Le chemin est long et parsemé d’embûches de la première excitation de type homosexuel à l’acceptation de soi et au coming out. Malheureusement, celui-ci ne permet pas d’échapper à l’hétérosexisme et à la peur de l’injure, peur toujours présente chez la personne homosexuelle.
MÊME SI l’homosexualité ne fait plus partie des désordres mentaux depuis 1973 ni des perversions depuis 1981, les réserves morales et les représentations souvent péjoratives qui lui sont associées ainsi que la survalorisation de l’hétérosexualité sont souvent encore la source de grandes souffrances pour les homosexuels. Il est évident que la persistance de certains clichés plus ou moins sympathiques et d’amalgames douteux sont la démonstration que la perception sociale de l’homosexualité n’est pas encore complètement normalisée. On rencontre toujours des personnes pour lesquelles il est très difficile de s’accepter et de se faire reconnaître comme homosexuel.
Un stigmate invisible.
Les Anglophones nomment « coming out » le chemin qui mène l’individu de la première excitation de type homosexuel à la définition de lui-même comme homosexuel. En France, on ne retient de cette expression que sa finalité, c’est-à-dire la revendication publique de l’identité homosexuelle.
Le « coming out » ou « coming out of the closet » est l’anglicisme de l’expression « sortir du placard ». Le mot « placard » traduit bien les notions d’inconfort et de « cachette » avec lesquelles l’individu homosexuel doit vivre.
Le coming out, expérience personnelle psychologique, rejoint une manifestation politique, car c’est le « refus de la règle du silence et de la discrétion, autrement dit de l’ordre symbolique qui fonde l’inégalité et la légitimité des sexualités et assigne l’homosexualité au renfermement de la haine de soi » (1). Un hétérosexuel n’a pas à déclarer son identité sexuelle. Tout individu est a priori hétérosexuel. L’hétérosexualité n’est pas un stigmate, l’homosexualité oui, même si elle est invisible. L’évitement du discrédit par le travail de l’apparence se conçoit pour un certain nombre de gays et de lesbiennes afin de ne pas être « percé à jour » et de se mettre à l’abri de l’injure, potentialité toujours présente à l’esprit. Force est aussi de constater la grande plasticité du placard ; c’est ici tout le jeu de la double vie homosexuelle dans une société qui pose encore un interdit sur cette forme d’affectivité mais dans laquelle la libéralisation des mœurs a ouvert des espaces de sociabilité spécifique.
La menace de l’injure.
Si le coming out peut être considéré comme le moyen le plus sûr de briser le cercle vicieux dans lequel se trouve enfermée la personne homosexuelle, il faut se poser la question : peut-on vraiment sortir du placard ? Eve Kosofsly Sedwick (2) tempère le bel optimisme du coming out. Elle rappelle qu’on n’est jamais complètement dans le placard ni qu’on n’en sort jamais réellement. Certes le coming out est sans doute un « instant » de basculement, une conversion, mais il n’en est pas moins une épreuve interminable, le projet de toute une vie. Il doit sans cesse être réactualisé au présent. La personne homosexuelle n’en a jamais fini avec la menace de l’injure qui est constitutive de la subjectivité homosexuelle.
Il s’avère que le coming out organiserait la vie homosexuelle selon le système binaire d’un « avant » et d’un « après », à la manière d’une seconde naissance en opposition au modèle, continu et progressif, de la construction hétérosexuelle.
Mais il faut peut-être se montrer plus nuancé. De nombreuses publications font état de différents stades théoriques dans le parcours identitaire de l’homosexualité (3). On peut en retenir quatre en soulignant que ces étapes ne sont ni linéaires ni exclusives.
Quatre stades identitaires.
Le premier stade est celui de la sensibilisation ; il survient pendant l’enfance bien avant la puberté et est caractérisé par une perception progressive de marginalité et de sentiment de différence par rapport aux individus de même sexe. Le deuxième stade est celui de la confusion d’identité qui prend forme à l’adolescence ; le sujet commence à penser que ses sentiments et ses comportements peuvent être perçus comme « homosexuels ». Mais l’idée qu’il soit lui-même homosexuel est totalement dissonante avec l’image de soi qui primait jusqu’alors. Cinq stratégies de résolution ont été décrites : le désaveu, la réparation, l’évitement, la redéfinition et enfin l’acceptation. Cette étape peut durer longtemps car elle nécessite de comprendre pourquoi certains comportements sont socialement condamnés et entourés de stéréotypes connotés péjorativement. Le troisième stade est celui de la conciliation qui devient possible quand la stratégie d’acceptation a fait son chemin. Ce stade débute à la fin de l’adolescence quand la pulsion sexuelle réapparaît dans sa forme adulte et est orientée vers la satisfaction dans la relation intime avec l’autre. À ce stade, l’identité est plus tolérée que délibérément acceptée. L’individu peut alors refuser la satisfaction homosexuelle, adhérer, mettre en place une « double vie » ou enfin investir massivement jusqu’à contester l’hétérosexualité. Le quatrième stade enfin consiste en l’engagement, l’adoption de l’homosexualité comme mode de vie. C’est l’acceptation de soi. Le coming out en sera que plus aisé.
Comprendre ce cheminement doit permettre aux professionnels de santé d’accompagner petit à petit ces hommes et ces femmes tout au long de leur parcours. Il faut les aider à construire leur histoire personnelle, leur vérité.
Communication du Dr Patrick Leuillet, (Amiens).
(1) Fassin, 2008.
(2) Epistemology of the closet, 1990.
(3) Cass, 1979. TroIden, 1977. Maigret et Vasconcillos, 2004.
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