L’essai ROC est une étude de stratégie thérapeutique pour déterminer la meilleure option thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) après l’échec d’un premier biomédicament de la famille des anti-TNF-α. 292 PR (critères ACR 1987) en réponse inadéquate (et non en intolérance) à un premier anti-TNF ont été incluses dans 47 centres français. Il s’agissait de patients de 57,1 ans (±12,2) d’âge moyen, ayant une PR établie (10 ans ; 4-18), ACPA positive dans la grande majorité des cas (81,7 %) et en activité modérée à forte (DAS28 à 5,1 à l’inclusion). Ils ont été randomisés en 2 bras : un second anti-TNF ou une biothérapie différente par son mode d’action. Le choix de la molécule à l’intérieur des 2 classes thérapeutiques étant laissé à l’investigateur du centre. À 24 semaines, la proportion de patients avec une réponse EULAR bonne ou modérée était significativement plus élevée dans le groupe non anti-TNF (autre mode d’action) par rapport au groupe second anti-TNF : 69,7 % de répondeurs EULAR sous non anti-TNF contre 52,1 % dans le groupe second anti-TNF, avec un risque statistiquement supérieur de 2,06 (IC 95 % : 1,27-3,37) de répondre à un biomédicament non anti-TNF. Le pourcentage de patients en activité faible (DAS28 ‹ 3,2) était également plus élevé dans le groupe non anti-TNF que dans celui second anti-TNF, respectivement 44,6 % et 27,9 %, (OR 2,09 ; IC 95 % [1,27 ; 3,43]). Une analyse stratifiée sur la biothérapie non anti-TNF montrait une tendance identique pour les 3 molécules, avec une différence à la fois plus marquée et statistiquement significative avec le tocilizumab (TCZ), biothérapie la plus prescrite dans le bras non anti-TNF (n = 50). Les motifs d’arrêt du second biologique étaient à parts égales des problèmes de tolérance et d’efficacité dans le groupe non anti-TNF, alors que la perte d’efficacité prédominait dans le groupe second anti-TNF.
L’étude ROC était également une opportunité pour déterminer si la présence d’Anti Drug Antibody (ADA) observés avec le premier anti-TNF pouvait prédire la réponse à un second anti-TNF ou à un biomédicament non anti-TNF. Les sérums des PR ont été analysés avec au final, 32 patients qui ont développé des ADA avec le premier anti-TNF, 21 dans le groupe non anti-TNF et 11 dans le groupe second anti-TNF. La réponse au traitement a été évaluée par la variation du DAS28 entre 0 et 6 mois après l’initiation du second biomédicament. Cette étude semble confirmer que la présence d’ADA avec le premier anti-TNF est associée à une moins bonne réponse avec un second anti-TNF. En revanche, la réponse à un biomédicament non anti-TNF n’est pas différente entre ceux avec ou sans ADA apparus avec le premier anti-TNF. Le dosage des ADA après échec d’un premier anti-TNF pourrait donc aider au choix de la 2e ligne de biomédicament.
Commentaires du Pr Jacques Morel
L’étude ROC est la première étude randomisée montrant qu’en cas d’échec à un anti-TNF administré en première ligne de biologique, un biomédicament de mode d’action différent est plus efficace qu’un deuxième anti-TNF. Cependant, cette étude a des limites. Il s’agit d’une étude ouverte avec dans un groupe des biothérapies administrées par voie veineuse (TCZ, abatacept, et rituximab) alors que dans l’autre groupe la majorité des patients recevaient des traitements en sous-cutané puisque seuls 8 patients ont reçu de l’infliximab. Le mode d’administration peut avoir influencé la réponse au traitement. L’effet placebo varie en effet selon la voie d’administration (1). Par ailleurs, l’observance est assurée dans le groupe intraveineux. Enfin, dans le groupe non anti-TNF, le TCZ a été plus souvent choisi par les investigateurs (50 % des patients traités par TCZ). Cette surreprésentation du TCZ dans le groupe non anti-TNF pourrait expliquer la différence observée, car dans la PR, la supériorité du TCZ par rapport aux anti-TNF a été rapportée dans une méta-analyse sur le critère ACR70 (2). La différence pourrait aussi être liée au score d’activité choisi. En effet, l’activité a été évaluée sur le DAS28 dont la valeur est influencée par l’effet direct du TCZ sur les paramètres de l’inflammation (3,4). Il aurait été intéressant d’avoir dans les critères secondaires d’évaluation le CDAI qui ne prend pas en compte le critère biologique. Ces nombreuses limites doivent nuancer les résultats de cette étude et n’excluent pas la possibilité d’utiliser un autre anti-TNF surtout si l’efficacité du premier anti-TNF a été maintenue sur une longue période.
(1) Bannuru RR et al. Ann Intern Med. 2015 ;163:365-72
(2) Bergman GJ et al. Semin Arthritis Rheum. 2010 ;39:425-41
(3) Romão VC et al. Biomed Res Int. 2015 ;2015:279890
(4) Kawashiri SY et al. Mod Rheumatol. 2011;21:365-9
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