Cas clinique

Une éruption cutanée suspecte lors d’un rhumatisme inflammatoire chronique…

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Publié le 27/09/2019

Atteinte de polyarthrite rhumatoïde immunopositive érosive, une patiente sous méthotrexate et tofacitinib présente une éruption cutanée vésiculeuse douloureuse…

Figure 1: Eruption vésiculeuse suite à une une allogreffe de moelle et traitement par immunosuppresseurs

Figure 1: Eruption vésiculeuse suite à une une allogreffe de moelle et traitement par immunosuppresseurs
Crédit photo : DR

Une patiente de 53 ans est suivie pour une polyarthrite rhumatoïde immunopositive érosive diagnostiquée en 2015. Son traitement comprend 20 mg de méthotrexate en sous cutané une fois par semaine et 5 mg de tofacitinib per os deux fois par jour, permettant le contrôle de la maladie avec un DAS28 à 1,8.

Elle se présente avec une éruption vésiculeuse douloureuse du flanc droit, évoluant depuis trois jours. À l’examen, il s’agit d’un zona typique. Elle a eu un épisode similaire en 2013 pour lequel elle a été traitée par valaciclovir pendant 7 jours avec succès.

Une nouvelle séquence de traitement par valaciclovir per, 3 g/j pendant 7 jours tout en poursuivant le tofacitinib a suffi pour contrôler cette infection.

Le tofacitinib en cause dans les infections virales

Le tofacitinib est un inhibiteur de la voie de signalisation Janus Kinase (JAK) impliquée dans le processus inflammatoire au cours de la polyarthrite rhumatoïde.

Dans une étude de suivi à long terme (8,5 ans) de la tolérance du tofacitinib, le taux d’incidence des infections virales graves avec ce médicament (nombre de patients avec une infection pour 100 patient-années de suivi) est de 2,7 (2,5 à 3,0), en particulier le zona avec un taux d’incidence à 3,9 (3,6 à 4,2). Cependant,  les formes multimétamériques ou disséminées sont rares, avec un taux d’incidence de 0,3 (0,2 à 0,4) (1).

Les patients âgés et la population japonaise sont particulièrement à risque de développer un zona sous anti-JAK (1).

Même si le taux de zona sous tofacitinib est approximativement le double de celui observé sous traitements de fond (biothérapies ou méthotrexate), il n’en demeure pas moins présent (2,3).

Arrêter l’anti-JAK en cas de complications

L’expression clinique du zona est le plus souvent classique et bénigne sous traitement antiviral, sans nécessité d’arrêter le traitement de fond : lésions d'âges différents, mélangeant microvésicules (figure 1 ci-dessus), vésicules (figure 2 ci-dessous) et pustules avec des croûtes (figure 3 ci-dessous) sur des placards érythémateux. Les croûtes tombent au bout de quelques jours.

Figure 2: Séquelle d’éruption vésiculeuse chez une femme de 79 ans traitée par corticoïdes pour une lombosciatique, ayant une méningoraduculite zostérienne.
Figure 2: séquelle d'éruption vésiculeuse en cas de lombosciatique traitée par corticoïdes, avec méningoradiculite zostérienne 
séquelle crouteuse de zona
Figure 3: séquelle crouteuse d'un zona occipital

En cas de zona compliqué, l’arrêt de l’anti-JAK est nécessaire et un traitement par aciclovir par voie intraveineuse (10 mg/kg/8h) sera réalisé au cours d’une hospitalisation sous surveillance étroite. Le traitement immunosuppresseur ne sera repris qu’après guérison complète.

En cas d’infections récidivantes, un traitement antiviral prophylactique en continu peut être envisagé.

Vérifier le statut vaccinal

Il reste important de vérifier le statut vaccinal du patient avant de débuter un traitement immunosuppresseur quel qu’il soit. Il faut aussi chercher les facteurs de risque d’infections virales : âge avancé, diabète et lymphopénie.

La révision des recommandations vaccinales par l’EULAR en 2019 est l’occasion de rappeler l’importance de la vaccination, en particulier chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques et maladies auto-immunes sous immunosuppresseurs (4).

La vaccination permet de réduire le nombre de séjours hospitaliers, de passage aux urgences et le taux d’infections sévères. Pourtant, Le taux de recours à la vaccination chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires reste faible. Cela est dû en partie au fait qu’elle n’est pas assez proposée par le corps médical (4,5), en particulier les rhumatologues (6).

(1) Cohen SB et al. Long-term safety of tofacitinib for the treatment of rheumatoid arthritis up to 8.5 years: integrated analysis of data from the global clinical trials. Ann Rheum Dis 2017;76:1253-62.
(2) Curtis JR et al. Real-world comparative risks of herpes virus infections in tofacitinib and biologic-treated patients with rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2016;75:1843-7.(3) Liao TL et al. Risk and severity of herpes zoster in patients with rheumatoid arthritis receiving different immunosuppressive medications: a case–control study in Asia. BMJ Open 2017; 7 : e014032.
(4) Furer V, Rondaan C et al. 2019 update of EULAR recommendations for vaccination in adult patients with autoimmune inflammatory rheumatic diseases. Ann Rheum Dis. 2019 Aug 14. pii: annrheumdis-2019-215882. doi: 10.1136/annrheumdis-2019-215882. [Epub ahead of print]
(5) Sandler DS et al. Understanding vaccination rates and attitudes among patients with rheumatoid arthritis. Am J Manag Care 2016; 2016;22:161-7.
(6) Ng B et al. Rheumatologists fail to advise people with RA to get immunised, which matters if you are under 65: An audit in a New Zealand rheumatology service. NZ Med J 2016; 129:72-8.

Sarah Khaleche et Philippe Orcel, service de Rhumatologie, Hôpital Lariboisière, Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr