hiérarchiser les priorités et retirer progressivement de l’ordonnance des médicaments inducteurs de chute, par exemple, des psychotropes », poursuit le Pr Blain.
Évaluer avant de prescrire
Avant et pendant un traitement au long cours de corticoïdes, il est indiqué de réaliser une ostéodensitométrie et de prévenir ou traiter l’ostéoporose. Avant une prescription d’AINS, il convient de s’assurer de l’absence d’insuffisance rénale, de risque de saignement digestif ou d’interaction médicamenteuse (avec un antiagrégant, un anticoagulant…). « Avec un patient âgé et fragile, une évaluation gériatrique globale s’impose car il a plus de risques que l’adulte jeune d’avoir une encéphalopathie qui va gêner l’observance des traitements ou favoriser des effets indésirables médicamenteux. Par exemple, s’il reçoit des corticoïdes ou du tramadol, la présence d’une encéphalopathie sous-jacente va augmenter ses risques de confusion », insiste le Pr Blain.
À l’inverse, un gériatre qui reçoit un patient âgé avec des symptômes articulaires mal définis ou difficiles à équilibrer, va pouvoir faire appel au rhumatologue. « Certaines maladies inflammatoires articulaires – comme une polyarthrite aiguë œdémateuse, une pseudo-polyarthrite rhizomélique, une maladie de Horton ou une chondrocalcinose – sont un piège pour le gériatre lors du diagnostic, l’aide du rhumatologue est alors bienvenue », conclut le Dr Verlhac.
D'après un entretien avec le Pr Hubert Blain, gériatre (CHU de Montpellier) et le Dr Bernard Verlhac, rhumatologue (Paris).
(1) Verlhac B et al. Réflexions Rhumatologiques 2018;22,201:3-22
(2) Verlhac B et al. Rev Rhum 2019;86:159-63
(3) Jeandel C et al. Guide PAPA en rhumato-gériatie 2019
(4) Blain H et al. Rev Med Interne 2015;36(10):677-89
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