Les femmes ont-elles gagné à travailler au même titre que les hommes ? On s’intéresse enfin à l’impact sur leur santé. Premiers constats.
D’après l’Insee, on compte 2,1 millions de femmes au foyer en 2013 contre 3,5 millions en 1991. D’ailleurs, si les femmes arrêtaient de travailler pour des raisons personnelles 20 ans plus tôt aujourd’hui c’est la fin d’un CDD qui sonne la fin du travail dans la grande majorité des cas. Pourtant grâce au travail les femmes sont moins dépendantes de leurs conjoints, ce qui explique en partie l’explosion des séparations remarquée depuis les années 1970. Si 105 813 divorces ont été prononcés en 1990, ils sont 123 537 en 2014 (même si on constate une baisse depuis 2005). À présent, des femmes se retrouvent seules à travailler et à élever leurs enfants en parallèle. Or, toutes ces évolutions sont-elles sans conséquences sur la santé féminine ?
La recherche médicale conjuguée au masculin
Il n’est pas si simple de répondre à cette question. « Les préoccupations médicales pour la santé des femmes ont longtemps concerné leurs capacités ou leurs incapacités procréatrices (... ) De ce fait, les femmes sont exclues de la construction des grands problèmes de santé publique », explique Monique Membrado, sociologue au CNRS dans la revue Nouvelles questions féministes en 2006. Elles ont aussi longtemps été délaissées dans le cadre de la recherche. En effet, les expérimentations animales comme les essais cliniques ont longtemps été menés que sur des mâles. « On a même vu des recherches sur les risques de cancers gynécologiques conduites chez des hommes ! », énoncent Jennifer Marchant et Catherine Vidal, coresponsables du groupe « Genre et recherche en Santé » de l’Inserm et auteurs d'un dossier réalisé en novembre 2016. Face à ce constat, la législation a rendu obligatoire les essais cliniques sur les deux sexes en Europe il y a 15 ans, contre 30 ans Outre-Atlantique. Si la situation s’améliore, elle n’est pas encore idéale : en 2014, Francis Collins, le directeur de l'Institut national de la santé américain (NIH) a publié un édito dans Nature pour encourager les scientifiques à tester leurs théories sur des cobayes et des tissus féminins.
Il demeure donc important d’inciter les médecins à considérer les différences entre les genres. L’exemple le plus fréquemment cité est l’infarctus du myocarde toujours associé à l’homme d’âge mûr trop stressé, et qui reste sous-diagnostiqué chez les femmes. « Une patiente qui se plaint d’oppression à la poitrine se verra prescrire des anxiolytiques alors qu’un homme sera orienté vers un cardiologue », souligne l’équipe de l’Inserm. Le BEH consacré à la journée des femmes l’an dernier avait également souligné ce problème chez les femmes jeunes.
Elles travaillent plus mais gagnent moins...
Les femmes ont également été oubliées en ce qui concerne la santé du travail. Pourtant, si les femmes boivent et fument davantage, elles travaillent surtout beaucoup plus et pas forcément pour gagner plus. Encore aujourd’hui, les femmes occupent principalement des postes peu qualifiés en prolongement des activités domestiques ou parentales. Or, ce type d’emploi comporte aussi des pénibilités, notamment « la manutention de charges lourdes dans le cadre de soins ou services à la personne ou l’exposition à des produits toxiques pour le personnel d’entretien », évoque une étude dirigée par l’INED (Cambois E, Revue d’Épidémiologie et de Santé publique, 2016). Il a déjà été observé qu’elles étaient confrontées à des difficultés comme la station debout permanente ou des gestes répétitifs. Ainsi, la gent féminine se trouve plus fréquemment touchée par les troubles musculo-squelettiques. En parallèle, d’autres travaux de l’INSEE, ont révélé des tensions professionnelles ou « Job strain » plus fréquentes chez les femmes, et ce, que ce soit, parmi les cadres (15 % contre 10 % pour les hommes) ou les ouvrières (plus de 35 % contre plus de 20 %). Ceci signifie qu’elles sont confrontées à une forte demande psychologique et qu’elles disposent d’une faible latitude décisionnelle.
« Être au four et au moulin » nuit à la santé
D’autre part, une autre étude a trouvé un lien entre la plus grande fréquence des troubles fonctionnels physiques et anxiodépressifs chez les femmes et leurs désavantages au niveau professionnel (Cambois E, Population Health, 2017). Effectivement, les différences de genre dans le secteur de l’emploi auraient des conséquences sur la santé féminine car si les femmes ont des emplois moins qualifiés, elles sont aussi moins souvent promues. Leur carrière est plus souvent interrompue en raison de l’arrivée d’enfants, ce qui diminue encore leur chance d’acquérir de l’expérience et de parvenir à un meilleur poste avec de meilleures conditions de travail.
Enfin, les femmes gardent l’apanage des tâches ménagères, et s’y consacrent 3 heures 30 par jour en moyenne contre 2 heures pour les hommes. D’après l’INED, ces préoccupations domestiques empiètent sur leur travail, ce qui n’est pas le cas pour leurs homologues masculins. Ainsi, le cumul de toutes ces activités pourrait contribuer à une dégradation de l’état physique et mental des intéressées.