Hypophosphatasie

Un nouvel espoir dans une maladie osseuse rare et complexe

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Publié le 15/02/2018
mutation génétique rare

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Crédit photo : Phanie

Avec moins de 1 400 personnes touchées en France (soit une incidence de 1/100 000 à 1/300 000), l’hypophosphatasie (HPP) est une maladie métabolique ultra-rare à l’origine d’une fragilité osseuse et de multiples fractures chez les patients. Elle est due à la mutation du gène ALPL codant pour une enzyme, la phosphatase alcaline non tissu-spécifique (TNSALP), qui joue sur la minéralisation osseuse. En effet, cette enzyme est responsable de la déphosphorylation du pyrophosphate inorganique (PPi) pour libérer du phosphate inorganique qui, en se fixant au calcium, précipite en cristaux d’hydroxyapatite indispensables à la minéralisation osseuse. « En l’absence de cette enzyme, on a un tableau de rachitisme métabolique rare caractérisé par une transparence osseuse, avec un os mou qui se déforme », explique le Dr Geneviève Baujat, de l’hôpital Necker à Paris. Deux modes d’hérédité coexistent dans cette pathologie : autosomique récessif (le plus classique) et dominant.

De multiples formes différentes au diagnostic complexe

Très variable d’un patient à l’autre, l’HPP est d’autant plus sévère que les premiers symptômes sont précoces. « On peut aller de formes létales anténatales jusqu’à des formes découvertes chez l’adulte avec une atteinte limitée aux dents », précise le Dr Baujat. Ainsi, l’âge de découverte de la pathologie joue dans la classification de la maladie. « Dans les formes anténatales, les signes d’appel dépistés à l’échographie sont des problèmes de croissance des os longs, de déformation, d’incurvation, d’anomalies métaphysaires (métaphyses spiculées) et de transparence du crâne », décrit le Dr Baujat. Le pronostic reste cependant difficile à définir car il existe aussi des formes prénatales bénignes avec une évolution relativement positive en postnatal. De plus, aucune corrélation n’a été établie entre le type d’anomalies génétiques et la sévérité de la maladie. Quant aux formes infantiles présentant des premiers symptômes avant 6 mois, elles sont également très variables et repérées par des signes de détresse respiratoire, neurologiques ou d’infections bronchiques répétées. Le bilan phosphocalcique (phosphatases alcalines basses) et l’étude génétique permettent de confirmer le diagnostic.

Si un diagnostic à l’âge adulte annonce théoriquement une forme moins sévère, les adultes peuvent cependant être très handicapés par de multiples fractures. « Cette maladie, avec des tableaux cliniques très variés, peut être diagnostiquée par différents spécialistes (pédiatre, rhumatologue, kiné, dentiste, neurologue,…) d’où un retard très important au diagnostic », stipule le Pr Agnès Linglart, hôpital Kremlin Bicêtre. Le plus important au moment du diagnostic est d’éliminer les autres pathologies possibles : rachitisme, ostéogénèse imparfaite ou maladie des os de verre,…

Une avancée porteuse d’espoir

« En l’absence de traitement spécifique, on observait une grosse mortalité périnatale dans les formes infantiles avec plus de 95 % de décès la première année. Dans les formes à révélation retardée, on retrouvait de nombreuses déformations osseuses chez les enfants, très invalidantes et handicapantes, ainsi qu’une chute des dents », rappelle le Dr Baujat. Aujourd’hui, la mise à disposition de l’asfotase alpha (Strensiq), protéine de fusion recombinante qui pallie l’enzyme déficiente TNSALP, est porteuse d’espoir dans cette maladie. Traitement enzymatique substitutif au long cours, l’asfotase alpha est indiquée chez les patients atteints d’HPP, dont les premiers signes sont apparus avant l'âge de 18 ans, pour traiter les manifestations osseuses de la maladie. « Si l’objectif est de traiter les manifestations osseuses, cette molécule améliore également d’autres symptômes », souligne le Pr Linglart. Elle a montré son efficacité dans les formes très sévères à travers 4 études réalisées chez 102 patients de 3 à 65 ans (dont près de 80 % de formes infantiles). Ces essais ont mis en évidence une amélioration significative de la minéralisation osseuse, de la croissance, du poids et de la mobilité des enfants. L’amélioration de la minéralisation osseuse, évaluée par radiographie grâce à un score radiologique RGI-C, est continue. Les principaux effets indésirables sont les réactions au site d’injections, souvent modérées.

Selon la commission de transparence, ce traitement orphelin dispose d’une amélioration importante du service médicale rendu (ASMR II) et 50 à 80 patients seraient susceptibles d’en bénéficier en France. La prescription initiale annuelle de l’asfotase alfa est réalisée par les centres de référence traitant des maladies rares du métabolisme du calcium et du phosphore et des maladies osseuses constitutionnelles (filière OSCAR qui comprend 5 centres constitutifs et 29 centres de compétences régionaux). Le traitement est prévu pour être maintenu jusqu’à la fin de la croissance. Disponible en ville et à l’hôpital, ce traitement est administré par voie sous-cutanée 3 ou 6 fois/semaine. Le suivi est régulier et multidisciplinaire (kiné, nutritionniste, endocrinologue, rhumatologue, pédiatre, neurologue,…). « Cette nouvelle thérapie va maintenant changer l’évolution naturelle des formes sévères. Deux registres vont donc permettre d’évaluer à long terme l’évolution et les manifestations des différentes formes de cette pathologie », souligne le Dr Baujat.

Selon la conférence de presse du laboratoire Alexion, avec les interventions du Dr Geneviève Baujat, (hôpital Necker) et du Pr Agnès Linglart (hôpital Kremlin Bicêtre).

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr