«Jusqu’alors, la prise en charge de l’arthrose était guidée par les recommandations internationales de l’OARSI (Osteoarthritis research society international) publiées en 2008 et 2010, qui préconisent l’association de traitements médicamenteux et non médicamenteux », rappelle le Dr Pierre Monod. Les praticiens associaient intelligemment différents médicaments issus de la panoplie disponible : antalgiques, antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL), acide hyaluronique, anti-inflammatoires non stéroïdien, corticoïdes.., rééducation fonctionnelle, cannes ou encore perte de poids.
« Puis, dans un contexte conjuguant deux phénomènes – la recherche d’économies de santé et l’application du principe de déprescription- la Haute autorité de santé a jugé insuffisant le service médical rendu par les acides hyaluroniques dans la gonarthrose. Une décision qui mobilise depuis plusieurs mois la communauté rhumatologique », poursuit le Dr Monod.
«Faire des économies de santé est aujourd’hui une nécessité. Le faire en décidant de ne rembourser que l’essentiel (cancers, maladies de longue durée) est un discours acceptable. Mais il ne faut pas baser la décision d’éventuels déremboursements sur des arguments scientifiques non rigoureux », estime le Dr Monod, qui reconnaît que l’évaluation de l’efficacité des traitements de l’arthrose est difficile en l’absence de critères objectifs. « Contrairement à l’ostéoporose avec la densitométrie osseuse ou à l’hypertension artérielle avec les tensiomètres, nous ne disposons que de paramètres subjectifs, qui bien sûr ne constituent pas une preuve irréfutable, mais qui sont les seuls utilisables à l’heure actuelle ».
Si les AASAL et l’acide hyaluronique n’étaient plus remboursés, il ne resterait que les antalgiques, les corticoïdes, les AINS –avec leur cortège d’effets indésirables-et les mesures non médicamenteuses pour traiter l’arthrose qui est la deuxième cause d’incapacité en France. « Une telle décision ne peut être prise qu’en tenant compte de la lecture des données scientifiques par des spécialistes et d’une vision globale de la problématique de l’arthrose », insiste le Dr Monod qui défend le paradoxe rhumatologique français. « Il faut comparer les stratégies de façon plus large et sur toute une vie. Il y a par exemple beaucoup moins de poses de prothèses de genou dans notre pays que dans d’autres de niveau comparable, parce que les patients sont pris en charge sur le plan rhumatologique. A l’heure où l’espérance de vie s’allonge, retarder la pose d’une première prothèse de 3 ou 4 ans peut peut-être permettre de réduire le nombre de reprise de prothèse chez les sujets très âgés. La prise en charge de l’arthrose est par ailleurs un élément du maintien de l’autonomie, enjeu majeur de santé publique. Sans oublier qu’un patient moins mobile est un patient plus exposé aux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension artérielle, diabète… ). Il faut donc bien mesurer toutes les conséquences d’un éventuel déremboursement. »
Comme l’explique le Dr Monod, le Collège français des médecins rhumatologues (CFMR) va demander à être reçu par la HAS afin que les arguments donnés par les médecins en charge des patients arthrosiques soient entendus. « Nous sommes inquiets pour nos patients La médecine c’est un patient dans son ensemble et l’évaluation du rapport bénéfice /risque des traitements le travail quotidien des praticiens », conclut le Président du CFMR.
D’après un entretien avec le Dr Pierre Monod, Président du Collège français des médecins rhumatologues.
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