Pr Marie-Élise Truchetet (CHU de Bordeaux)

Vers de nouvelles pistes thérapeutiques dans la fibrose associée à la sclérodermie

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Publié le 29/11/2021

Ces dernières années, de nouveaux mécanismes impliqués dans la physiopathologie de la sclérodermie systémique ont été découverts, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques. 

Pr Marie-Elise Truchetet

Pr Marie-Elise Truchetet
Crédit photo : DR

La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie rare auto-immune caractérisée par une fibrose de la peau et de différents organes (poumons, cœur, rein), ainsi que par une vasculopathie systémique. Le pronostic est très variable en fonction de la sévérité de l’atteinte, mais les conséquences de la fibrose peuvent être importantes et réduire le pronostic vital. « La sclérodermie systémique est considérée comme la maladie auto-immune entraînant le plus grand nombre de décès. », souligne la Pr Marie-Élise Truchetet. Le traitement de la ScS reste encore aujourd’hui un défi. Quelques médicaments ont montré une efficacité dans le traitement de certains symptômes. « Comme il s’agit d’une maladie auto-immune, les traitements de la polyarthrite rhumatoïde ont d’abord été essayés avec un succès relativement modeste. Ils peuvent arrêter l’évolution mais souvent, il est trop tard pour agir sur la fibrose. Or, c’est cette composante fibrosante qui fait la spécificité de cette maladie, bien différente d’autres maladies auto-immunes comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde ».

Immunomodulateurs et antifibrosants

Actuellement, le traitement repose sur les immunomodulateurs. Le mycophénolate mofétil (Cellcept) est prescrit dès qu’il y a une suspicion de fibrose pulmonaire. « La véritable nouveauté est l’arrivée récente du nintedanib (OFEV), un inhibiteur de tyrosine kinase qui a montré son efficacité (étude SENSCIS) et est désormais autorisé dans la fibrose pulmonaire associée à la sclérodermie systémique, déclare la Pr Marie-Élise Truchetet. La pirfénidone, autre anti-fibrosant, n’a pas encore réussi à montrer son intérêt dans la sclérodermie systémique. D’autres essais sont en cours ».

Le tocilizumab, anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’IL6, semble également efficace non seulement sur l’atteinte articulaire dans la sclérodermie, mais aussi sur la fibrose (il n’est pas encore autorisé en France dans cette indication).

Le rituximab (anti-CD20) revient dans la course avec un essai récent randomisé présenté au congrès de l'ACR mais qui demande encore confirmation.

Certaines équipes pratiquent la greffe de cellules souches autologues, mais c’est un traitement lourd, réservé aux formes sévères et qui n’est pas sans risque, à cause de la procédure d’immunosuppression majeure, faite à l’aide de fortes doses de cyclophosphamide et entraînant une toxicité cardiaque.

Enfin, la transplantation pulmonaire peut être proposée aux patients présentant une insuffisance respiratoire sévère. « Parmi les perspectives à court terme, on peut citer l’amélioration des procédures de greffe, ainsi que l’administration d’immunoglobulines intraveineuses, notamment chez les patients souffrant aussi de myosite », ajoute la Pr Marie-Élise Truchetet.

Une recherche extrêmement active

Le romilkimab, une immunothérapie ciblée bispécifique anti-IL4 et anti-IL13 a été étudié, mais avec des résultats mitigés.

D’autres anti-fibrosants sont à l’étude : inhibiteurs de tyrosine kinase, d’intégrines, de protéasome.

Une autre voie très prometteuse est celle qui consiste à inhiber le TGF-β qui joue un rôle important dans l’induction de la fibrose. Le fresolimumab (anti-TGF β) a donné des résultats encourageants.

Des travaux récents ont bien montré le rôle joué par le TGF-β et l’IL-10 dans le développement de la fibrose cutanée et la possibilité, dans un modèle murin de ScS d’une intervention thérapeutique efficace en y associant la pirfénidone (1).

« On sait maintenant que l’on a besoin d’une combinaison de deux traitements, immunomodulateur et antifibrosant, pour être plus efficace. C’est d’ailleurs ce qui avait été fait dans l’étude Senscis (nintedanib+mycophenolate mofétil). Dès lors, la question qui se pose aujourd’hui est celle de la stratégie thérapeutique : quel est le médicament à utiliser en premier ? »

La recherche continue et est extrêmement active. La sclérodermie systémique est un modèle de maladie pour explorer la fibrose. Par ailleurs, toute sa physiopathologie n’a pas encore été comprise et de nouvelles pistes seront à explorer. 

(1) Laurent P et al. TGF β promotes low IL10-producing ILC2 with fibrotic ability involved in skin fibrosis in systemic sclerosis. Annals of the Rheumatic Deseases Published Online first 20 july 2021.

Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr